À propos de quelques usages politiques du “Chanter sur…”
Résumé
Lors des manifestations de rue accompagnant les conflits sociaux, il est fréquent que l’on chante sur « l’air des lampions », c’est-à-dire que l’on scande un slogan sur un rythme et une ou plusieurs hauteurs qui font modèle. Ce modèle de scansion peut recevoir tous les slogans. Sans être exactement un « chanter sur... », ce mode de musicalisation récurrent du message politique montre toute l’importance que revêt le choix de sa forme sonore, surtout quand celle-ci investi un modèle à l’histoire sociale forte, comme peuvent en avoir certains chants, pour jouer avec leur référentialité.
Dans l’agencement des mots, des hauteurs et des rythmes, il se joue en effet la définition ponctuelle ou de plus long terme des possibilités d’existence d’une idée ou d’un projet politique par sa représentation sonore. Le son en général et le chant, très souvent, interviennent dans le règlement de la tactique partisane et font ainsi figures de moyens d’action. Le « chanter sur... » apparaît alors comme la récupération de la charge symbolique d’un chant qui s’effectue en continuité ou en rupture avec son histoire, et recèle pour cette raison une puissance politique situationnelle forte.
Au cours d’une recherche doctorale consacrée au disque politique français des années 1930, nous avons croisé plusieurs occurrences de « chanter sur... », dont certaines se trouvent à l’origine du matériau musical représentatif d’organisations de premier plan, comme les partis socialiste et communistes, ou l’Action française. Le rôle du « chanter sur... » dans l’histoire politique française est ainsi esquissé, mais cette pratique politique récurrente nécessite, pour être mieux comprise, un examen attentif de ses différents usages et de leurs fins.
Nous proposons donc, pour notre première recherche sur ce sujet, d’aborder le « chanter sur... » pour ce qu’il offre de possibilités d’agir à des acteurs politiques, son usage pouvant être de braconnage, palliatif à un manque de temps ou de compétences musicales, donnant le format d’un texte en cours d’écriture, ou servant à rassembler par la popularité du chant récupéré. Il sera ainsi question de La France bouge (Action française), de l’Internationale ou de La Marseillaise, de chants diffusés dans les almanachs de la SFIO, ou d’une chanson des Rita Mitsouko utilisée lors d’une contestation récente.
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