LA RÉCEPTION DES ARTS VISUELS CONTEMPORAINS DANS LES ANNÉES 90 - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Thèse Année : 2000

LA RÉCEPTION DES ARTS VISUELS CONTEMPORAINS DANS LES ANNÉES 90

Sylvia Girel

Résumé

Dans les années 90, dans la presse mais également à travers de nombreux ouvrages et colloques, l’art contemporain a fait l’objet de débats et de polémiques, révélant des différends entre artistes et publics, entre initiés et “ individus ordinaires ”. Cette “ crise ” de l’art contemporain engage une réflexion sur la réception de l’art, et m’a amenée à proposer une recherche sociologique sur les publics des arts visuels contemporains, articulée autour de deux axes : le premier, central et thématique, autour de la sociologie de l’art et de la culture, et principalement la réception des œuvres dans leurs formes les plus contemporaines ; le second, théorique et méthodologique, à travers l’utilisation de différentes approches sociologiques et la mise en œuvre de différents protocoles d’enquêtes qualitatifs et quantitatifs. 1er axe : sociologie de la réception des arts visuels contemporains À l’appui des enquêtes menées par les sociologues, de Raymonde Moulin à Nathalie Heinich, de Pierre Bourdieu à Howard Becker, il s’agit de proposer une synthèse des différentes perspectives d’approches des publics de l’art, synthèse qui permet de dépasser les approches sur la morphologie des groupes ou sur les consommations culturelles. A la fois quantitatif et qualitatif, ma recherche est est avant tout exploratoire, et s’intéresse à la réception dans sa complexité, c'est-à-dire : à l’évolution des formes de la création et des modalités de diffusion, à la diversification des publics, aux des mutations dans l’expérience sociale de l’art. Le terrain choisi est Marseille. Marseille a toujours fait preuve d’un particularisme régional aussi bien dans le domaine politique que dans celui de l’art et de la culture et constitue par cela un domaine d’investigation aux caractéristiques particulièrement intéressantes. La scène artistique marseillaise est décrite à travers les territoires de l’art qui la délimitent, les lieux qui la structurent et les acteurs qui la façonnent. Cette description d’une scène artistique localisée, permet d’une part d’inscrire ma recherche dans son contexte – Marseille aujourd’hui –, et d’autre part de montrer comment une scène artistique se construit et s’organise en fonction de multiples paramètres spatiaux, sociaux, artistiques, etc. Les publics sont dès lors perçus comme des acteurs de la scène artistique et leur relation à l’art se construit en regard de leur rôle et de leur statut sur cette scène. Comprendre comment l’art d’aujourd’hui est perçu et pratiqué par les individus, c’est d’abord comprendre le contexte et la socialité spécifique de l’art contemporain, c’est ensuite envisager la réception comme une expérience complexe à la fois personnelle, sociale et contextualisée et considérer les récepteurs comme des acteurs à part entière. Les publics, de ceux attendus et connus (collectionneurs, amateurs, visiteurs de musées ou de galerie), à ceux ponctuels et fugaces (habitants d’un quartier, lycéens), sont approchés suivant des protocoles d’enquête diversifiés et, pour certains, exploratoires (analyse quantitative des flux de visites, questionnaires, entretiens, vidéos de visites d’exposition, etc.). La diversité des enquêtes et la pluralité des angles d’approche est à l’image de la diversité des publics de l’art à Marseille, et correspond à la volonté de ne pas réduire la notion de public à une conception vague et confuse. Il n’y a pas un public, mais des publics qui entretiennent des rapports à l’art différenciés, et qui se distinguent en regard de leur statut et de leur implication sur la scène artistique et non en regard de leur profil sociodémographique et socioprofessionnel. Ce choix permet de faire émerger des publics qui échappent aux enquêtes habituelles, que ce soit les artistes, rarement pris en compte comme un public à part entière, ou les citadins qui fréquentent l’art contemporain parfois sans s’en rendre compte. La confrontation de l’ensemble des résultats, conduit à une analyse de la réception en regard de la situation des arts visuels contemporains aujourd’hui et maintenant, et permet à la fois : de comprendre la spécificité de la scène artistique marseillaise ; de mesurer l’évolution des modalités de création, de diffusion et de réception de l’art contemporain ; de montrer les circonstances qui favorisent le rapport à la création contemporaine et qui vont dans le sens d’une réconciliation entre artistes et publics. 2ème axe : une approche sociologique plurielle à travers le croisement des théories et des méthodes A la diversité des publics décrits et analysés, correspond une diversité des protocoles d’enquêtes et des théories sociologiques utilisés. L’étude de la pluralité et de la diversité des publics et de leurs expériences réceptives est l’occasion à la fois de faire une synthèse des différentes modalités et procédures de recherche utilisés par les sociologues de l’art – des plus quantitatives aux plus qualitatives –, d’interroger leur pertinence pour l’objet de recherche étudié (quels résultats pour quelles méthodes), et in fine de renouveler les approches existantes afin de prolonger les analyses et résultats obtenus par les recherches antérieures. La création de protocoles d’enquête spécifiques d’une part, le recours à des outils et protocoles appliqués à d'autres objets, mais dont la validité et la cohérence incitent à les reprendre et à les valider pour l’art d’autre part, sont deux éléments qui fondent ma démarche de recherche. Chaque public analysé a ainsi été étudié suivant le protocole d’enquête qui semblait le plus pertinent et adapté : analyse quantitative et statistique des flux de visiteurs pour les publics des musées, questionnaire pour les amateurs, entretiens approfondis pour les collectionneurs, analyse de la presse et observation participante pour les experts et professionnels de l’art, etc. Le recours à des approches quantitatives s’imposait pour certains thèmes, mais l’objectif a aussi été d’utiliser et d’appliquer à la réception de l’art d’autres outils et théories que ceux habituellement utilisés : ceux de la sociologie qualitative et compréhensive (notamment l’interactionisme symbolique, la sociologie phénoménologique et l’ethnométhodologie) et de l’ethnologie. L’objectif étant de jouer sur la complémentarité des approches qualitatives et quantitatives en sociologie. En privilégiant la pluridisciplinarité, c’est à dire en croisant les références théoriques propres à la sociologie de l’art, issues de différents champs de recherche connexes (de la sociologie des sciences de Bruno Latour à la sociologie urbaine d’Yves Grafmeyer), ou issues de disciplines voisines (de l’histoire sociale de Michaël Baxandall à la philosophie d’Yves Michaud) d’une part, en multipliant les protocoles d’enquête et en exploitant tous types de matériaux (articles de presse, courriers administratifs, émission télévisées ou radiophoniques, etc.) d’autre part, ce sont des résultats différents qui émergent et qui proposent un éclairage nouveau sur les publics de l’art contemporain et leur réception. À travers ces deux axes, l’objectif de cette recherche de thèse est de contribuer au renouvellement de l’analyse des publics de l’art, et parallèlement de dépasser l’objet de recherche (la réception) en croisant dans l’analyse différents champs de recherche et en intégrant ainsi une réflexion sur la ville et l’urbanité, sur les liens qui se tissent entre l’art et le social, l’art et son contexte, etc., autant de facteurs qui participent à l’élaboration de nouvelles esthétiques et qui façonnent les scènes artistiques contemporaines.
Dans les années 90, dans la presse mais également à travers de nombreux ouvrages et colloques, l’art contemporain a fait l’objet de débats et de polémiques, révélant des différends entre artistes et publics, entre initiés et “ individus ordinaires ”. Cette “ crise ” de l’art contemporain engage une réflexion sur la réception de l’art, et m’a amenée à proposer une recherche sociologique sur les publics des arts visuels contemporains, articulée autour de deux axes : le premier, central et thématique, autour de la sociologie de l’art et de la culture, et principalement la réception des œuvres dans leurs formes les plus contemporaines ; le second, théorique et méthodologique, à travers l’utilisation de différentes approches sociologiques et la mise en œuvre de différents protocoles d’enquêtes qualitatifs et quantitatifs. 1er axe : sociologie de la réception des arts visuels contemporains À l’appui des enquêtes menées par les sociologues, de Raymonde Moulin à Nathalie Heinich, de Pierre Bourdieu à Howard Becker, il s’agit de proposer une synthèse des différentes perspectives d’approches des publics de l’art, synthèse qui permet de dépasser les approches sur la morphologie des groupes ou sur les consommations culturelles. A la fois quantitatif et qualitatif, ma recherche est est avant tout exploratoire, et s’intéresse à la réception dans sa complexité, c'est-à-dire : à l’évolution des formes de la création et des modalités de diffusion, à la diversification des publics, aux des mutations dans l’expérience sociale de l’art. Le terrain choisi est Marseille. Marseille a toujours fait preuve d’un particularisme régional aussi bien dans le domaine politique que dans celui de l’art et de la culture et constitue par cela un domaine d’investigation aux caractéristiques particulièrement intéressantes. La scène artistique marseillaise est décrite à travers les territoires de l’art qui la délimitent, les lieux qui la structurent et les acteurs qui la façonnent. Cette description d’une scène artistique localisée, permet d’une part d’inscrire ma recherche dans son contexte – Marseille aujourd’hui –, et d’autre part de montrer comment une scène artistique se construit et s’organise en fonction de multiples paramètres spatiaux, sociaux, artistiques, etc. Les publics sont dès lors perçus comme des acteurs de la scène artistique et leur relation à l’art se construit en regard de leur rôle et de leur statut sur cette scène. Comprendre comment l’art d’aujourd’hui est perçu et pratiqué par les individus, c’est d’abord comprendre le contexte et la socialité spécifique de l’art contemporain, c’est ensuite envisager la réception comme une expérience complexe à la fois personnelle, sociale et contextualisée et considérer les récepteurs comme des acteurs à part entière. Les publics, de ceux attendus et connus (collectionneurs, amateurs, visiteurs de musées ou de galerie), à ceux ponctuels et fugaces (habitants d’un quartier, lycéens), sont approchés suivant des protocoles d’enquête diversifiés et, pour certains, exploratoires (analyse quantitative des flux de visites, questionnaires, entretiens, vidéos de visites d’exposition, etc.). La diversité des enquêtes et la pluralité des angles d’approche est à l’image de la diversité des publics de l’art à Marseille, et correspond à la volonté de ne pas réduire la notion de public à une conception vague et confuse. Il n’y a pas un public, mais des publics qui entretiennent des rapports à l’art différenciés, et qui se distinguent en regard de leur statut et de leur implication sur la scène artistique et non en regard de leur profil sociodémographique et socioprofessionnel. Ce choix permet de faire émerger des publics qui échappent aux enquêtes habituelles, que ce soit les artistes, rarement pris en compte comme un public à part entière, ou les citadins qui fréquentent l’art contemporain parfois sans s’en rendre compte. La confrontation de l’ensemble des résultats, conduit à une analyse de la réception en regard de la situation des arts visuels contemporains aujourd’hui et maintenant, et permet à la fois : de comprendre la spécificité de la scène artistique marseillaise ; de mesurer l’évolution des modalités de création, de diffusion et de réception de l’art contemporain ; de montrer les circonstances qui favorisent le rapport à la création contemporaine et qui vont dans le sens d’une réconciliation entre artistes et publics. 2ème axe : une approche sociologique plurielle à travers le croisement des théories et des méthodes A la diversité des publics décrits et analysés, correspond une diversité des protocoles d’enquêtes et des théories sociologiques utilisés. L’étude de la pluralité et de la diversité des publics et de leurs expériences réceptives est l’occasion à la fois de faire une synthèse des différentes modalités et procédures de recherche utilisés par les sociologues de l’art – des plus quantitatives aux plus qualitatives –, d’interroger leur pertinence pour l’objet de recherche étudié (quels résultats pour quelles méthodes), et in fine de renouveler les approches existantes afin de prolonger les analyses et résultats obtenus par les recherches antérieures. La création de protocoles d’enquête spécifiques d’une part, le recours à des outils et protocoles appliqués à d'autres objets, mais dont la validité et la cohérence incitent à les reprendre et à les valider pour l’art d’autre part, sont deux éléments qui fondent ma démarche de recherche. Chaque public analysé a ainsi été étudié suivant le protocole d’enquête qui semblait le plus pertinent et adapté : analyse quantitative et statistique des flux de visiteurs pour les publics des musées, questionnaire pour les amateurs, entretiens approfondis pour les collectionneurs, analyse de la presse et observation participante pour les experts et professionnels de l’art, etc. Le recours à des approches quantitatives s’imposait pour certains thèmes, mais l’objectif a aussi été d’utiliser et d’appliquer à la réception de l’art d’autres outils et théories que ceux habituellement utilisés : ceux de la sociologie qualitative et compréhensive (notamment l’interactionisme symbolique, la sociologie phénoménologique et l’ethnométhodologie) et de l’ethnologie. L’objectif étant de jouer sur la complémentarité des approches qualitatives et quantitatives en sociologie. En privilégiant la pluridisciplinarité, c’est à dire en croisant les références théoriques propres à la sociologie de l’art, issues de différents champs de recherche connexes (de la sociologie des sciences de Bruno Latour à la sociologie urbaine d’Yves Grafmeyer), ou issues de disciplines voisines (de l’histoire sociale de Michaël Baxandall à la philosophie d’Yves Michaud) d’une part, en multipliant les protocoles d’enquête et en exploitant tous types de matériaux (articles de presse, courriers administratifs, émission télévisées ou radiophoniques, etc.) d’autre part, ce sont des résultats différents qui émergent et qui proposent un éclairage nouveau sur les publics de l’art contemporain et leur réception. À travers ces deux axes, l’objectif de cette recherche de thèse est de contribuer au renouvellement de l’analyse des publics de l’art, et parallèlement de dépasser l’objet de recherche (la réception) en croisant dans l’analyse différents champs de recherche et en intégrant ainsi une réflexion sur la ville et l’urbanité, sur les liens qui se tissent entre l’art et le social, l’art et son contexte, etc., autant de facteurs qui participent à l’élaboration de nouvelles esthétiques et qui façonnent les scènes artistiques contemporaines.
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  • HAL Id : tel-01075118 , version 1

Citer

Sylvia Girel. LA RÉCEPTION DES ARTS VISUELS CONTEMPORAINS DANS LES ANNÉES 90: LES LIEUX DE DIFFUSION DE L’ART À MARSEILLE ET LEURS PUBLICS. Sciences de l'Homme et Société. EHESS, 2000. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-01075118⟩
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