, État une entité qui, enfin, pour des pans entiers de l'activité humaine, était, moins qu'auparavant, un État de classe et, davantage qu'auparavant, une chose publique (res publica) pour l'ensemble de la communauté nationale. En somme, les compris nationaux de 1945 ont « républicanisé » les États. Ce qui se joue dans de nombreux pays depuis Thatcher, et s'accélère après 2008-9, c'est le retour à un État de classe contre la nation, mais contrairement au début du 20ème siècle, c'est un État de classe avec protection sociale. La politique économique, notamment budgétaire, veille quant à elle à surtout ne pas rejoindre le plein emploi dans les pays européens là où la présence du chômage est nécessaire pour briser le niveau de protection assuré au travailleur. C'est moins le cas aux Etats-Unis car dans ce pays les protections sont moindres et l'endettement des moins favorisés peut être facilité par la politique monétaire et les règles prudentielles pour assurer la poursuite de la croissance, Quelle politique économique aujourd'hui ? Les compris sociaux sur lesquels les États nationaux s'étaient reconstruits en 1945 avaient fait de l

. Cf, . Bryan, . Dick, M. Rafferty, D. ;. Wigan et al., From time-space compression to spatial spreads, situating nationality in global financial liquidity, Money and Finance after the Crisis: a Critical Thinking for Uncertain Times, pp.43-67, 2006.

U. Polanyi and . Contemporain-de-cette-période, Une paix de Cent ans avait bâti une insurmontable montagne d'illusions qui cachait les faits. Ceux qui ont écrit pendant cette période ont excellé dans le manque de réalisme. A. Toynbee estimait que l'Etat-nation était un préjugé étroit, Ludwig von Mises que la souveraineté était une illusion ridicule. Norman Angell que la guerre était un faux calcul d'affaire. La conscience que les problèmes politiques sont essentiels était tombée plus bas que jamais, rappelle à ce propos quelques décennies après : «, p.251, 1983.

, Il est alors plus facile de réduire la résistance à la réalisation par les gouvernements de pans entiers de ce que le marketing politico-idéologique a fini par baptiser « la réforme structurelle » présentée comme une figure de la nécessité : s'adapter ou mourir. Malheureusement, que n'a-t-on pas fait passer, ou tenté de faire passer, au nom de la « construction européenne » 44 ? Ainsi, les délégations de souveraineté servent-elles à dépolitiser la politique nationale. N'oublions pas le contexte qui explique cette stratégie : les décennies de plein emploi qui ont suivi l'après-guerre ont fini, durant les années 1970, par poser une menace à la reproduction même des rapports de production capitaliste, ce qui mettait à l'ordre du jour le dépassement de ce système économique

, A lui seul, le keynésianisme, en effet, n'a pas permis malgré le plein emploi de répondre aux attentes des salariés qui aspiraient à de meilleurs salaires, certes, mais aussi à une autre organisation du travail, à de plus faibles inégalités et, surtout, à un contrôle social de l'accumulation du capital. Autrement dit, la socialisation (d'une fraction) de la production se devait de venir compléter la (fraction de la) consommation socialisée par l'avènement de l'État social. Les turbulences socio-politiques dureront une bonne quinzaine d, vol.46

, Les voies du progrès social et de l'émancipation passent par la reprise en main de leurs souverainetés par les États-Nations. Ceci non pas par chauvinisme mais parce que c'est à ce niveau que peuvent encore se mobiliser et s'exprimer les intérêts des classes qui paient le plus lourd tribut face aux politiques menées depuis quatre décennies

, la doctrine) pour qu'il soit à nouveau l'affaire de tous, c'est-à-dire une chose publique et démocratique. Les États-Nations sont loin de disparaître et c'est pourquoi, au lieu d'invoquer un internationalisme sans nation, improbable « alter-mondialisme », il serait sage de voir à nouveau la nation comme lieu possible, l'histoire l'a déjà montré, de dépassement des rapports de classe et d'avènement d'une république accomplie. La République n'est pas un état figé du développement politique, c'est plutôt un processus vers davantage de démocratie et d'égalité sociale, c'est-à-dire un monde orienté par les besoins et l'émancipation de tous. Sinon, quel autre projet sérieux s'offre à nous ? Un danger existe et n'est jamais à exclure, en cas de crise générale et durable : c'est bien sûr celui du retour de la nation identitaire et conservatrice des hiérarchies sociales, car on n'enlèvera jamais au groupes humains le désir de s'enraciner (sauf dans l'élite mondialiste), bref de s'appartenir concrètement. Les coups portés par le capital transnational et les dérives idéologiques multiples (de « droite, Alors que l'État est en train de redevenir la chose exclusive des classes dominantes, la dépense et la socialisation de l'investissement peuvent au contraire apporter les outils

. Mais, pour ne pas en venir à ce stade-là, le médiéviste marxiste Guy Bois nous avertissait, il y a près de vingt ans, à propos de la mondialisation comme « nouvelle servitude » : c'est sur « le terrain idéologique que la partie se jouera » 47 . Avec la crise sanitaire

E. France, ces procédés furent inaugurés dès 1983 : pour justifier le changement de politique économique, il fallait invoquer la « contrainte extérieure » et le projet européen. Pourtant, défendre la parité du franc face au mark était un choix d'abord politique qui imposait effectivement une désinflation interne

J. Rousselet, , 1974.

, On le trouve déjà en 1983, sous la plume de Dockès, Pierre et Bernard Rosier, Rythmes économiques. Crises et changement social, une perspective historique, 1983.

G. Bois, Une nouvelle servitude -essai sur la mondialisation, de Guibert, p.175, 2003.