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Communication dans un congrès Année : 2015

Définir l’unité nationale canadienne face à « l’autre » états-unien sous les Libéraux (1963-84)

Résumé

Au cours des années 1960 et 1970, le Canada connaît des transformations sociétales profondes. Les références identitaires à la nation britannique déclinent et des symboles canadiens apparaissent, comme en témoigne le drapeau de 1965 alors que Lester Pearson était Premier ministre (1963-1968). José Iguarta a nommé ce phénomène « dé-ethnisation », le Canada anglais étant remplacé par une définition civique plus vaste de la nation afin d’englober les citoyens, et ce, quelle que soit « leur origine linguistique, culturelle ou ethnique ». En parallèle de la Révolution tranquille au Québec qui se sécularise et revendique une reconnaissance politique et culturelle, le Canada deviendra un pays bilingue et biculturel (la Loi sur les langues officielles est adoptée en 1969), puis multiculturel en 1972. Intégrer les « autres » canadiens sans les assimiler devient la politique officielle et vise aussi, pour le Premier ministre Pierre Trudeau (1968-84), à mettre en difficulté le séparatisme québécois. Ces changements suivent leur cours jusqu’au début des années 1980, lorsque la constitution canadienne est rapatriée de Londres et qu’y est insérée une Charte des droits et des libertés, ce qui porte un coup aux nationalistes québécois en donnant la primeur aux droits individuels sur les droits collectifs. Le Canada se dote également, dans les années 1960, d’un système de protection sociale et des vagues de nationalismes secouent le pays durant ces deux décennies, qui prennent la forme d’un nationalisme anglophone dotée d’anti-américanisme, mais aussi d’un nationalisme politique canadien qui cherche à construire une société unie en réaction au nationalisme québécois. Cette société canadienne est alors posée comme différente de la société américaine au sud de la frontière qui revêt un fort caractère symbolique. Cette frontière a également été décrite en termes de jeu de miroir, « les Canadiens derrière le miroir, bien informés et sans voir leur reflet, et les Américains qui se retrouvent à regarder vers le Nord en y voyant uniquement leur propre image ». La politique étrangère canadienne, sous les gouvernements Libéraux, vise aussi à créer de l’unité nationale en projetant une image positive du Canada à l’étranger dans laquelle pourraient se reconnaître francophones comme anglophones. Cette politique met en avant le maintien de la paix qui est érigé en mythe et qui distingue le Canada des États-Unis. Néanmoins, les ambivalences canadiennes envers le voisin du sud se font jour et la marge de manœuvre canadienne à l’étranger est limitée par la relation entretenue avec les États-Unis. La majorité des discours canadiens non francophones mettent l’accent sur l’idée que ce qui distingue le Canada, c’est qu’il n’est pas « américain », c’est-à-dire pas états-unien. Ce discours, répandu dans les discours officiels, politiques et dans la presse anglophone, principalement dans l’Est du pays, n’était pas neutre à l’heure où l’économie canadienne dépendait de plus en plus des échanges avec son voisin du sud et où la défense du territoire devenait intégrée dans une perspective parfois dite « continentale », en période de guerre froide. Le flot de produits culturels américains consommés au Canada a aussi poussé à promouvoir une production culturelle canadienne propre. Les discours canadiens posaient les États-Unis comme « l’autre » afin de se définir, et que le Canada soit perçu comme une autre Amérique, plus paisible et égalitaire, notamment à la fin des années soixante où les États-Unis s’embourbaient dans la guerre du Vietnam et étaient secoués par la violence. Pourtant, le nationalisme canadien politique, qui cherchait à asseoir une certaine « canadiannité » n’était pas fondamentalement anti-américaine. Ce qui est intéressant, c’est que le Département d’État des États-Unis suivait l’évolution du nationalisme canadien, comme en témoigne un rapport du bureau de recherche et de renseignement de juillet 1970, afin d’anticiper la direction que pourraient prendre les relations canado-américaines. Cette communication se propose d’étudier dans un premier temps la façon dont les discours canadiens ont construit, dans les années soixante à quatre-vingts, les États-Unis comme un « autre » attirant certes, mais dont il fallait se méfier et de voir en quoi la rhétorique de l’altérité a contribué au nationalisme canadien. Dans un deuxième temps, il semble intéressant d’apporter un autre regard en analysant comment le Département d’État américain a perçu cette rhétorique.
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Dates et versions

halshs-01162949, version 1 (12-06-2015)
halshs-01162949, version 2 (20-06-2015)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-01162949 , version 2

Citer

Chloé Carbuccia. Définir l’unité nationale canadienne face à « l’autre » états-unien sous les Libéraux (1963-84). "De l'Amérique aux Amériques: dynamiques d'un continent patchwork", Tiphaine DURIEZ, Maria Fernanda ACOSTA, Lamia MOKRANE, Nov 2014, NICE, France. ⟨halshs-01162949v2⟩
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Dernière date de mise à jour le 20/04/2024
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