Des poissons, des hommes et des rivières. Sociologie d'un problème de pollution en Franche-Comté - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Thèse Année : 2019

Fishes, people and rivers. Sociology of a pollution problem in Franche-Comté

Des poissons, des hommes et des rivières. Sociologie d'un problème de pollution en Franche-Comté

Résumé

Between 2009 and 2015, several rivers in the Doubs department were the scene of episodes of fish mortality. While, due to the sensitivity of fish to variations in water quality and climatic hazards, the first manifestations of this phenomenon were considered "normal" by some professionals in aquatic environments, the observations made during its repetition led many actors to recognize the disturbing nature of the situation. Summarizing the uncertainties and concerns about the sustainability of fishing practices and potential health risks in particular, this phenomenon has most often been explained by "river pollution". However, it appeared that such a qualification is insufficient because it "covers" under a single term the attempts at solutions put in place by the actors. This is why the challenge of this thesis is to discard the notion of "pollution" in order to better understand how they respond to the phenomenon of fish mortality. To this end, my work is based on a study of the grey literature produced on the situation, on the observation of the practices and interactions of heterogeneous actors with different or sometimes contradictory interests (fishermen, environmental advocates, officials of State and local authorities, farmers, experts, etc.), as well as on a series of interviews conducted with the latter. Developing an analysis of their practices and discourses, it proposes an examination of ways of understanding the phenomenon of fish mortality, as well as the measures devised and/or implemented to control it. Based on this empirical foundation, I thus intend to demonstrate that pollution is not an entity already present, waiting to be discovered, denounced for its action in order to be controlled, but a "political" solution to a problem faced in a dispersed order and in sometimes conflicting relationships by actors forced to engage in the resolution of a disorder in order to preserve their interests. In this sense, it is a means of delimiting a diplomatic contour in an attempt to contain a disorder. In this perspective, I analyse the conduct of different investigations through which they mobilise different resources not only to try to understand the causes of fish mortality episodes but also and above all, to control them in order to prevent their return and restore share prices. It then appears that the complexity of this phenomenon, the diversity of the issues it covers and its geographical size exceed the unique capacity for resolution that is specific to each group (environmental associations, representative structures of the agricultural world, local authorities, public authorities, etc.) and require a collective but always uncertain activity to define the problem and its solutions. Putting this work in a socio-anthropological perspective, I also show that, beyond the search for causes, these investigations carry with them the risk of mutual denunciation and the attribution of responsibilities relating to the degradation of the quality of watercourses. From this point of view, I observe that if river advocates engage in a logic of accusations of agricultural activities and sanitation management leading to the opening of a conflict situation, experts mandated by government representatives conclude that the phenomenon is multifactorial and leads to a dilution of responsibilities. The situation then remains partly undetermined and the explanation by "river pollution" becomes a political solution, or even a "diplomatic tool" for a collective problem that is difficult to make sense of.
Entre les années 2009 et 2015, plusieurs rivières du département du Doubs ont été le théâtre d’épisodes de mortalité piscicole. Si, en raison de la sensibilité des poissons aux variations de la qualité de l’eau et des aléas climatiques, les premières manifestations de ce phénomène ont été considérées comme « normales » par certains professionnels des milieux aquatiques, les observations réalisées lors de sa répétition ont amené de nombreux acteurs à reconnaître le caractère troublant de la situation. Résumant les incertitudes et les inquiétudes à l’égard de la pérennité des pratiques de pêche et de potentiels risques sanitaires notamment, ce phénomène a été le plus souvent expliqué par « la pollution des rivières ». Or, il est apparu qu’une telle qualification est insuffisante parce qu’elle « recouvre » sous un terme unique les tentatives de solutions mises en place par les acteurs. C’est pourquoi, le pari de cette thèse consiste à écarter la notion de « pollution » afin de mieux comprendre comment ils répondent au phénomène de mortalité piscicole. Pour ce faire, mon travail est basé sur l’étude de la littérature grise produite sur la situation, sur l’observation des pratiques et des interactions d’acteurs hétérogènes aux intérêts différents voire parfois contradictoires (pêcheurs, défenseurs de l’environnement, agents des services de l’État et des collectivités territoriales, agriculteurs, experts, etc.), ainsi que sur une série d’entretiens réalisés auprès de ces derniers. Développant une analyse de leurs pratiques et de leurs discours, il propose un examen des manières d’appréhender le phénomène de mortalités piscicoles, ainsi que des mesures imaginées et/ou mises en œuvre pour le maîtriser. À partir de cet ancrage empirique, j’entends ainsi démontrer que la pollution n’est pas une entité déjà présente, en attente d’être découverte, dénoncée pour son action en vue d’être maîtrisée, mais solution « politique » à un problème affronté en ordre dispersé et dans des relations parfois conflictuelles par des acteurs obligés de s’engager dans la résolution d’un trouble afin de préserver leurs intérêts. Elle est en ce sens, un moyen de délimiter un contour diplomatique pour tenter de contenir un trouble. Dans cette perspective, j’analyse la conduite de différentes enquêtes à travers lesquelles ces derniers mobilisent des ressources différentes pour non seulement essayer de comprendre les causes des épisodes de mortalité piscicole mais aussi et surtout, pour les maîtriser afin d’en empêcher le retour et rétablir des cours d’actions. Il apparaît alors que la complexité de ce phénomène, la diversité des enjeux qu’il recouvre ainsi que sa taille géographique dépassent la capacité de résolution singulière qui est propre à chaque groupe (associations de défense de l’environnement, structures représentatives du monde agricole, collectivités territoriales, autorité publiques...) et nécessitent d’engager une activité collective mais toujours incertaine de définition du problème et de ses solutions. Inscrivant ce travail dans une perspective socio-anthropologique, je montre également qu’au-delà de la recherche des causes, ces investigations portent avec elles le risque de la dénonciation réciproque et de l’imputation de responsabilités relatives à la dégradation de la qualité des cours d’eau. De ce point de vue, j’observe que si les défenseurs des rivières s’engagent dans une logique d’accusation des activités agricoles et de la gestion de l’assainissement débouchant sur l’ouverture d’une situation conflictuelle, les experts mandatés par les représentants des pouvoirs publics concluent au caractère multifactoriel du phénomène et conduisent à une dilution des responsabilités. La situation reste alors en partie indéterminée et l’explication par « la pollution des rivières » devient une solution politique, voire un « outil diplomatique » pour un problème collectif qui peine à prendre sens.
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Citer

Simon Calla. Des poissons, des hommes et des rivières. Sociologie d'un problème de pollution en Franche-Comté. Sociologie. Université de Bourgogne Franche-Comté, 2019. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-02486536⟩
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