Ethnicisation dans l'école française : phénomènes en question et enjeux d'arrière-plan
Résumé
Depuis quelques années se développent des discours sur "l'ethnicité", les "affirmations identitaires", dans la société française et en particulier dans l'École. Que ces discours socio-médiatiques soient fascinés par ce qui est appelé le "métissage" ou qu'ils redoutent ces affirmations, ils constituent un nouveau "problème social", un problème qui interroge la société et l'école françaises, et qui ne concerne pas seulement les élèves issus de l'immigration. Notre article s'appuie sur les résultats croisés de deux enquêtes, conduites par observations longues et par entretiens semi-directifs répétés. L'une porte sur les modes de construction identitaires qui évoluent dans le passage CM2 / collège (passage qui correspond à un effet de seuil vers l'adolescence), pour des élèves qui sont identifiés par les enseignants comme pouvant rencontrer des difficultés importantes dans la suite de leur scolarité. Elle s'appuie sur un suivi de seize élèves pendant 2 ans, dans le quartier, les établissements scolaires, les associations péri-scolaires et de prévention qu'ils fréquentent. L'autre recherche porte sur les modes de mise à l'épreuve des constructions identitaires pour les collégiens orientés dans des "dispositifs-relais". Ces deux enquêtes ne sont pas disjointes dans le projet de communication : tout, dans les dossiers scolaires des collégiens de dispositifs relais, permet de penser qu'ils étaient des écoliers comparables à ceux suivis dans la première enquête. Notre objet est donc de retracer des processus de construction identitaire sur ce qui se joue entre la famille, l'école, les copains du quartier, les milieux sociaux, les discours ambiants : comment des jeunes qui étaient en apparence des écoliers "bien-heureux", appliqués à respecter les consignes enseignantes, peuvent devenir des adolescents qui en fin de collège rejettent l'École et l'ensemble des institutions éducatives parce qu'ils se sentent victimes d'une oppression sur des critères ethnicisés ? des collégiens qui refusent de participer à des "apprentissages de Blancs", en dichotomisant les relations pédagogiques entre " eux " et " nous " ? À quel moment et dans quelles conditions cette perception ethnicisée de la scolarité se manifeste-t-elle, et avec quelle dépendance et quelle indépendance vis-à-vis des perceptions ethnicisées de la société ? Après la présentation, dans une première partie, des phénomènes tels qu'ils se manifestent, la seconde partie de la communication montre en quoi l'ethnicisation de l'École est alimentée par des évolutions qui sont peu perçues par les acteurs de l'éducation comme jouant un rôle décisif en la matière : * par l'évolution des classes sociales et de leurs relations comme par l'évolution de la façon dont elles sont données à voir dans la société *par l'évolution paradoxale de la façon dont est donnée à voir la culture scolaire (moins " distinctive "4 en apparence, mais donnant à voir de façon plus opaque les savoirs de la culture légitime comme des espaces de conquête sociale) * par l'évolution des formes pédagogiques et des savoirs (individualisation et essentialisation) Ces développements nous conduisent à montrer que, contrairement aux opinions de sens commun, l'ethnicisation n'est pas seulement un phénomène qui " envahit " l'École, mais que celle-ci, au travers de certaines de ses évolutions, participe activement à ce que la perception de la scolarité et de la société se fasse sur des critères ethnicisés.
Origine :
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