Résumé : La consécration apparente de Ken Bugul, Calixthe Beyala et Fatou Diome, toutes trois inscrites dans l’actuel canon de littérature africaine féminine francophone, semble motiver une réponse positive à l’une des questions théoriques majeures posées par les postcolonial studies : « Can the Subaltern speak ? ». A travers une approche sociologique, cet article vise cependant à nuancer celle-ci, en s’attardant sur les conditions sociales et éditoriales de ces accès précipités à la notoriété littéraire. En distinguant dans chaque cas entre identification assignée, présentation de soi assumée, et appartenance sociale, il pointe des effets d’accélération - qui s’ajoutent à ceux, plus généraux, du système médiatico-publicitaire sur le champ littéraire -, puis des effets d’enfermement paradoxal, au vu des options qui s’offrent à ces écrivaines lors de leurs publications successives. Étudier les conditions de la consécration symbolique pour celles qui en sont a priori privées en raison de difficultés objectives d’accès à l’éducation et à la culture en français, obligerait ainsi à analyser aussi les paramètres qui conditionnent la reconnaissance une fois obtenue.