Découvrir, s’investir, s’arrêter : Trajectoires de spectateurs sur les plateformes de sexcamming - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2021

Découvrir, s’investir, s’arrêter : Trajectoires de spectateurs sur les plateformes de sexcamming

Jean Finez

Résumé

Over the last two decades, the development of the Internet and digital content has profoundly transformed the practices of production, distribution and consumption of pornographic content. The 2010s have been marked in particular by the rise of platforms broadcasting live sex shows filmed by webcams: webcamming or sex camming. The world of sex camming (its actors, its scripts, its practices and the fantasies accompanying it) has so far been little studied in the sociology of sexuality. More generally, it can be said that economic activities related to sexuality, which can be understood through the notion of a "contested market", are the subject of little literature, either in economic sociology or in the sociology of work (Brasseur, Finez, 2021). Little is known about viewers of pornographic content (Vörös, 2020) and even less about those who pay for a sexual service (Sanders, 2008), probably because these populations are challenging to reach (Marpsat, 2010). French sociology has long refrained from producing analyses on the subject, with the notable exception of Bajos et al. (1995), or has struggled to apply scientific criteria to them, as noted for example by Mathieu (2015), Roux (2011) and Weitzer (2000). Our proposal is part of a research project devoted to the practices and actors of sex camming. The first part of this project was devoted to studying the practices of webcam broadcasting of shows (Brasseur, Finez, 2019). We are now interested in the spectators, and we propose to study their trajectories in this paper. One of the challenges is grasping cam shows' consumption practices from a relational perspective through the study of exchanges and links between spectators and content broadcasters. Sex cam platforms are not dating sites in which the logic of homogamy is played out (Bergström, 2019). Nonetheless, the variations in viewers' investment in their relationship with models are linked, in part, to their love life and their offline marital status. They thus reflect socially differentiated relationships to sexuality, couple and love, but also differences in access to conjugality (Bergström, Courtel, Vivier, 2019) and sexuality. This paper shows that the relations between models and spectators are not reduced to commercial exchanges. It is, therefore, a question of studying these different forms of investment: some involve time, money and emotions. We propose to analyze these spectators' trajectories and forms of commitment based on a series of 18 semi-directive interviews and online observations on sex cam platforms. Although we are interested in dispositions and highlight similarities in trajectories, the aim is not to study regularities and even less to adopt a ballistic vision of their trajectory. Instead, it is a matter of identifying the stages, shifts, and moments of bifurcation and illuminating them in light of the social properties of the interviewees. First, we will review the methodological framework of our survey. Since drug users are a challenging population to reach, the choice of conducting an interview survey raises important issues both in terms of recruiting respondents (most of whom were recruited via Twitter) and in terms of collecting narratives (with respondents who were very unevenly at ease in producing a discourse on their practices). Then, we will present the social conditions of entry into the world of sex camming, which determine the first steps of the spectator's trajectory (paying or not to see a show, intervening or not during the shows...). Finally, we will show the complexity of the established relations, along the trajectories and until an eventual stop (Ebaugh, 1988), between models and spectators. Several types of "currencies" are at stake in these relationships, and the progressive learning of exchange norms on the platforms goes, for some respondents, through the development of an affective attachment towards a model, questions the relationship between the couple and sexuality by putting at a distance the commercial dimension of the exchanges.
Le développement d’Internet et des contenus numériques ont, au cours des deux dernières décennies, transformé en profondeur les pratiques de production, de diffusion et de consommation des contenus pornographiques. Les années 2010 ont été en particulier marquées par l’essor des plateformes diffusant en direct des shows sexuels filmés par webcam : le webcamming ou sexcamming. L’univers du sexcamming (ses acteurs, ses scripts, ses pratiques et les fantasmes qui l’accompagnent) a pour l’instant été peu étudié en sociologie de la sexualité. Plus généralement, on peut dire que les activités économiques liées à la sexualité, que l’on peut appréhender à travers la notion de “marché contesté”, font l’objet d’une littérature peu abondante, que ce soit en sociologie économique ou en sociologie du travail (Brasseur, Finez, 2021). On sait ainsi peu de choses des spectateurs des contenus pornographiques (Vörös, 2020) et encore moins de ceux qui paient pour un service sexuel (Sanders, 2008), sans doute du fait que ces populations sont particulièrement difficiles à joindre (Marpsat, 2010). La sociologie française s’est pendant longtemps abstenue de produire des analyses sur le sujet, à l’exception notable de Bajos et al. (1995), ou a peiné à leur appliquer des critères de scientificité, comme le notent par exemple Mathieu (2015), Roux (2011) et Weitzer (2000). Notre proposition s’inscrit dans un projet de recherche consacré aux pratiques et aux acteurs du sexcamming. La première partie de ce projet était consacrée à l’étude des pratiques de diffusion de shows par webcam (Brasseur, Finez, 2019). Nous nous intéressons maintenant aux spectateurs, et nous proposons dans cette communication d’étudier leurs trajectoires. L’un des enjeux est de saisir les pratiques de consommation de shows cam dans une perspective relationnelle, à travers l’étude des échanges et des liens qui se nouent entre spectateurs et diffuseurs de contenus. Les plateformes de sexcamming ne sont pas des sites de rencontres dans lesquels se rejouent des logiques d’homogamie (Bergström, 2019). Néanmoins, les variations d’investissement des spectateurs dans leur relation aux modèles sont liées, en partie, à leur parcours amoureux et à leur situation conjugale hors ligne. Elles reflètent donc des rapports socialement différenciés à la sexualité, au couple et à l’amour, mais aussi des différences d’accès à la conjugalité (Bergström, Courtel, Vivier, 2019) et à la sexualité. Dans cette communication, nous montrons que les relations entre modèles et spectateurs ne se réduisent pas à des échanges marchands. Il s’agit dès lors d’étudier ces différentes formes d’investissement : certains sont amenés à engager du temps, de l’argent et des émotions. On se propose d’analyser les trajectoires et les formes d’engagement de ces spectateurs, à partir d’une série de 18 entretiens semi-directifs et d’observations en ligne sur des plateformes de sexcamming. Bien que l’on s’intéresse aux dispositions et que l’on mette en évidence des similarités dans les trajectoires, l’enjeu n’est pas d’étudier des régularités et encore moins d’adopter une vision balistique de leur trajectoire. Il s’agit plutôt de repérer les étapes, les glissements, les moments de bifurcations et de les éclairer à la lumière des propriétés sociales des personnes interviewées. Dans un premier temps, nous reviendrons sur le cadre méthodologique de notre enquête. Les clients de la cam étant une population particulièrement difficile à joindre, le choix de réaliser une enquête par entretiens soulève des enjeux importants tant au niveau du recrutement des enquêtés (qui s’est fait majoritairement via Twitter) que du recueil des récits (avec des enquêtés très inégalement à l’aise dans la production d’un discours sur leurs pratiques). Puis, nous présenterons les conditions sociales d’entrée dans le monde du sexcamming qui déterminent les premières étapes de la trajectoire du spectateur (payer ou non pour voir un show, intervenir ou non durant les shows...). Enfin, nous montrerons la complexité des relations qui se nouent, au fil des trajectoires et jusqu’à un éventuel arrêt (Ebaugh, 1988), entre modèles et spectateurs. Plusieurs types de “monnaies” sont en jeu dans ces relations et l’apprentissage progressif des normes d’échanges sur les plateformes passe, pour certains enquêtés, par le développement d’un attachement affectif envers un modèle, questionne le rapport au couple et à la sexualité en mettant à distance la dimension marchande des échanges.

Mots clés

Domaines

Sociologie
BELIARD BRASSEUR FINEZ 2021 - Lyon - 30 Septembre.pptx.pdf (268.81 Ko) Télécharger le fichier
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

halshs-03750916 , version 1 (25-10-2023)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-03750916 , version 1

Citer

Pierre Brasseur, Jean Finez, Anne-Sophie Béliard. Découvrir, s’investir, s’arrêter : Trajectoires de spectateurs sur les plateformes de sexcamming. Sexualité et classes sociales, Sep 2021, Lyon, France. ⟨halshs-03750916⟩
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