Quand le livre rend ivre : les alcools de Rabelais
Résumé
L’antique métaphore biblique du « livre mangé » prend chez Rabelais la forme du livre à boire, qui traverse toute l’oeuvre à travers les métaphores du tonneau, de la bouteille, des gobelets et des flacons. Avec le pantagruélion du Tiers Livre, dont le long éloge est construit comme une énigme à multiples solutions, Rabelais offre au lecteur une variation vertigineuse sur le livre comme médicament et comme psychotrope : les plantes qui partagent leurs vertus avec le pantagruélion, et avec lesquelles on fabrique le papier des livres (chanvre à toile, lin, papyrus), ont aussi des propriétés équivalentes à celles du vin, de l’alcool et surtout du chanvre psychoactif, dont la tige permet de siphonner le vin des tonneaux et dont les
feuilles mangées agissent sur les esprit animaux. L’éloge se déploie comme s’il était prononcé par quelque philosophe ivre qui défie les dieux jusque dans l’Olympe, mais le référent en est à la fois matériel et idéel, comparant et comparé, tenor et vehicle. Le « docteur en medicine » n’a nullement renié l’abstracteur Alcofrybas, distillateur de vin, de livres et de métaphores du livre.
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