Le mensonge et l'illusion : entre langue et locuteur
Résumé
« Je suis un menteur ». L’énoncé contradictoire signe une malice, qui joue sur deux répertoires : celui de la logique et celui du langage. Si je suis un menteur, moi l’auteur de cet énoncé, c’est donc que je ne suis pas un menteur. Entre le « je » du moment du sujet et le prédicat que ce sujet vient dire, il existe juste ce qu’il faut de délai pour que le sujet entier et sincère, que le « je » semblait circonscrire efficacement, se distancie de lui-même pour affirmer de lui qu’il ment. Le « je » a changé entre le moment où il est sujet et le moment où, en disant de lui quelque chose, il prend subrepticement mais violemment une posture différente. Pour être plus simple : dès que le « je » devient prédicat, il n’est plus un « je », il est un « il ». Ce tour de passe-passe, ou plus exactement son action et sa description, est d’ordre logique ; mais ses acteurs sont de l’ordre du langage.