Le délit de solidarité dans les Alpes Maritimes. De l’impact des procès sur les mouvements sociaux. - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2021

Le délit de solidarité dans les Alpes Maritimes. De l’impact des procès sur les mouvements sociaux.

Solidarity Watch
  • Fonction : Auteur
Nathalie Ferré
Sarah Sajn
  • Fonction : Auteur
  • PersonId : 1090274
Ségolène Mennesson
  • Fonction : Auteur
  • PersonId : 1054952
Julie Rannoux
  • Fonction : Auteur
Olivier Kenny
  • Fonction : Auteur

Résumé

La répression de la solidarité avec les migrants s’inscrit dans l'entrelacement de deux tendances européennes dans la gestion des migrations : la sécurisation de la migration (Bigo et al. 2010 ; Guild 2009 ; Huysmans 2006 ; Lazaridis 2016) et l'humanitarisation des frontières (Cuttitta 2014 ; Walters 2011). La soi-disante « crise migratoire » en Méditerranée de 2015 a été un parfait exemple de la tension entre ces deux tendances. Alors que des personnes se noyaient en mer, les institutions de l'Union européenne (UE) et les États membres ont remis en question le bien-fondé des opérations de recherche et de sauvetage ou search and rescue (Little & Vaughan-Williams 2016 ; Pallister-Wilkins 2017), ont criminalisé les activités des ONG intervenant en mer et ont poursuivi les personnes qui tentaient de rejoindre l'Europe (Tazzioli 2018 ; Pezzani & Heller 2015 ; voir Heller dans ce volume). Dans le même temps, également au sein de l'espace Schengen, la répression de la migration s'est accrue : des clôtures en fil de fer barbelé ont été érigées en Hongrie, en Lettonie et en Autriche, et l'accord de Schengen a été suspendu en Suède, au Danemark, en France, en Belgique et en Allemagne. Très vite, la « crimmigration », comprise comme la rapprochement entre le contrôle de la criminalité et le contrôle de l'immigration  (Van der Woude et al. 2017), initialement ciblée sur les personnes migrantes et sans-papiers s’est étendue à leurs réseaux de soutien et à ceux et celles qui leur apportent de l'aide à leur arrivée dans l'UE. Notre recherche interroge les effets de la répression sur les réseaux de solidarité avec les migrants à travers une étude de cas des procès intentés, depuis 2015, contre des militants et des militantes dans les Alpes maritimes, région française frontalière de l'Italie. Ces poursuites étaient pour la plupart fondées sur l'article L622-1 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile (CESEDA). Il stipule que « toute personne qui, directement ou indirectement, facilite ou tente de faciliter l'entrée, le transit et le séjour irrégulier d'un étranger en France » risque une peine de prison pouvant aller jusqu'à 5 ans et une amende pouvant atteindre 30 000 euros. Menée par le Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI), en 2012, une campagne nationale a qualifié ces poursuites comme relevant d'un « délit de solidarité ». Par la suite, l'article L622 a été modifié pour inclure un principe d' « immunité » pour les personnes apportant une aide qui « ne donne pas lieu à une indemnisation directe ou indirecte, et consiste en la fourniture d'un conseil juridique, de nourriture, d'un logement ou d'une assistance médicale afin d'offrir des conditions de vie dignes et décentes à l'étranger en situation irrégulière, ou toute aide destinée à préserver la dignité et l'intégrité physique de la personne » (art. L622-4 CESEDA). Malgré ces « circonstances d'immunité », dans les Alpes Maritimes, comme dans d'autres régions de France, des personnes se réclamant d’actes de solidarité sont encore poursuivies et se sont mobilisées contre la répression des pratiques solidaires.En s'appuyant sur la littérature relative à la mobilisation juridique (legal mobilisation) au sein des mouvements sociaux (Felstiner et al. 1981 ; McCann 1994 ; Gaïti & Israël 2003), nous posons dans ce texte les questions suivantes : comment la répression judiciaire affecte les réseaux préexistants de solidarité avec les migrants; et dans quelle mesure les militant.e.s poursuivi.e.s utilisent stratégiquement les procès à des fins politiques ? En analysant les expériences individuelles et collectives des procès, nous montrons qu'en réaction aux poursuites judiciaires, le concept de « délit de solidarité » émerge dans le cadre d'une lutte plus large contre la criminalisation de la solidarité. Dans cette contribution, nous explorons la notion de « délit de solidarité » et l'impact de la criminalisation de ces pratiques sur les groupes d'activistes dans les Alpes-Maritimes. Nous identifions d’une part, les effets d’apprentissages collectifs dans le cours de la mobilisation, tout en notant que le lourd tribut payé pour se défendre contre les poursuites pénales peut affaiblir les individus et obliger les réseaux militants à adapter leurs stratégies. En outre, nous notons que l'accent mis sur une notion indifférenciée de "solidarité" peut conduire à masquer les différences de genre, de race et de classe entre les inculpé.e.s capables de mobiliser la notion de « délit de solidarité » dans leur défense et dans les médias, et celles et ceux dont le capital social limite leur accès à ces mêmes réseaux de solidarité. Le texte est structuré comme suit : la première partie présente l’ancrage théorique et méthodologique de l’enquête, la deuxième partie reconstitue les principales phases de l'émergence du « délit de solidarité » dans les Alpes-Maritimes et la troisième partie interroge les effets dissuasifs de la répression sur les personnes poursuivies.
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-03511010 , version 1 (04-01-2022)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-03511010 , version 1

Citer

Annalisa Lendaro, Solidarity Watch, Nathalie Ferré, Sarah Sajn, Ségolène Mennesson, et al.. Le délit de solidarité dans les Alpes Maritimes. De l’impact des procès sur les mouvements sociaux.. Congrès national de l’Association française de sciences politiques, AFS RT 13, Jul 2021, Lille, France. ⟨halshs-03511010⟩
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