La disparition du capital d’autochtonie : L’insertion professionnelle des jeunes ruraux sans diplôme face à la fragmentation de l’emploi peu qualifié
Résumé
L’économie et l’activité professionnelle en milieu rural connaissent depuis les années 80 une intégration et une adaptation aux marchés urbains et mondialisés (Aubert, Détang-Dessendre, 2014). Le monde du travail rural se tertiarise massivement notamment avec le boom de l’emploi présentiel et résidentiel face au déclin des activités de productions dans ces espaces (ibid.) en créant une économie ouverte aux espaces urbains. Cependant, cette mutation n’est pas la seule à s’opérer en milieu rural et se conjugue avec un accroissement important de la place des emplois peu qualifiés et de formes d’emplois « atypiques » (services civiques, CDD…) (Huiban et al, 2006 ; Colin, 2017). Alors qu’entre 1982 et 2014 la part des employés non qualifiés a évolué de 9,0 à 11,3 % dans les grands pôles urbains, cette dernière est passée de 5,2 à 14,4 % dans les espaces ruraux[1]. Nous souhaitons ainsi, à travers cette communication, nous intéresser à l’impact de l’augmentation de la part des emplois peu qualifiés, mais surtout de la fragmentation de ces postes en milieu rural auprès d’une population particulièrement dépendante et vulnérable à l’emploi local : les jeunes sans diplôme. Cette communication repose sur un travail de terrain mené dans le cadre d’une thèse en sociologie commandée par la région Nouvelle-Aquitaine traitant de l’insertion professionnelle chez les jeunes ruraux sans diplôme. Cette recherche a été menée sur de trois départements (Charente, Creuse, Gironde) et auprès de cent jeunes ruraux sans diplôme interrogés au cours d’entretiens semi-directifs individuels. À ces entretiens viennent s’ajouter 24 entretiens réalisés auprès de personnes responsables de l’insertion de ces jeunes ainsi qu’une pratique de l’observation en continu. Forts de ces données, et à l’aune de cette fragmentation récente de l’emploi rural peu qualifié, nous montrerons comment se met en place la disparition du capital d’autochtonie (Renahy, 2005 ; Coquard, 2016 ; 2019) qui permettait aux jeunes issus des classes populaires rurales une certaine assurance à l’insertion professionnelle pour ceux inscrits dans des réseaux d’interconnaissances locaux. La disparition de ce capital crée des situations de forte précarisation de l’emploi peu qualifié pour les jeunes (en particulier pour les moins qualifiés) où l’instabilité et la vulnérabilité deviennent les seuls registres de l’organisation de l’emploi (Castel, 2011) [1] INSEE. L’emploi non qualifié a changé de visage en trente ans. INSEE Flash, no45, 2017
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