, dont les facultés vont jusqu'à modifier l'appréciation de l'espace et du temps par le capital, a malgré tout besoin de se matérialiser à un moment ou à un autre dans un espace national précis, donc dans un espace juridictionnel spécifique. Ceci au moins pour deux raisons : les contrats financiers relèvent toujours d'une juridiction donnée, qui apporte une grammaire pour écrire les contrats et un système de sanctions en cas de contentieux. Même si les produits dérivés semblent parfois au-dessus des territoires et hors du temps ordinaire, ils finissent par avoir besoin de se dénouer en un lieu et un moment précis afin que soient soldés les pertes et les profits entre les contractants. Voilà pourquoi, même la finance la plus éthérée, la plus abstraite et volatile que représentent les produits dérivés

, est le retour à un État de classe contre la nation, mais contrairement au début du 20ème siècle, c'est un État de classe avec protection sociale. Les décennies de plein emploi qui ont suivi l'après-guerre ont fini, durant les années 1970, par poser une menace à la reproduction même des rapports de production capitaliste, ce qui mettait à l'ordre du jour le dépassement de ce système économique. A lui seul, le keynésianisme n'a pas permis malgré le plein emploi de répondre aux attentes des salariés qui aspiraient à de meilleurs salaires, certes, mais aussi à une autre organisation du travail, à de plus faibles inégalités et, surtout, à un contrôle social de l'accumulation du capital. Autrement dit, la socialisation (d'une fraction) de la production se devait de venir compléter la (fraction de la) consommation socialisée par l'avènement de l'État social. Les voies du progrès social et de l'émancipation passent par la reprise en main de leurs souverainetés par les États-Nations. C'est à ce niveau que peuvent encore se mobiliser et s, Quelle politique économique aujourd'hui ? Ce qui se joue dans de nombreux pays depuis Thatcher, et s'accélère après 2008-9

, Les États-Nations sont loin de disparaître et c'est pourquoi, au lieu d'invoquer un internationalisme sans nation, improbable « alter-mondialisme », il serait sage de voir à nouveau la nation comme lieu possible de dépassement des rapports de classe. La République n'est pas un état figé du développement politique, c'est plutôt un processus vers davantage de démocratie et d'égalité sociale, c'est-à-dire un monde orienté par les besoins et l'émancipation de tous. Quel autre projet sérieux s'offre à nous ? Un danger existe et n'est jamais à exclure, en cas de crise générale et durable : c'est bien sûr celui du retour de la nation identitaire et conservatrice des hiérarchies sociales, car on n'enlèvera jamais au groupes humains le désir de s'enraciner (sauf dans l'élite mondialiste), bref de s'appartenir concrètement. Les coups portés par le capital transnational et les dérives idéologiques multiples (de « droite » comme de « gauche ») qui lui sont associées, Alors que l'État est en train de redevenir la chose exclusive des classes dominantes, la dépense et la socialisation de l'investissement peuvent au contraire faire en sorte qu'il soit à nouveau l'affaire de tous

. Michael, Capitalism with derivatives. A Political Economy of Financial Derivatives, Capital and Class, 2006.

U. Polanyi and . Contemporain-de-cette-période, Une paix de Cent ans avait bâti une insurmontable montagne d'illusions qui cachait les faits. Ceux qui ont écrit pendant cette période ont excellé dans le manque de réalisme. A. Toynbee estimait que l'Etat-nation était un préjugé étroit, Ludwig von Mises que la souveraineté était une illusion ridicule. Norman Angell que la guerre était un faux calcul d'affaire. La conscience que les problèmes politiques sont essentiels était tombée plus bas que jamais, rappelle à ce propos quelques décennies après : «, p.251, 1983.

, mondialisation comme « nouvelle servitude » : c'est sur « le terrain idéologique que la partie se jouera » 30 . Avec la crise sanitaire

G. Bois, Une nouvelle servitude -essai sur la mondialisation, de Guibert, p.175, 2003.