Pourquoi sourit-on en photographie?

André Gunthert (1, 2)

1 CRAL - Centre de recherches sur les arts et le langage
2 CEHTA-CRAL - Centre d'Histoire et Théorie des Arts/Equipe du CRAL

Why do we smile in photography? For a long time, we thought it was simply a matter of exposure time. But behind this simple question lies a fascinating mystery: a long-unseen evolution at the intersection of anthropology and visual history. In the second half of the 19th century, photography simply extended the conventions of painted portraiture, where a serious face expressed the mastery of emotion in public. The advent of silent cinema imposed new rules. Enhanced by the magnifying effect of close-ups, the expressiveness of the face became the key to visual storytelling. From the 1930s, the success of this formula led to its adoption in photography. The combination of authenticity and legibility fueled a boom in press illustration. In portraiture, the smiling face emerged as the guarantor of a modern, egalitarian sociability. At least superficially: the forced smile in the photographic pose is no longer an expression of emotion, but a standardized sign of communication. It embodies the new influence of images in an increasingly mediatized world.

Pourquoi sourit-on en photographie? On a longtemps cru qu’il ne s’agissait que d’un problème de temps de pose. Mais derrière cette question simple se cache une énigme passionnante: une évolution restée longtemps invisible, à la croisée de l’anthropologie et de l’histoire visuelle. Pendant la seconde moitié du XIXe siècle, la photographie n’a fait que prolonger les conventions du portrait peint, où une mine sérieuse exprime la maîtrise des émotions en public. L’arrivée du cinéma muet impose de nouvelles règles. Intensifiée par l’effet de loupe du gros plan, l’expressivité du visage devient une clé de la narration visuelle. A partir des années 1930, le succès de cette formule la fait adopter en photographie. L’alliance de l’authenticité et de la lisibilité alimentent l’essor de l’illustration de presse. Dans le portrait, le visage souriant apparaît comme le garant d’une sociabilité moderne et égalitaire. Du moins en apparence: marqueur d’une mutation de la présentation de soi dans l’espace occidental, le sourire forcé de la pose photographique n’est plus l’expression d’une émotion, mais un signe de communication normalisé. Il incarne la nouvelle influence des images, dans un monde de plus en plus médiatisé.

Mots clés: photography; cinema; smile; expressivity

Domaines: Sciences de l'Homme et Société

André Gunthert. Pourquoi sourit-on en photographie?. Deux-cent-cinq, 2023, Milieux, Vivien Philizot, 978–2–919380–74-9. ⟨hal-04372133⟩