Economie et culture, même combat : Les producteurs français de cinéma et l’Avance sur recettes du CNC (1985-1995) : stratégies éditoriales et enjeux professionnels
Résumé
Pour la première fois dans son histoire, la nomination consécutive, en 1983, puis 1984, de deux producteurs français de cinéma à la présidence de la commission d’Avance sur recettes marque un tournant dans le fonctionnement de ce dispositif de soutien qualitatif créé par le CNC en 1960. Comment s’illustra, dans le domaine du soutien public à la production cinématographique, le modèle d’économie culturelle que tenta de promouvoir le Ministère de la Culture après le retour de Jack Lang de la conférence de l’Unesco de Mexico de 1982 ? Les efforts que déploie le Ministère de la culture au début des années 80 dans d’autres secteurs de la vie culturelle afin de rapprocher économie et culture confortent l’hypothèse d’une part accrue laissée aux producteurs de cinéma dans la réflexion que mène alors le CNC sur la qualité des films dignes d’êtres soutenus par les commissions professionnelles, ce que valide d’une part la réforme de 1982 qui permet désormais aux producteurs de cinéma de solliciter l’Avance (cette dernière ayant été jusqu’alors réservée aux demandes présentées par les réalisateurs et scénaristes) et, d’autre part, l’observation de l’origine socioprofessionnelle des membres nommés à l’Avance durant la période de référence de notre étude. Le rapport des producteurs de cinéma à l’Avance sur recettes changea également durant cette période, l’Avance passant du statut d’aide financière ponctuelle à la probabilité d’obtention toujours aléatoire pour son postulant à celui d’un indispensable viatique s’insérant désormais dans une stratégie de financement décidée en amont par le producteur, sur un modèle éditorial, et permettant de décliner en aval les décisions concertées d’autres opérateurs (co-productions télévisées dont le soutien de Canal+, sélection dans les festivals internationaux…). A partir de la liste des films bénéficiaires de l'Avance sur recettes du CNC entre 1985 et 1995, de ceux coproduits dans le même temps par une filiale cinéma d’une chaîne hertzienne de service public, et des discours des acteurs publics de la culture concernant le plan national d’investissement du secteur de l’économie culturelle, cette communication pose la question de la convergence qui s’observe à partir du milieu des années 80 autour de la définition du film de « qualité » française. Enfin, au-delà du bilan économique en matière de politique culturelle, cette communication pose la question des enjeux identitaires d’une profession en mutations, confrontée au rôle grandissant de la télévision dans le financement des films et à l’européanisation des modèles nationaux de régulation.
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