Proust et Anatole France : tombeau pour un maître dépassé
Résumé
La relation entre Proust et son aîné Anatole France met en scène de façon paradigmatique la problématique du maître plus âgé, célèbre et vénéré, sollicité pour parrainer l'entrée d'un jeune auteur en littérature, tout en présentant quant à sa résolution une solution tout à fait originale choisie par Proust pour, au moment de devenir véritablement écrivain, se débarrasser d'un maître devenu encombrant, et dont il a fini par s'éloigner sur le plan esthétique. Le plus intéressant se situe dans la question – inévitable- de la dissidence du disciple. Proust, on le sait, a fini par « se trouver », et s'est très largement dégagé du tutorat exercé par France sur ses premiers pas en littérature, au point d'ailleurs d'avoir pris une place infiniment plus remarquable dans le champ de la littérature que son maître. Comment s'est opéré ce renversement ? C'est là que Proust innove, et choisit une voie originale : au lieu de « tuer le père » par les moyens attendus – le pastiche, notamment, qui est son moyen habituel de se « purger » d'une influence-, sans le renier ni le critiquer vulgairement, sans régler ses comptes au moyen d'un personnage à clefs, il parvient à s'en dégager en l'incluant dans A la recherche du temps perdu, à travers une double figure, Bergotte et Legrandin. Absorbé par le roman, fondu en lui, France se réduit à un élément du matériau mis en œuvre, et Proust parvient ainsi à lui dire adieu et à devenir écrivain en même temps.
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