L’œuvre de Jean Perdrizet, entre invention scientifique et utopie - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Autre Publication Scientifique Année : 2012

L’œuvre de Jean Perdrizet, entre invention scientifique et utopie

Résumé

La vie et l'oeuvre de Jean Perdrizet, indissociables, à la fois mystérieuses et fascinantes, comportent néanmoins un accent tragi-comique qui apparaît dans la correspondance avec les chercheurs du CNRS, José Argémi et Jacques Paillard, celle entre Argémi et le peintre surréaliste Adrien Dax et dans les jugements de ceux qui le côtoyaient dans sa ville de Digne-les-Bains. Son spiritisme, ses machines à communiquer avec les fantômes, son « espéranto sidéral » ou sa « machine à percer les plafonds » prêtaient naturellement à sourire. Mais aussi bien ses voisins, que les enfants ou les journalistes qui lui rendaient visite, ou encore les chercheurs avec qui il correspondait et les représentants de la NASA ou de la US Air Force qui répondaient à ses envois de plans, tous étaient intrigués par la complexité de sa démarche scientifique, envoutés par l'ardeur avec laquelle il crée et faisait connaître son oeuvre, tous étaient soucieux de maintenir le contact en lui renouvelant leur intérêt et leurs compliments. Perdrizet considérait tous ces échanges comme des preuves de la valeur de son activité scientifique qui justifiait selon lui l'attribution d'un Prix Nobel. Il sollicita d'ailleurs par deux fois au moins son comité et fit des envois de dessins et de lettres de recommandation dont la plus élogieuse fut celle de son voisin. Le caractère paradoxal de cette oeuvre, dont on ne sait pas a priori si elle relève de la science, de l'art ou d'une forme de pensée métaphysique libre, est propre à la personnalité elle-même de son auteur. Ce caractère se retrouve également dans les diverses dimensions de la réception des travaux de Perdrizet, perplexité, intérêt, sourire et admiration, chez tous ceux à qui il destinait ses envois de plans, ce qui représenta en tout un volume de deux tonnes de papier en quarante années. Lorsque je sollicitai et reçus les archives de Jacques Paillard pour les verser aux Archives nationales, sans connaissance préalable de Perdrizet, ma réaction à la vue de ses innombrables dessins annotés ne fut pas différente, et je reconnus d'emblée les caractères complexe, esthétique, inquiétant, fou, mais pertinent de cette oeuvre interrogeant dans un esprit futuriste métaphysique les nouvelles possibilités de communication offerts par la science entre l'homme et la machine. Ce projet rationnel était en réalité sous-tendu par un autre à peine voilé, mais qui donnait toute sa force de travail et d'imagination à Perdrizet. C'était le rêve naïf et l'espoir, que nous avons tous caressé un moment d'oubli ou d'extase, de communiquer avec les « au-delà » du temps et de l'espace, le monde extraterrestre et le monde du passé et des morts. Pour Perdrizet la cybernétique ouvrait une nouvelle ère métaphysique en permettant d'envoyer des robots dans l'espace pour communiquer avec les esprits tournoyant dans l'univers à proximité de la terre. Si cette oeuvre fascine, c'est qu'elle prend à bras le corps l'angoisse fondamentale de la mort, de la perte des êtres chers et de la non communication des individus, par une rationalité créatrice personnelle dont l'intérêt réside en ce qu'elle est caractéristique de son époque. Mais Perdrizet n'est pas seulement un reflet de son temps, puisque dès l'âge de vingt-six ans, en 1935, il commençait sa carrière d'inventeur et travaillait avant que les mouvements scientifiques et artistiques des adeptes qui s'intéressèrent ultérieurement à son oeuvre ne soient nés. Son oeuvre prise intégralement peut se classer a posteriori à la fois dans les mouvements de la cybernétique et de l'art brut, mais elle se situe en réalité entre les deux, ni vraiment dans l'un ni dans l'autre, en développant une pensée métaphorique profonde et déconcertante à l'allure d'un mythe métaphysique, peut-être un peu à la manièredans son fonctionnementdes machines célibataires de dada. Jean Perdrizet fut avant tout un scientifique ; l'envoi de ses oeuvres visait non pas une publicité, mais une recherche effective d'interlocuteurs scientifiques, même si cette correspondance
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Texte long JG Barbara sur Perdrizet 2018.pdf (177.25 Ko) Télécharger le fichier
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

halshs-03090893 , version 1 (30-12-2020)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-03090893 , version 1

Citer

Jean-Gaël Barbara. L’œuvre de Jean Perdrizet, entre invention scientifique et utopie. 2012. ⟨halshs-03090893v1⟩

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