Que faut-il entendre par « grammaticalisation » dans les langues isolantes ? Le cas de ná, bǎ, bèi, ràng ou jiào, gěi et -de3 (potentiel) en chinois mandarin contemporain : Des verbes grammaticalisés qui fonctionnent encore comme des verbes - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Bulletin de la Société de Linguistique de Paris Année : 2017

What is meant by "grammaticalisation" in isolating languages? The case of ná, bǎ, bèi, ràng ou jiào, gěi and -de3 (potential) in contemporary Mandarin Chinese: Grammaticalized verbs that still function as verbs

Que faut-il entendre par « grammaticalisation » dans les langues isolantes ? Le cas de ná, bǎ, bèi, ràng ou jiào, gěi et -de3 (potentiel) en chinois mandarin contemporain : Des verbes grammaticalisés qui fonctionnent encore comme des verbes

Résumé

The position put forth in this article is that, despite varying degrees of grammaticalization — weak for ná, complete for bèi —, the verbs ná (“to take” a verb that functions as an instrument marker), bă (another “take” verb that indicates the object in certain situations), bèi (“to undergo”, which marks the passive form or agent complement), ràng and jiào (respectively “to let” and “to tell to do”, which both mark the causative and passive forms), gĕi (“to give” with multiple grammaticalizations) et -de3 (“to reach” or “obtain”, which marks “potential” or an “evaluation and degree complement”) all retain their verbal syntax in contemporary Mandarin : in serial verbal constructions (ná) and pivot constructions (bă, as well as ràng and jiào), governing an object clause (bèi, as well as -de3), undergoing voice or diathetic alternations (causative passive and middle voice for gĕi, as well as ràng and jiào), so that it is often more helpful in glosses and literal translations to translate them as the verbs from which they originate, admittedly grammaticalized or “bleached”, but scarcely more so, on balance, than the French verbs prendre (“take”) and donner (“give”) when these are used as supporting verbs in fixed expressions. This article thus deliberately contradicts certain currently popu- lar conceptions of grammaticalization which seem to suggest that all languages, guided as it were by a divine hand, progress towards an ideal that consists of case markers and adpositions, complementiz- ers, auxiliaries or semi-auxiliaries for passives and causatives, etc., as is standard in Indo-european languages like english and French, in other words according to our standards. Such conceptions take a finalistic perspective which is teleological, one might even say the- ological, and altogether unscientific. The struggle against ethno- centrism, be it descriptive or theoretical, remains as relevant today as ever. absit iniuria to the proponents of certain linguistic dog- mas, Chinese is an isolating language with verbal series and pivot constructions. Linguistic typology or grammaticalization theories are statements of facts not explanations. We prefer analyses in terms of predicative func- tions – f(x,y) – expressing the properties of entities or the relations between entities belonging to different orders of calculus – physical objects as first order entities, states of affairs or events as 2nd order entities, propositions as 3rd order entities, and as 4th order entities utter- ances and universes of discourse (Lyons 1977, dik 1989, Martin 1983, 1987). gěi as a verb or a dative marker brings into play first order entities, as a benefactive marker one 2nd order entity. As a causative marker or as an equivalent of bèi or bă, it brings into play contradic- tory universes, one where “that happens” and another where not.
Nous soutiendrons dans cet article que, malgré divers degrés de grammaticalisation — faible pour ná, totale pour bèi —, ná (un « prendre » pouvant servir à marquer l’instrument), bă (un autre verbe « prendre » qui marque l’objet dans certaines situations), bèi (un « subir » marque de passif ou de complément d’agent), ràng (un « laisser ») et jiào (un « dire de », tous deux marques de causatif et de passif), gĕi (un « donner » aux grammaticalisations multiples) et -de3 (un « atteindre », un « get », marque de « potentiel » ou de « complément d’évaluation » et de « degré ») conservent tous en mandarin contemporain leur fonctionnement de verbes. Cet article s’inscrit, par là, en faux contre certaines conceptions de la grammaticalisation à la mode aujourd’hui qui tendent à suggérer que toutes les langues, comme guidées par la main de quelque dieu, marcheraient vers cet idéal qui serait d’avoir marques de cas et adpo- sitions, complémenteurs, auxiliaires ou quasi-auxiliaires de passif et de causatif, etc., à la mode des langues indo-européennes du type de l’anglais ou du français. en dépit de ce qu’on a pu dire, le chinois est une langue isolante à séries verbales et à constructions à pivot. Typologie et « théories » de la grammaticalisation ne relèvent que du simple constat et ne peuvent constituer une explication des phéno- mènes. en revanche, le recours à des fonctions prédicatives (des f(x,...) (Lemaréchal 1998) exprimant les propriétés d’une entité ou des rela- tions entre entités (des x) appartenant à des ordres de calcul différents (Lyons 1977, dik 1989) — entités concrètes vs événements vs contenus propositionnels vs univers de discours et de croyance (r. Martin 1983 et 1987) — fait, une fois de plus, merveilles. Les marques étudiées ici étant des verbes plus ou moins grammaticalisés, nous proposons d’en expliquer le fonctionnement en termes de valence et d’opérations sur cette valence, ainsi que d’ordre des entités instanciant leurs places d’argument. Ainsi, gěi verbe plein ou marque de datif met en jeu des entités du premier ordre ; nous soutiendrons que gěi, marque de bénéfactif, met déjà en jeu une entité du second ordre ; quand il fonc- tionne comme marque de causatif ou quand il paraît commuter avec bèi ou bă, de «donner» il passe à un «faire arriver», qui met en jeu des univers de discours contradictoires, univers où « cela arrive » et univers où ce n’est pas le cas.
摘要 — 当代汉语语法标记“拿”(标记工具格的动作动词“拿”),“把” ( 标 记 特 殊 宾 语 的 动 作 动 词 “ 把 ” ) ,“ 被 ” ( “ 遭 受 ” 义 动 词 标 记 被 动 或 受事),“让”和“叫”(动词“让”“叫”标记致使和被动),“给”(三价动词 “给”的多种语法化路径),以及“得”(动词“得”到可能程度标记),尽管 其语法化程度有所不同,如“拿”的弱语法化,“被”的完全语法化,均保 有 其 各 自 的 动 词 结 构 功 能 。这 些 动 词 结 构 表 现 在 :由 动 词 “ 拿 ” 组 成的连动式,由动词“把” (及“叫”“让”) 组成的兼语式,由“被” (及“得”)引导的宾语从句,标记语态的对立(“给”标记中间语态和致 使被动态,同比“叫”“让”)。 由此,本文立足反对如今语法化概念的神化走向,好像所有 语言正由‘神’的手推动着一步一步走向理想,即所有语言都要像 法语英语类的印欧语言一样,拥有格标记、前/后置词宾语从句 标记、助动词或表致使的准助动词等。即便如此, 汉语依然是连动 式和兼语式主导的孤立语。 类型学和语法化‘理论’是对现象的阐述而非解释。我们更推崇 谓语功能理论f(x,...)所作出的解释。它不仅描述实体特性, 并且阐 释 这 些所属不同计算等级的实体间的关系: 物理实体为第一实体 范畴, 事态和事件为第二实体范畴, 分句为第三实体范畴, 言域和论 域为第四实体范畴 (见 Lyons 1977, dik 1989, r.Martin 1993, 1989) 。因 此 ,实 义 动 词 “ 给 ” 和 给 予 格 “ 给 ” 涉 及 第 一 类 实 体 范 畴 ,受 益 格“给”涉及第二类实体范畴,而致使标记“给”和可以和“把” “ 被 ” 相 互 转 换 的 “ 给 ” ( 从“ 给 ” 到 “ 使 发 生 ” ) 开 启 了 两 个 相 悖 论 域 : 一个‘发生’域,一个非‘发生’域。

Mots clés

Domaines

Linguistique
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Origine : Publication financée par une institution

Dates et versions

halshs-03201057 , version 1 (16-12-2021)

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Citer

Alain Lemaréchal, Lin Xiao. Que faut-il entendre par « grammaticalisation » dans les langues isolantes ? Le cas de ná, bǎ, bèi, ràng ou jiào, gěi et -de3 (potentiel) en chinois mandarin contemporain : Des verbes grammaticalisés qui fonctionnent encore comme des verbes. Bulletin de la Société de Linguistique de Paris, 2017, ⟨10.2143/BSL.112.1.3271884⟩. ⟨halshs-03201057⟩
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