Le triple jeu d'un officier-cartographe dans la Régence de Tunis au XIXe siècle
Résumé
Toute activité cartographique répond à une pluralité d’objectifs. Les conditions de réalisation, en 1857, de la carte de la régence de Tunis offre une excellente illustration d’une telle diversité des visées et des intérêts en présence : trois dimensions, complémentaires plus que concurrentes, structurent en effet l’activité de l’officier-cartographe français Jean-Baptiste Évariste Marie Pricot de Sainte-Marie, dont l’activité manifeste un triple jeu. L’objectif primordial qui fut fixé par les autorités françaises, en 1839, au jeune capitaine d’état-major était clair : achever la carte de la régence de Tunis qu’avait initiée le Danois Falbe. Mais ce projet ne pouvait laisser indifférent le gouvernement beylical de la Tunisie, engagé au même moment dans un processus de « modernisation » de la gestion publique du pays ; un tel intérêt conduisit logiquement l’officier-cartographe à faire preuve d’une intelligence de la situation et d’une forte capacité de négociation : les services qu’il rendit à Ahmed Bey servirent aussi d’ailleurs à la réussite de la mission confiée par les autorités françaises. Une troisième dimension, relevant d’un registre à la fois personnel et professionnel, s’est ajoutée aux deux premières, plus institutionnelles : Pricot de Sainte-Marie a rapidement nourri l’ambition de faire valoir, dans les milieux parisiens aptes à en reconnaître la qualité et l’impact, le volet scientifique de son activité cartographique et, par voie de conséquence, sa contribution au savoir géographique. Sur ces trois plans, à la fois singuliers et conjoints, l’officier-cartographe s’est imposé comme le véritable maître du « jeu », faisant de la carte de la régence une réalisation à trois faces