Le scepticisme et les hypothèses de la physique
Résumé
Les historiens des sciences considèrent que l'Histoire du scepticisme d'Erasme à Spinoza de Popkin a établi les trois propositions suivantes : 1. Contrairement à Gassendi, Descartes avait une conception dogmatique de la science en général et en particulier de la physique ; 2. L'épistémologie hypothétique de la physique qui se développe au XVIIe siècle fut la conséquence d'une crise sceptique générale ; 3. Cette épistémologie a trouvé un terrain plus favorable en Angleterre qu'en France. L'article " Le scepticisme et les hypothèses de la physique " nuance ces affirmations : 1. Il existe dans l'œuvre cartésienne une tension entre l'idéal d'une science totalement certaine et une physique pleine d'hypothèses : dans sa physique concrète, Descartes recourt à des hypothèses ; bien plus, il leur a ménagé une place de droit dans les Principia philosophiae. 2. Le scepticisme des " philosophes mécaniques " n'est pas totalement déterminé par une crise générale, mais a partie liée avec la manière dont ceux-ci, tout en prétendant s'appuyer sur le témoignage des sens, recouraient à des corpuscules insensibles et plus généralement inobservables. 3. Les physiciens parlent par hypothèses aussi bien en France qu'en Angleterre à la fin du XVIIe siècle. Contrairement à une idée aujourd'hui répandue, le fait de présenter la physique comme hypothétique ne résulte pas de la mise en place de nouvelles règles de la civilité savante. Tout en invitant à nuancer la catégorie de scepticisme modéré avancée par Popkin, cet article analyse les raisons pour lesquelles certaines propositions physiques ont été présentées comme des hypothèses au XVIIe siècle. Son intérêt méthodologique consiste en ceci que trois perspectives y sont successivement adoptées : celle d'un historien de la philosophie qui examine les emplois du concept d'hypothèse dans la physique de Descartes ; celle d'un historien de l'épistémologie, se demandant s'il existe une corrélation entre le recours des philosophes mécaniques à des hypothèses et leurs principes ontologiques ; celle d'un historien, réfutant l'idée que les savants se conformeraient à certaines règles de civilité caractéristiques des premières institutions scientifiques. Au lieu de maintenir séparées trois espèces d'histoire, cet article permet donc d'évaluer leurs capacités respectives sur une question précise.
Origine :
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