"Penser la ville de part et d’autre du Mur : la critique architecturale et l’échange Est/Ouest"
Résumé
« Pendant des années, Hermann Henselmann m’a rendu visite pour s’informer des jugements « de l’ouest » sur la construction en RDA. Des années durant dans mon propre appartement puis, en tant qu’architecte de la ville a. D., à la rédaction de Bauwelt. » écrit Ulrich Conrads, le rédacteur en chef (1957-87) de la revue hebdomadaire Die Bauwelt dans son testament intellectuel (2007).
S’il peut paraître surprenant que ces deux protagonistes majeurs de la critique à l’Est et à l’Ouest aient pu se rencontrer si fréquemment dans le Berlin divisé, il s’avère que les échanges réels et théoriques entre certains architectes-urbanistes et critiques des deux entités urbaines furent pourtant réels, les fonds d’archives l’attestent2. Mais soumis à de fortes contraintes extérieures (surveillance, censure), le commerce d’idées entre les acteurs de la critique de Berlin-Est et Berlin-Ouest reste fragile, inégal et discontinu jusqu’à la Réunification.
Après la guerre, le milieu de l’architecture subit d’importantes transformations et son paysage institutionnel est profondément remanié. Tandis que Die Bauwelt, l’hebdomadaire historique du monde de la construction est réimprimé dès 19463, la revue mensuelle Deutsche Architektur est fondée en 1952 ; ces deux périodiques constituant les principaux vecteurs de diffusion de la critique architecturale pour la presse spécialisée. Mais régulièrement interrompu par les événements politiques, le débat d’idées entre les spécialistes des deux villes prend peu à peu des voies détournées. Les congrès de l’UIA constituent des moments privilégiés durant lesquels architectes de l’Ouest et de l’Est font une apparition commune sur la scène publique internationale. À cette dimension institutionnelle viennent s’ajouter les échanges entre individus allant des correspondances épistolaires sporadiques car soumises à la censure, aux rencontres professionnelles marquées par une organisation
difficile liée au contexte géopolitique.
Finalement, on peut se demander comment les acteurs de l’architecture berlinoise de l’après-guerre à la réunification, souvent Berlinois d’origine et formés à la discipline dans la capitale weimarienne, témoins des transformations urbaines depuis l’entre-deux-guerres, réagissent en tant que critiques à la nouvelle configuration urbaine et à ses enjeux idéologiques ? Partant d’une réflexion sur la mesure de ces échanges méconnus et leurs modalités, l’intervention mènera à la mise en lumière du principe générationnel, déterminant dans la (re)construction d’un milieu architectural certes divisé mais aux références culturelles communes et héritées d’avant 1945.
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