France et Français de « la Troisième » (République)

Dominique Lejeune (1)

1 CPGE, Louis le Grand

D’une manière globale et jusqu’à ce que dans peu de temps, en 2023 ou en 2028 — selon le choix d’un début de « la Troisième » avec les lois constitutionnelles de 1875 ou avec la proclamation de 1870 — la Cinquième République égale le record de durée de la Troisième République, ce qui frappe le plus au sujet de cette dernière est sans doute la longueur de la vie du régime. La longueur des sept décennies de la Troisième République est-elle explicable seulement par le vague des « lois constitutionnelles » de 1875 ? Ce flou n’a-t-il pas été, au contraire, cause de fragilisation du régime ? Et la longueur est-elle vraiment la preuve de la fiabilité de ce régime républicain ? La France était depuis longtemps une nation et une patrie, désormais c’est une République. Dans le domaine de l’histoire politique, cette République est le suffrage universel honnêtement pratiqué, avec notamment des professions de foi, un « vote universel » (exclusivement masculin) loyalement respecté — à la différence du Second Empire et de l’épisode de l’Ordre moral —, type d’expression de la volonté nationale qui donne aux élections une place fondamentale dans la vie politique : c’est « l’arche sainte des républicains », comme a écrit Pierre Rosanvallon. Cette formation politique définitive des citoyens, ainsi que l’école, gratuite, laïque et obligatoire, permettent une intégration des masses au système, phénomène inconnu dans beaucoup de pays européens. Dans le même temps, on assiste au recul de la « contre-révolution », au développement et à l’organisation des partis, à l’enrichissement et à la fixation du vocabulaire politique : cette « Troisième » est-elle un modèle ? D’ailleurs l’attention portée à la France par les pays voisins est constante, depuis la guerre de 1870 jusqu’au suicide de la République après le refus de l’union proposée par le Royaume-Uni en 1940. À cet égard il y a d’ailleurs une véritable décennie fondatrice, celle qui va de 1879, année de l’installation complète des républicains au pouvoir à 1889, année du centenaire de la Révolution française et de l’exposition universelle. La durée et la stabilité apparente du régime républicain n’excluent toutefois pas la récurrence du thème de la révision et les crises politiques — tous les dix ans, retient la mémoire collective ! — qui ne dégénèrent jamais en révolution, ainsi que les critiques contre le régime : les qualificatifs de « gueuse », de « république bourgeoise », sont connus, et c’est justement l’un des mérites du régime que d’avoir précocement accepté l’étalage, même pamphlétaire et caricatural, de ces attaques. Plus tard, quand se seront effondrés plusieurs des supports sociaux ou intellectuels du régime, quand les armées auront été brusquement vaincues par l’envahisseur allemand en 1940, le discrédit atteindra « la Troisième » dans ses hommes et ses œuvres, et le corps électoral de la Libération, ouvert désormais aux femmes, rejettera le retour à cet « ancien régime » suranné. 1939-1940 : une troisième guerre frappe les républicains (et les autres), après celles de 1870-1871 et de 1914-1918. Le plan est non pas chronologique mais évolutif, avec évidemment un double centrage, sur la Belle Époque et sur la Grande Guerre, deux centres de gravité dans l’histoire de la France et des Français, la Première Guerre mondiale, la « Grande Guerre des Français » — formule-titre en hommage de l’historien Jean-Baptiste Duroselle (1917-1994) — débutant la « Guerre de Trente ans », formule, cette fois-ci de Charles de Gaulle.

Mots clés: Troisième République; Histoire de France -- 19e siècle; Histoire de France XXème siècle

Domaines: Histoire; Science politique; Sociologie

Dominique Lejeune. France et Français de « la Troisième » (République) : Autour de la Belle Époque et de la Grande Guerre. 2024. ⟨halshs-03326301v3⟩