, Académie royale de musique du XVIII e siècle pré-gluckien, sont entièrement immobiles, même s'ils occupent, peu ou prou, l'espace scénique. Rappelons à ce sujet ce qu'écrivait en personne Louis de Cahusac, poète favori de Rameau à partir de 1745 (Les Fêtes de Polymmnie), vol.1753

, Les choeurs remplissent le théatre, & forment ainsi un fort agréable coup d'oeil ; mais on les laisse immobiles à leur place : on les entend dire quelquefois que la terre s'écroule sous leurs pas, qu'ils périssent, &c. & pendant ce tems ils demeurent

. Dans-le-morceau-qui-nous-intéresse, Mais il y a plus, nous semble-t-il, et cela fait l'objet de notre seconde remarque : cette huitième scène de l'acte III d'Hippolyte et Aricie met en présence, en un geste d'une puissance poétique rare dans l'opéra de cette période, d'une part, le collectif polyphone, unanime et, au moins virtuellement, animé, de la foule des Trézèniens et des matelots, d'autre part, l'individualité muette, immobile et tragiquement solitaire du héros de la fête, Thésée de retour en ses terres. L'entrée inopinée du héros vient d'interrompre une scène violente et choquante (Hippolyte épée à la main, Phèdre à ses genoux?), les deux protagonistes se sont retirés sans explication (Phèdre) ou avec des propos prêtant à interprétation erronée (Hippolyte appelant l'exil de ses voeux, comme s'il était coupable), interprétation que la suivante OEnone, par l'ambiguïté de ses demi-silences, s'est attachée à rendre plausible. Et c'est avant que d'avoir pu mettre tant soit peu d'ordre dans ses pensées (plus tard, il invoquera la vengeance de Neptune envers son fils Hippolyte), avant d'avoir pu se rassembler luimême, que Thésée doit assister à la réjouissance collective du peuple en son honneur. Ainsi l'articulation scènes d'action/ divertissement, césure caractéristique de la poétique de l'opéra français classique, d'une part, se trouve mise en oeuvre avec une rare pertinence dramatique (le divertissement est lié à l'action) et, d'autre part, surexposée comme elle l'est ici par l'ordonnancement des scènes, acquiert une force tragique dont on aurait peine à trouver ailleurs exemple dans le répertoire de la tragédie en musique. À cet égard encore, il nous semble qu'en retour se trouve à nouveau surlignée la symbolique de l'unanimité dont nous nous sommes attaché à comprendre les ressorts, dans cet exemple exceptionnel, mettant en oeuvre des procédures d'écriture chorale exceptionnelles, dont l'exposition fuguée. Le fait que, après quelques représentations, le choeur « Que ce rivage retentisse » et l'ensemble du divertissement aient été transportés en fin d'acte, après la terrible invocation de Thésée à Neptune, relève -de façon certes anecdotique, car il nous est aujourd'hui loisible de rétablir l, les virtualités chorégraphiques de la musique se trouvent ainsi, par contraste, organiquement soulignées par l'immobilité des chanteurs, et avec elles les procédures symboliques de l'unanimité qu'il nous a semblé pouvoir y reconnaître

, le processus argumentaire des contempteurs de l'opéra français friand de pièces chorales, doive être envisagée dans une perspective complexe articulant plusieurs éléments, laquelle fait des conventions même de la représentation de la tragédie en musique les agents virtuels d'une cohérence poétique susceptible d'en transformer les contingences et, bien loin d'invalider le genre, d'en légitimer au contraire l'ensemble des gestes stylistiques. L'exemple du choeur « Que ce rivage retentisse

, * Voir exemples ci-dessous. Source reproduite : Paris, BNF dépt Musique, vol.2

. Ex, , vol.1, pp.176-178

. Ex, , vol.2, pp.182-183

. Ex, , vol.3, pp.191-193

. Ex, , vol.4, pp.193-194

. Ex, , vol.5, pp.196-197

. Ex, , vol.6, pp.181-182