Geneviève Calame-Griaule et la parole contée
Résumé
Geneviève Calame-Griaule nous a quittés le 23 août. Ses travaux sur les relations entre langage, culture et société, au Mali et au Niger ont contribué à l'essor des recherches sur la littérature orale et au regain d'intérêt pour les contes. Quand Geneviève Calame-Griaule partit enquêter sur le terrain pour la première fois en 1946, chez les Dogon de la région de Sangha, dans l'actuel Mali, le conte n'était pas un genre très valorisé par les chercheurs, qui lui préféraient les grands récits mythiques. Souhaitant apprendre la langue, puisqu'on lui avait confié la tâche d'en faire le dictionnaire, elle fut d'abord orientée vers les enfants qui lui ont raconté des fables d'animaux, ces histoires d'Hyène et de Lièvre aux aventures rocambolesques qui ont fait rire des générations d'Ouest-Africains. Puis petit à petit, au fur et à mesure qu'elle progressait dans sa maîtrise du dogon, les adultes ont commencé à lui conter d'autres histoires, plus complexes, mêlant la vie ordinaire au fantastique. Attentive à la parole et à ses fonctions dans la vie sociale, Geneviève Calame-Griaule ne pouvait pas négliger ces "bonnes paroles" dont elle perçut très vite la dimension initiatique, au-delà du plaisir partagé à leur écoute. C'est d'abord en faisant le bilan de ses propres enquêtes qu'elle en prit conscience : plus le temps passait, et plus les contes qu'on lui racontait étaient longs, lourds de sens, compliqués. Comme n'importe quel membre de la société dogon, elle avait inauguré ses relations au conte par les fables pour avancer peu à peu vers des récits de plus en plus ésotériques. En progressant dans son apprentissage de la langue et en connaissant de mieux en mieux le contexte culturel de cette région, elle cheminait de conte en conte. / Hommage