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Pré-publication, Document de travail Année : 2023

La France des années 50

Dominique Lejeune
  • Fonction : Auteur
  • PersonId : 1000572

Résumé

J’ai beaucoup écrit et titré sur l’histoire de la France : La France des débuts de la Troisième République, il y a bientôt trente ans, celle de la Belle Époque, plus tôt encore, celle des Trente Glorieuses, plus récemment, et celle de la « Troisième » (République), plus globalement . La présente prépublication vise un horizon chronologique plus court, la décennie des Années 50. Scrutée par le britannique Major Thompson, couchée sur le papier de ses carnets (1954), la France, elle, change considérablement, en une décennie ou plutôt une grosse douzaine d’années, passant de la pénurie dramatique de l’immédiat après-guerre à la croissance des Trente Glorieuses et à « la puissance reconquise » : au fond, il ne s’agit pas d’une décennie mais des « Quinze décisives », selon l’heureuse formule du regretté historien René Girault . Dans une nation qui a encore de nombreuses foires aux bestiaux, où Électricité de France et l’État déménagent prestement les montagnards, jugés archaïques, de Tignes (Haute Tarentaise, 1952), secourent faiblement ceux de Bessans (Haute Maurienne), qui voient leur village en partie détruit par les intempéries en 1957, et éventrent ce qu’il en reste par une « pénétrante aval ». Mais dans une nation dont les entreprises d’une certaine importance utilisent abondamment des fiches mécanographiques, les années 50 — poussées par l’aiguillon de la croissance, qui renouvelle l’appareil productif — furent-elles une accalmie, une embellie, une renaissance économique et sociale, célébrée, autocélébrée, car des chansons françaises félicitent les Français d’avoir la 4 CV et l’animateur Zappy Max ? Halberstam poursuit, toujours à propos des États-Unis : « Les photos nous montrent le plus souvent des personnes soigneusement habillées : hommes en costume-cravate, toujours coiffés d’un couvre-chef à l’extérieur ; femme à l’indéfrisable dont chaque boucle était en place. Plus que tout, les jeunes gens paraissent être conformistes et accepter, en grande majorité, les conventions sociales du moment. » Mais en France des crises politiques et des « sales guerres », que les militaires actuels appelleraient pudiquement « asymétriques », scandent cette douzaine d’années de « régime des partis », lesquels sont « du vin nouveau dans de vieilles outres », pour reprendre la formule célèbre de Jacques Julliard . La « grandeur » — mot gaullien — est recherchée, sans grands moyens et dans le champ de la « polyculture » — mot de l’historien Jean-Pierre Rioux — , a-t-on des « années modestes », comme dit Érik Orsenna ou vraiment des avant-gardes ? La France connaît, en tout cas, une forte ouverture culturelle sur le monde, des États-Unis de la Libération et des accords Blum-Byrnes à la « sœur latine » italienne du Voleur de Bicyclette et des coproductions, en passant par l’Allemagne occupée. La réalité profonde n’est-elle pas intermédiaire, « moyenne », dans la France d’Édith Piaf et de Charles Trenet, qui est aussi, déjà, celle de leurs épigones ? Et la réalité économique de ce début de Trente Glorieuses n’est-elle pas à la fois pesticide et écologique ? Qu’est-ce qui, au fond, fait le plus sens ? Pour répondre à ces questions, nous verrons dans le premier chapitre l’ombre portée de la Seconde Guerre mondiale sur le pays, en état de pénurie sévère, ainsi que la démographie léguée par une longue histoire, mais en état de relèvement rapide dans les années 50. La nation et les habitants sont épuisés dans la grisaille de la fin des années 40, cependant grâce à une sorte d’élan vital le pays est remis en route, la reconstruction débute, la natalité remonte et les immigrés commencent à arriver. Puis dans les deux chapitres suivants la France des nationalisations et de la planification entre en prospérité, avec une société qui s’habitue à la croissance, au progrès du niveau de vie, au plein-emploi et au néo-libéralisme, mais qui reste inégalitaire, avec pauvreté, grèves et abbé Pierre. La France du béret basque est celle de l’affaire Dominici et du poujadisme, mais également celle du champion Alain Mimoun. Est-elle celle des femmes ? La France sera entièrement en Couleurs dans le chapitre 4, nourri d’ « État modernisateur » : les entreprises ne sont plus « immobiles » ; formidable creuset d’énergie et d’innovation, la France a du rose aux joues ! Les États-Unis aident la France, comme le reste de l’Europe occidentale, le gaz de Lacq jaillit et les féminismes surgissent, mais les femmes sont-elles libérées pour autant ? Le chapitre suivant sera consacré à la politique, intérieure et extérieure, mais cet unique chapitre politique ne sera pas un digest de la IVe République et pas davantage à la gloire de la République gaullienne. Enfin, nous verrons dans les trois chapitres terminaux ce pays, « outillé de neuf » sur le plan économique , donner encore un visage de « vieille France » culturelle mais aussi s’ouvrir au monde et à la modernité culturelle, aux industries culturelles, à une certaine forme de vitalité religieuse et aux avant-gardes en Couleurs. En couleurs ?À l’orée des années 50, Jacques Tati (1907-1982) tourna chaque scène de Jour de fête (1949), un des plus grands succès cinématographiques du XXe siècle avec ses millions de spectateurs ( ), en deux versions, l’une en Noir & Blanc, l’autre dans un procédé de colorisation dont il fut longtemps impossible de développer la pellicule impressionnée. Ce ne fut qu’un demi-siècle plus tard qu’une héroïque tentative réussit à révéler les Couleurs de Jour de fête. Et ce n’est qu’il y a quelques années que la restauration de la version classique du film de Tati sortit en salle, révélant la prodigieuse modernité du Noir & Blanc. Dans son film-chef d’œuvre Tati annonce la couleur, qu’il ne verra jamais pour son film, par le biais d’une phrase de la vieille dame à la chèvre, qui au fond joue tout au long du film le rôle du chœur antique : « C’est ben gai d’avoir des robes de toutes les couleurs ! Moi, j’ai toujours été en nouère. » Le XIXe siècle de cette vieille dame en noir s’achève définitivement, les années cinquante commencent, François, le facteur, joue à l’Américain avec sa bicyclette Peugeot modèle 1911…
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Dominique Lejeune. La France des années 50 : Début des "Trente Glorieuses" ?. 2023. ⟨halshs-03839884v2⟩
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Dernière date de mise à jour le 20/04/2024
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