Suites de Consonnes en Berbère : Phonétique et Phonologie - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Thèse Année : 2003

Consonant Clusters in Berber: Phonetics and Phonology

Suites de Consonnes en Berbère : Phonétique et Phonologie

Résumé

My thesis is in phonetics and phonology, with particular interest in experimental approaches to phonology. One of my main interests was in the phonetics and phonology of complex consonant clusters. I mainly work on a language, Tashlhiyt Berber spoken in the Southern part of Morocco, which presents some typologically rare features of the utmost phonetic theoretical interest. One of these features is a distinction between simple (short) and geminate (long) consonants in different prosodic positions (including absolute initial and final positions). This phenomenon is quite unusual and raises the question of how such segments are phonetically implemented and how they are phonologically represented and syllabified. Another phenomenon is a peculiarity of Tashlhiyt Berber. In this language, words may consist at the underlying level of consonants only (e.g. /tssrglttnt/ "you closed them"). These words may even consist of voiceless obstruents only (e.g. /tfktstt/ "you gave it"). These underlying voiceless words raise two main questions: (1) Do these words contain some kind of vowels which may occupy the nucleus of the syllable? (2) What kind of laryngeal coordination patterns are produced during the realisation of these forms?

Tashlhiyt Berber has been proposed as a language in which any consonant, even a voiceless stop, can act as a syllable peak (Dell and Elmedlaoui 1985, 1988, 2002, Prince and Smolensky 1993, Clements 1997). The most striking and controversial examples, taken as arguments in favour of this analysis, involve large series of words composed only of non-sonorant segments. This claim is challenged by different authors who argue that the alleged consonant-only sequences are actually pronounced with schwa vowels in the context of the syllabic consonants. The goal of this part of my thesis is to determine whether, in addition to /a/, /i/, and /u/, there is a fourth vocalic segment at the level of phonetic and phonological representations that can act as a syllable peak. Different types of arguments, including acoustic, fiberscopic, and photoelectroglottographic data, are presented. They converge in support of the claim that voiceless, vowel-less words exist in Tashlhiyt Berber. This provides a compelling argument to the view that in this language a consonant sequence of the type /tk/ is a well-formed syllable.

Concerning the laryngeal behavior during the production of voiceless words, results of this thesis clearly show that the glottis, even in completely voiceless utterances, does not simply remain open, but rather that the glottal aperture is continuously modulated. This laryngeal modulation is quite systematically related to the phonetic nature of the individual segments present in the sequence: segments produced with a high rate of oral airflow are produced with a separate laryngeal-opening gesture. These results, which is in general agreement with those obtained from some Germanic languages, gives a compelling demonstration of how intimately laryngeal and oral articulations are linked.

Within CV phonology, geminates, including post-lexical ones, are represented as single melodic units associated to two prosodic positions. This thesis examines the way these autosegmental representations are reflected in the phonetic details of speech production and questions the phonological relevance of these correlates. In particular, it investigates two questions: what are the acoustic and articulatory differences between singletons and lexical geminates; and are there any acoustic differences between the different types of geminates? Tashlhiyt Berber serves as an excellent test case for these issues. It has contrastive singleton and lexical geminate consonants in all positions. In addition, it presents two types of phonologically derived geminates: concatenated and assimilated ones. Results of this thesis show that the primary correlate that distinguishes singletons from lexical geminates is duration, even for voiceless stops after pause. This primary correlate is enhanced by additional correlates, which may be crucial to the perception of absolute initial and final geminates. The three types of geminates all show the same temporal characteristics, which supports their receiving the same timing representation, but there are additional phonetic characteristics on which they differ. While assimilated geminates, like underlying ones, are enhanced by additional acoustic attributes, concatenated geminates are not. Implications of these results for the general issue of geminate behaviour are discussed, with particular attention to geminate Ambiguity and geminate Inalterability.
J'ai traité lors de cette thèse de deux aspects liés au phénomène des suites consonantiques en berbère chleuh : les mots sourds et les consonnes géminées. J'ai adopté l'approche dite de " la phonologie du laboratoire " (cf. Kingston & Beckman 1990, Pierrehumbert et al. 1996), selon laquelle les analyses phonologiques doivent s'accorder avec les données phonétiques qui émanent de procédures expérimentales. La phonologie du laboratoire suppose en effet que la phonétique peut apporter des éléments de réponse à certains comportements phonologiques. C'est l'objectif central de ce travail.
Le chleuh est un dialecte berbère parlé au Sud et au Sud-Ouest du Maroc. Ce dialecte présente deux phénomènes très rares voire typologiquement uniques. Certains mots peuvent contenir uniquement des obstruantes sourdes (e.g. tsskRftstt " tu l'as séchée ") sans voyelle ou consonne sonore. Des phrases entières peuvent aussi être totalement sourdes (e.g. [tftWtstt tftktstt] " tu l'as roulée (et) tu l'as donnée "). Ce dialecte contient aussi différentes sortes de géminées : lexicales, issues d'une assimilation complète ou issues d'une concaténation de deux consonnes identiques. Les géminées tautomorphémiques sont attestées aussi bien en position intervocalique qu'initiale et finale absolues. Elles peuvent être précédées ou suivies d'une ou de plusieurs consonnes.
La thèse est composée de deux parties. La première partie est une analyse phonétique et phonologique des consonnes géminées. Entre autres objectifs de cette partie est de déterminer si l'opposition simple/géminée est une opposition de qualité ou de quantité ou des deux. Différents types d'analyses (acoustique, aérodynamique, fibroscopique, photoélectroglottographique et phonologique) ont été réunis. Ils montrent que la distinction entre les consonnes simples et les géminées est essentiellement une distinction de structure temporelle même pour les occlusives sourdes en position initiale absolue. Les autres corrélats moins fiables de cette opposition peuvent être considérés comme secondaires. La théorie syllabique doit donc permettre des distinctions de longueur qui ne reviennent pas uniquement à une jonction entre deux syllabes. La deuxième partie de cette thèse traite d'un phénomène devenu un des exemples les plus célèbres en phonologie depuis la publication des travaux de Dell et Elmedlaoui sur la structure syllabique en chleuh (1985, 1988, 2002). Le chleuh, selon la thèse initiée par ces deux auteurs et adoptée entre autres par Prince & Smolensky (1993), permet à toute consonne d'occuper le noyau de la syllabe, même une occlusive sourde. Cette analyse a été vivement débattue. Un seul point d'accord est sorti de ce débat : la connaissance des phénomènes à partir des transcriptions tranditionnelles est insuffisante et il faut avoir recours à des expériences phonétiques plus poussées pour résourde les problèmes. Ce sont les résultats de telles expériences que j'ai présentés dans ma thèse. La question à laquelle j'ai tenté de répondre à partir d'un ensemble d'analyses acoustiques, fibroscopiques, photoélectroglottographiques et phonologiques est la suivante : " En chleuh, schwa est-il un segment au niveau des représentations phonétiques ? " Un aspect de cette question est le suivant : si, comme le soutiennent Dell et Elmedlaoui, schwa est simplement un aspect de la réalisation d'une consonne voisine, et non un segment, on ne doit pas trouver de schwa, donc du voisement ou de geste vocalique, dans un mot composé de consonnes sourdes. On ne voit pas quel mécanisme phonétique introduirait du voisement dans un contexte dépourvu de segments [+voisé]. Si par contre ces mots contiennent des schwas on doit en déduire que les représentations phonétiques du chleuh comportent au moins quatre vocoïdes : les réalisations de /a, i, u/ et en plus un segment schwa apte à occuper le noyau de la syllabe. Les résultats montrent d'une manière claire qu'en berbère chleuh, il n'y a aucune trace d'une voyelle sous-jacente dans les mots composés entièrement d'obstruantes sourdes. Les traces trouvées principalement dans certaines réalisations d'un locuteur d'Agadir (sur 7 locuteurs) sont dues à l'influence de l'arabe sur le parler des locuteurs bilingues arabe-berbère. La théorie syllabique doit permettre des syllabes sans vocoïdes. Cette thèse présente aussi une contribution nouvelle à l'étude du comportement laryngé en appliquant pour la première fois les techniques de fibroscopie et de photoélectroglottographie à l'étude du berbère. Vu ses caractéristiques linguistiques, le berbère permet d'approfondir nos connaissances sur les mécanismes du contrôle laryngien et sur la nature des rapports temporels entre les gestes glottaux et supraglottaux. Les études précédentes se limitaient pour l'essentiel à l'étude des segments simples (principalement les occlusives aspirées) dans certaines langues germaniques, plus le japonais. Parmi les aspects analysés dans cette thèse, le mécanisme du contrôle de l'aspiration des occlusives simples et géminées, l'aspiration quelque peu atypique dans les groupes initiaux fricative-occlusive et la configuration glottale pendant la tenue des consonnes glottales, pharyngales et uvulaires (précédemment à peine étudiée). L'aspect de ce travail qui peut avoir des ramifications importantes est celui concernant les mots sourds. De telles données n'ont en effet jamais été étudiées auparavant. La modélisation des gestes laryngés pendant la tenue de ces formes entièrement dévoisées a été présentée fondamentalement en adoptant le modèle " cible-et-interpolation " (Pierrehumbert & Beckman, Keating). Les résultats montrent d'une manière quelque peu inattendue que la glotte ne reste pas simplement ouverte durant ces énoncés sourds, mais que l'aperture glottale est sans cesse modulée et peut être systématiquement mise en relation avec celle des segments individuels présents dans la suite sourde. On pourrait en effet s'attendre à ce que dans de tels énoncés, le geste " de dévoisement " soit considéré comme superflu par le locuteur et simplement éliminé. Or il n'en est rien. Ces résultats montrent d'une manière éclatante à quel point les gestes glottaux et les gestes supraglottaux sont liés.
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tel-00143619 , version 1 (26-04-2007)

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  • HAL Id : tel-00143619 , version 1

Citer

Rachid Ridouane. Suites de Consonnes en Berbère : Phonétique et Phonologie. Linguistique. Université de la Sorbonne nouvelle - Paris III, 2003. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-00143619⟩
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