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Thèse Année : 2014

“The personal is political!”, Sociology of feminist memories in France.

« Le privé est politique ! » Sociologie des mémoires féministes en France

Résumé

Born from the question of how memory works, this thesis investigates the ways feminist activists evoke the past in present-day France. Drawing on Halbwach’s sociology of memory and collective action theory, this work aims to shed light on how shared visions of the past can arise from a social movement as open, plural and divided as the feminist one. Based on biographical and projective interviews, on ethnographic fieldwork and on a large corpus of written archives, this thesis endeavours to demonstrate that there are three main conditions that allow for the existence of a feminist collective memory. First, owing to a strong consensus within the field of women’s advocacy about the need to make women more visible in history, a “feminist duty to remember” gives political reasons for the activists to engage the past, especially the past of women, and to enact it regularly through collective action. Second, at a mesosocial level, different feminist groups tend to agree on certain representations of the past if current political debates require their union, or if their internal power relationships (defined by differences in resource allocation) allow one of them to impose their vision of the past on others. However, these convergences are so highly context-sensitive and fragile that it prevents them from paving the way for a so-called feminist "official history”. Finally, at a microsocial level, the personal stories of each militant are expressed in comparable accounts and identical narrative forms. No matter how different the activists’ lives may be, the statement "the personal is political" allows for a common feminist interpretation of the past, hinging on the assertion of oneself as an autonomous person. Indeed, this research shows that since the 1970s, feminists have developed practices of sharing their intimate accounts within speech groups. These practices have led activists to regularly tell their biographical story within feminist “spaces of the speakable”. The thesis demonstrates that it is this process of mutual framing of biographical accounts that leads to the homogenization of the activists’ memories.
Née d’une interrogation quant au fonctionnement de la mémoire, cette thèse prend pour objet les évocations du passé exprimées par les militantes de la cause des femmes, en France, aujourd’hui. Inspirée par la sociologie de la mémoire de Maurice Halbwachs et par la sociologie de l’action collective, cette recherche vise à comprendre comment des représentations partagées du passé peuvent émerger dans un mouvement social aussi ouvert, pluriel et clivé que celui de l’espace de la cause des femmes. A partir de récits de vie, d’entretiens projectifs, d’observations ethnographiques et grâce au dépouillement d’un large corpus d’archives écrites, cette thèse s’emploie à démontrer que l’existence d’une mémoire collective féministe repose principalement sur trois facteurs. Premièrement, il existe un consensus fort, au sein de l’espace de la cause des femmes, autour de la nécessité de visibiliser les femmes dans l’histoire. Ce « devoir de mémoire féministe » fournit aux militantes des raisons politiques de s’intéresser au passé, en particulier au passé des femmes, et de l’actualiser régulièrement par des actions collectives. Deuxièmement, au niveau méso-social, des représentations du passé peuvent être partagées par différents collectifs si des débats politiques présents impliquent le rassemblement, ou si les rapports de pouvoir internes (associés à une répartition différenciée des ressources) permettent à l’un des groupes d’imposer aux autres sa vision du passé. Ces convergences restent néanmoins éminemment conjoncturelles, fragiles et donc peu propices à l’élaboration de ce qui constituerait une « histoire officielle » féministe. Troisièmement, au niveau microsocial, les histoires personnelles de chaque militante donnent lieu à des récits comparables et au recours à des formes narratives identiques. C’est l’affirmation selon laquelle « le privé est politique » qui permet, en dépit des différences de vécus, l’existence chez les féministes d’une grille d’interprétation du passé commune centrée sur l’affirmation de soi comme sujet autonome. En effet, au nom d’une politisation de l’intime, il existe dans l’espace de la cause des femmes, depuis les années 1970, des pratiques de partage de vécus privés en collectif qui conduisent les militantes à exposer régulièrement leurs trajectoires biographiques au sein d’« espaces du dicible » féministes. Cette thèse montre in fine que c’est dans ce cadre, par un processus d’encadrement réciproque des discours biographiques, que se réalise une homogénéisation des souvenirs des militantes.
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Citer

Marion Charpenel. « Le privé est politique ! » Sociologie des mémoires féministes en France. Sociologie. Institut d’Etudes Politiques de Paris, 2014. Français. ⟨NNT : 2014IEPP0034⟩. ⟨tel-02079855⟩
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Dernière date de mise à jour le 28/04/2024
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