Traverser les eaux et se reconstruire : modalités de la transmission de la mémoire de la guerre en contexte diasporique - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2022

Traverser les eaux et se reconstruire : modalités de la transmission de la mémoire de la guerre en contexte diasporique

Résumé

Sri Lanka, île de l’océan indien a certes connue l’engagisme mais elle n’a pas été aussi profondément marquée, à l’instar de ses voisines de l’archipel des Mascareignes et des Seychelles, par le système plantocratique reposant sur l’esclavagisme. C’est plus la bi-polarisation de la vie politique suivant l’Indépendance (1948) qui a durablement marqué sa population et a mis sur les routes de l’exil une part non négligeable de cette dernière constituant progressivement une diaspora. La guerre civile sri-lankaise fournit un corpus riche et multiforme engageant les tensions dissociatives liées aux récits de traumatismes. Il faut dire que près de trois décennies de guerre civile (1983-2009) ont laissé une profonde cicatrice dans la mémoire et l'identité collectives, et les séquelles de la guerre hantent encore le peuple sri-lankais, alors même que l’on compte encore les morts. Les nationalismes tamoul et cinghalais, la guerre opposant l’armée cinghalaise aux mouvements indépendantistes armés à l’instar des Tigres de Libération de l’Eelam tamoul (LTTE) et le terrorisme ont entraîné une instabilité des récits dans l'histoire contemporaine de l'île, ce qui donne lieu à des mémoires fracturées, divisées et souvent conflictuelles : chacun ayant vécu son traumatisme, les individus cherchent à comprendre ce que ces expériences signifient pour eux. D’autant plus que durant plusieurs décennies les LTTE ont exercé un contrôle discursif autoritaire sur les récits du conflit, tant à Sri Lanka qu’au sein de la diaspora, posant ainsi avec acuité la question du récit collectif à dire et raconter (voire à commémorer et à ériger en patrimoine), du statut de la mémoire, de sa transmission et de son acceptation. Dans le cadre de cette communication, nous souhaitons interroger la place de la mémoire du conflit armé à Sri Lanka et les modalités de sa transmission dans lesquelles s’entrechoquent des histoires de désirs de rivages et d’insularité, de question post-coloniales, d’interculturalité et d’avenir pour des migrants qui parfois cherchent les traces de leur passé pour penser au mieux leur inscription dans un présent. A partir de récits de vie, sous forme d’entretiens, et parfois mis en scène sous forme de documentaire et d’essais littéraires , nous souhaitons questionner comment l’histoire que chacun conserve et transmet de ce conflit vient rendre compte des réaménagements identitaires du sujet et de son environnement, y compris d’une génération à l’autre. Car comme le précise Rachid Oulahal, « la mémoire familiale est plus acquise par les descendants que transmise par les ascendants » (2021 : 363). Plus exactement il s’agit de comprendre les modalités de transmission de la mémoire de ce conflit et du trauma qui l’entoure (trauma de la guerre bien entendu mais aussi de la traversée des eaux – ou Kala Pani – pour trouver refuge, trauma du caractère indicible des atrocités vécues, données, vues, perçues, mais également comment chaque acteur négocie un nouvel espace, à la fois réel et imaginaire, dans l’espace paradoxal de la diaspora, entre ici et ailleurs), Il s’agit enfin d’examiner comment le passé est reconstruit pour envisager l’édification d’une mémoire collective, de nouveaux « cadres sociaux » (Halbwachs, 1925) : la construction mémorielle (même si elle suscite des négociations) permettant de venir panser les maux de la migration et les plaies du trauma. Le trauma, cet après coup de l’événement, est abordé dans cette communication sous son double aspect : à la fois celui du témoignage et de la transmission, mais aussi dans sa dimension éthique et clinique, comme ce qui défait le sujet, puis, grâce à la parole, l’acte de création, le reconstitue symboliquement. Cette double articulation est au cœur de notre intervention. Halbwachs, M. (1925). Les cadres sociaux de la mémoire. Félix Alcan. Kal, Tali. (2008) Worlds of Hurt: Reading the Literatures of Trauma, Cambridge, CUP. LaCapra, Dominick. (2005) Writing History, Writing Trauma. Johns Hopkins UP. Oulahal, R. (2021). « L’immémoré d’une histoire migratoire. Lorsque quelques photographies retrouvées ouvrent la porte des souvenirs que les troubles neurocognitifs avaient fermée… », L’Autre, vol.22, p.357-367.

Domaines

Géographie
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-03807690 , version 1 (10-10-2022)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-03807690 , version 1

Citer

Anthony Goreau-Ponceaud, Paul Veyret. Traverser les eaux et se reconstruire : modalités de la transmission de la mémoire de la guerre en contexte diasporique. Colloque international Mémoire autobiographique, récit de vie et transmission en contexte insulaire, interculturel et post-colonial., Université de la Réunion; DIRE (Déplacements Identités Regards Ecritures); LCF (Laboratoire de recherche sur les espaces créoles et francophones); OSOI (Observatoire des sociétés de l'océan Indien), Oct 2022, Saint-Denis, France. ⟨halshs-03807690⟩
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