L’implication de l’élève dans l’apprentissage de la physique : l’apport du rapport au savoir - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Hdr Année : 2006

Student engagement in learning physics: the contribution of the relationship to knowledge concept

L’implication de l’élève dans l’apprentissage de la physique : l’apport du rapport au savoir

Résumé

Préoccupé par le peu d’intérêt soulevé par la physique, j’ai, au début de ma carrière de chercheur, conçu et/ou évalué d’un point de vue didactique divers outils (films, base de données hypermédias) et dispositifs (TPE) susceptibles de rendre son enseignement plus attractif sinon plus efficace. J’ai réalisé à ce moment là, que quelle que soit la qualité des produits ou des dispositifs, ceux-ci s’avéraient peu opératoires si l’élève ne s’impliquait pas pleinement dans son travail scolaire. Prendre en compte un sujet pluridimensionnel, qui n’était plus réduit à sa seule composante épistémique, apparaissait comme une nécessité dans les études didactiques si on voulait rendre compte de la réalité de la classe. La didactique ne disposant pas d’un cadre théorique pour traiter cette question nouvelle pour elle, j’ai considéré plusieurs champs de recherche susceptibles de pallier cette déficience, que j’ai explorés et analysés. La motivation est le premier d’entre eux. Objet de nombreux points de vue, j’ai retenu pour l’examiner, celui dont rend compte l’approche socio-cognitive, dans laquelle l’étude de la motivation est fondée sur l’interaction entre le comportement d’une personne, ses caractéristiques individuelles et celle de l’environnement dans lequel elle se situe. Cette approche, comme toutes les autres, a donné lieu à de nombreuses théories, (théorie de l’expectation valeur, théories des buts, théorie de l’expectation d’efficacité, théories attributionnelles) qui ont été aussi utilisées en contexte éducatif. Certains chercheurs (Pintrich et al., Viau) ont fédéré des éléments issus de ces théories dans un modèle unique, plus complexe. Malgré cet intense foisonnement théorique, qui du reste conduit à un éclatement conceptuel, les résultats dans un domaine disciplinaire donné, en particulier en physique, sont rares : les recherches ont eu plus pour objectif de valider les modèles proposés que d’étudier la motivation dans une discipline donnée, et elles ont plus privilégié les variables individuelles que les variables situationnelles. Le deuxième champ que j’ai considéré est celui des attitudes envers les sciences, pour lequel la situation est exactement opposée à celle de la motivation : les références théoriques sont rares, presque absentes, à l’inverse des résultats expérimentaux, qui eux, sont excessivement nombreux et extrêmement consensuels, malgré des problèmes méthodologiques récurrents auxquels la faiblesse des cadres théoriques n’est pas étrangère. C’est surtout l’attitude envers les sciences à l’école qui pose problème, et celle-ci se dégrade régulièrement depuis une quinzaine d’années, au point que pratiquement, seuls ceux qui y sont contraints pour leur carrière font des études scientifiques, en particulier en physique, qui génère des attitudes particulièrement négatives. La dégradation a lieu avec l’âge, et s’accentue après le passage dans le secondaire, en affectant plus les filles que les garçons. Le contexte scolaire et l’enseignant sont aussi des facteurs très influents sur leur évolution. Le troisième et dernier champ que j’ai considéré est celui du rapport au savoir, notamment dans l’approche socio-anthropologique due essentiellement à Charlot, Bautier et Rochex. Selon eux, apprendre nécessite nécessairement que l’individu s’investisse, se mobilise dans une activité : le mobile qui l’anime, compris comme le désir que l’activité va satisfaire une fois atteints les buts des actions qui la composent, renvoie à du sens et de la valeur. Aussi définissent-ils le rapport au savoir comme un ensemble de relations de sens et donc de valeur entre un individu et les processus ou produits du savoir. Comprendre le rapport au savoir, c’est identifier les phénomènes participant aux processus qui concourent à l’histoire singulière d’un élève. Ces phénomènes, déterminés à partir des bilans de savoir et des entretiens cliniques sont divers : actions, relations, représentations, mobiles, événements, opérations cognitives etc. Les recherches de l’équipe de Charlot ont montré qu’ils apparaissent généralement de manière simultanée, mettant à jour des constellations d’éléments, qui peuvent être présentées de manière idéal-typique. S’il existe un rapport au savoir, on peut aussi définir le rapport à des savoirs spécifiques. Les recherches ont montré dans le domaine des SVT un lien entre rapport au savoir et évolution conceptuelle dans un domaine disciplinaire donné, ainsi que l’influence du contexte culturel sur le rapport à des savoirs particuliers comme la théorie de l’évolution. Le rapport au savoir, rapport à soi, aux autres et au monde, apparaît donc comme un concept intégrateur qui prend en compte la plupart des facteurs intervenant dans l’acte d’apprendre. Il est intéressant pour les didacticiens car il peut être décliné en rapport aux savoirs et car il conduit à considérer le sujet épistémique comme une posture particulière, à construire, d’un sujet engagé dans d’autres relations. Ce sont quelques unes des raisons qui m’ont conduit à choisir d’utiliser le rapport au savoir pour traiter la question initiale de l’implication de l’élève, plutôt que la motivation, dont l’éclatement conceptuel est trop important, et qui fait peu de place aux aspects disciplinaires, ou que les attitudes, dont les références théoriques sont quasi-inexistantes. J’ai ensuite utilisé ce cadre dans différents contextes. Lors d’une étude sur la mobilisation des concepts électromagnétiques par des étudiants de licence, j’ai constaté qu’ils étaient peu nombreux à donner un sens physique à ces concepts, que la majorité d’entre eux utilisaient les outils mathématiques de manière procédurale, et que la plupart transféraient mal les connaissances à des situations voisines. Ces constatations laissant supposer que les savoirs en jeu avaient peu de valeur pour les étudiants, des bilans de savoir puis des entretiens avec certains d’entre eux, choisis suivant leur maîtrise conceptuelle, ont été réalisés pour établir leur rapport aux savoirs de la physique. La plupart des étudiants interrogés entretiennent un rapport purement utilitaire avec les savoirs de la physique dans une logique à court terme visant l’obtention du diplôme a minima. Cela se traduit par l’apprentissage momentané de procédures exemptes de sens qui les conduisent à avoir une maîtrise conceptuelle faible. Certains d’entre eux développent en plus de cette composante utilitaire, un plaisir d’apprendre et de comprendre, qui permet de construire d’autres compétences, notamment conceptuelles : il y a donc une relation entre rapport aux savoirs de la discipline et maîtrise conceptuelle. J’ai ensuite examiné le rapport aux savoirs de la physique dans l’enseignement secondaire, d’abord de manière à en établir une catégorisation générale. L’exploitation des bilans de savoirs en physique, établis avec des élèves de la 4e à la 1e, a permis de construire cinq rapport idéal-typiques généraux, caractérisés par le type de mobilisation : élèves mobilisés en physique, centrés sur les savoirs de la discipline pour les connaissances qu’ils apportent sur le monde ; élèves mobilisés en physique, centrés sur les savoirs de la discipline pour des raisons stratégiques ; élèves faiblement mobilisés en physique pour des raisons utilitaires peu marquées ; élèves mobilisés sur la physique (et non sur les savoirs de la physique) pour des raisons utilitaires, dont la mobilisation produit peu d’effets significatifs au niveau des apprentissages ; élèves non mobilisés sur la physique. Les élèves associés aux deux premiers idéal-types représentent un cinquième de l’échantillon. Ces cinq rapports généraux ont ensuite été spécifiés au cas particulier d’élèves de seconde à partir d’entretiens. Les idéal-types correspondants, trop longs à décrire dans le cadre restreint de ce résumé, incluent des phénomènes relatifs au contexte scolaire, à la représentation de la physique et de sa fonction sociale, aux aspects professionnels. Ils permettent d’entrevoir dans la plupart des cas les processus dans lesquels ces phénomènes s’insèrent, qui rendent compte de la position scolaire des élèves vis-à-vis de la physique. Enfin, l’étude de l’articulation entre rapport au savoir scolaire et rapport aux savoirs de la physique pour des élèves de troisième et de seconde a montré que les élèves mobilisés en physique l’étaient aussi sur le savoir scolaire, que ceux qui ne l’étaient pas sur le savoir scolaire ne l’étaient pas en physique et que ceux qui faisaient preuve d’une mobilisation conjoncturelle sur le savoir scolaire étaient diversement mobilisés sur la physique, mais jamais de la manière la plus intense. Ces travaux ont d’abord conforté cette idée de prendre en compte dans les études didactiques un sujet pluridimensionnel pour rendre compte des apprentissages réalisés en physique : non seulement la manière de considérer les savoirs est différente selon les individus, mais cette manière conditionne les apprentissages réalisés. Elle a conforté aussi la pertinence à utiliser pour cela le rapport au savoir : les différents idéal-types rendent bien compte des lectures et interprétations personnelles des élèves à propos de l’apprentissage de la physique et ils intègrent pour cela une variété de phénomènes dont on peut imaginer l’interaction. Sur le plan méthodologique, des avancées ont été faites par rapport aux méthodologies de Charlot, et même si elles ne sont pas encore satisfaisantes, elles ont donné des résultats tout à fait exploitables et intéressants. Sur le plan, des résultats, au-delà des phénomènes mis à jours et des rapports idéal-typiques construits, de leur relation avec la maîtrise conceptuelle et de leur articulation avec le rapport au savoir scolaire, on peut signaler quelques spécificités, dont une importante composante utilitaire dans le rapport aux savoirs, la faible proportion d’élèves significativement mobilisés en physique, ainsi que la grande ignorance dans laquelle les élèves et les étudiants se trouvent du fonctionnement de la discipline qu’ils étudient et de sa fonction sociale. Ce bilan permet en même temps d’ouvrir des perspectives : poursuivre l’amélioration des méthodologies, tant sur le plan du recueil des données que sur le plan de leur traitement, poursuivre l’analyse des phénomènes intervenant dans le rapport aux savoirs (liés au genre, au contexte scolaire…), examiner l’évolution du rapport aux savoirs dans le temps, examiner les relations entre rapport aux savoirs de l’enseignant et celui de ces élèves etc. L’utilisation du rapport aux savoirs de la physique en didactique constitue une voie à peine ouverte mais prometteuse, qu’il apparaît judicieux de poursuivre.
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Citer

Patrice Venturini. L’implication de l’élève dans l’apprentissage de la physique : l’apport du rapport au savoir. Education. Université Paris 5 Sorbonne Descartes, 2006. ⟨tel-01443054⟩
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