Codes in the Middle Ages
Résumé
Du point de vue de l’historien, le Moyen Âge occidental constitue le cadre d’une
évolution longue, ponctuée de fortes césures, des matériaux, des formes et des modes de
production des codes et des normes. La difficulté d’appréhender leurs référents et leurs
expressions culturels est accentuée par le pluralisme juridique qui caractérise l’Occident
chrétien après la disparition de l’Empire romain. Elle est accrue par deux types d’approches
récentes : l’optique pluraliste qui consiste à concevoir l’existence du droit au-delà du cadre
étatique, et l’optique historiographique qui conduit à envisager la norme comme l’ensemble des
valeurs destinées à discipliner la société médiévale, que ces valeurs se soient ou non traduites
en règles formelles et qu’elles impliquent ou non des mesures de contrainte ou de sanction.
Du point de vue des penseurs médiévaux, cette période s’inscrit plus simplement dans
un « âge de la grâce » considéré comme le dernier temps de l’histoire chrétienne du salut :
« l’âge de la loi naturelle », assimilé à l’état d’innocence, avait été suivi par « l’âge de la Loi »
que le péché originel avait rendue nécessaire ; les évangiles étaient conçus comme la recordatio
de la loi naturelle, au terme d’un parcours adapté à la capacité humaine de recevoir la loi après
le péché originel. Dans cette histoire du salut qui se confond avec une histoire de la loi,
l’hétérogénéité de la grâce ouvre sur une culture singulière de la loi, qui trouve sa source dans
les liens construits par la doctrine chrétienne avec l’Ancien Testament. De façon générale, le
système occidental des normes et le savoir contenu dans le texte sacré sont indissociablement
liés.
L’article vise en premier lieu à comprendre la façon dont ces normes chrétiennes ont été
construites ou ressaisies dans ce cadre « légal », en observant les formes et les conceptions
culturelles relatives à cette construction. Sources théologiques, codes de lois barbares (comme
le Domboc compilé par le roi du Wessex Alfred le Grand à la fin du IXe siècle, qui traduit et
adapte la loi mosaïque) – ou bibles moralisées de la fin du Moyen Âge, contribuent à définir la
culture chrétienne comme une culture de l’« accomplissement » de la Loi ancienne.
Ces formes et ces conceptions, qui ont profondément évolué, témoignent aussi bien de
la présence du droit dans la culture (à partir du XIIe siècle, l’enquête judiciaire fournit un modèle
méthodologique aux différentes disciplines du savoir) que de la présence de la culture dans le
droit (la conciliation des auctoritates visée dans l’entreprise de codification du droit canonique
n’est pas sans lien avec les conceptions sur l’harmonie musicale, par exemple). Le phénomène
majeur que représente la naissance simultanée des droits savants au XIIe siècle est traité, dans
la seconde partie de l’article, sous l’angle de la convergence textuelle et méthodologique entre
la théologie et le droit canonique.
Enfin, l’article montre que la science théologique, constituée comme telle à partir du
XIIe siècle et intellectuellement dominante à partir du XIIIe, a constitué un lieu spécifique de la
production des normes. Elle entretient des liens complexes avec le droit, dont elle utilise le
langage et les instruments pour traiter, dans des formes culturelles originales, des cas difficiles
et ambigus suscités par la vie religieuse, politique ou sociale.
Origine :
Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
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