, Le biais dans la présentation des faits : fantasme de la frontière

, exemple précédent du bilinguisme galicien / castillan, il s'agit de deux langues que le locuteur de français jugera proches. Il existe des formes mixtes que l'opposition entre galicien et castillan néglige probablement -et une variété des parlers galiciens que les cartes ci-dessus négligent. Le même « conflit

, On cherche souvent à situer « la frontière », à telle ou telle époque 41 . L'idée est un pays = une langue. Voici une carte 42 qu'on trouve sous le titre : « Évolution du glissement vers l'ouest de la frontière linguistique entre 900

, Une carte linguistique présentée comme historique

, que rien ne signale sur la carte. La carte figure par cinq couleurs (et quatre noms) ce qu'on interprètera comme des parlers différents -je vais y revenir. Surtout, la « frontière » suggère fortement que dans les pays riants et en couleur, à gauche, Cette carte porte le risque de nombreuses confusions. Tout d'abord, on ne sait pas bien ce que sépare cette noire frontière : qu'y a-t-il de chaque côté ? Le texte nous apprend l'existence du gallo

, Si j'insiste, ce n'est pas pour nier le rétrécissement progressif des localités où l'on parle breton -rétrécissement qui n'est que trop évident, et qui a donné lieu à des efforts divers de « rebretonnisation », par l'école ou autrement ; c'est parce que de telles cartes ne nous aident pas à comprendre ce qui se passe, avec plus ou moins de simplification, la région où demeurent des locuteurs de breton, et non pas la « région où l'on parle breton

. L'atlas-linguistique-de-basse-bretagne, . De-pierre-le, and . Roux, Notons que tous les locuteurs consultés par Pierre Le Roux au cours de ses enquêtes étaient bilingues, parce qu'il n'était pas possible de faire remplir les questionnaires à des monolingues ; mais cela signifie aussi qu'au temps de ses enquêtes (1911-13 puis après-guerre jusqu'en 1920) Le Roux trouvait des locuteurs bilingues partout. Pour la période plus récente, 1927.

, Galicie, plus précises, nous le montrent mieux, si du moins l'on connaît assez bien la région pour interpréter la carte

, Une raison majeure de la « mort des langues » est le massacre des gens qui les parlent. Les exils et déportations -même l'exil pour trouver du travail -est aussi une dimension dramatique, comme l'ont montré l'exemple de l'Italie 43 et

, On ne cesse d'entendre que les langues rares sont gentilles mais inefficaces, qu'elles sont bien aimables mais dépassées, charmantes mais ridicules. Elles sont vintage. En gros, on nous explique qu'elles ne sont pas adaptées au monde contemporain. A vrai dire, on voit en France les parents d'élèves, effrayés par le destin de leurs enfants, La raison principale de « la mort des langues » est la pression qu'on effectue sur les vivants pour qu'ils n'enseignent pas à leurs enfants leur langue première

, ou une variété sarde et l'italien, ou un parler souabe et l'allemand, on constate que la langue première continue de reculer 45 . Pourquoi ? Parce que, le plus souvent les parlers ruraux d'Europe ne correspondent plus à la façon moderne de vivre. Que peut-on dire par là ? Comme il s'agit de langues, il s'agit surtout de « socialités ». Le breton se parlait parce qu'il était le foyer d'une culture particulière, liée à des pratiques de métiers, de loisirs, ou de vie commune, et à des sociétés en conséquence

, et il est clair que si les métiers locaux se mettent à interdire la langue locale, on se demande où elle peut dignement se réfugier -de façon durable

, parlent comme à la ville parce que, en réalité, leur mode de vie est urbain. Ils essaient parfois d'apprendre la langue locale, comme le montre l'étude de Christiane Dunoyer pour le Val d'Aoste 46 . Mais leur sentiment premier d'avoir un nouveau jouet devient plus distant quand ils découvrent qu'il s'agit d'une vraie langue, et d'une langue différente qui leur faciliterait à coup sûr l'accès à un monde rural que, la plupart du temps, ils n'ont pas envie de vivre. Voici un extrait de la conclusion de l'étude : Notre intention n, Les néo-ruraux, qui aiment les machines modernes et veulent bien habiter la campagne à condition de bénéficier d'une « liaison haut-débit » (les municipalités essaient d'y pourvoir)

, Au début de cet exode (d'abord les hommes en bonne santé), les destinations furent les pays voisins, et la France en particulier ; à la fin du siècle, l'exode outre-atlantique s'est développé. Dès que les hommes avaient trouvé du travail, ils faisaient venir leur famille, Entre 1875 et 1914, devant la misère, plus de 25.000.000 d'Italiens durent quitter le pays pour chercher du travail, p.2011, 1970.

, Malgré les tentatives des ministres successifs de l'Education nationale pour tenter de préserver une riche gamme de langues dans l'enseignement public secondaire, l'enseignement de la « première langue vivante » en classe de 6 e est aujourd'hui à plus de 90 % dévolu à l'anglais

T. Voir-l'exemple-détaillé-que-donne and . Paciaroni, Dialecte et italien standard à Macerata, Du côté du locuteur, 2015.

C. Dunoyer, Les Nouveaux Patoisants en Vallée d'Aoste'. Région Autonome de la Vallée d'Aoste, Assessorat de l'Education et de la Culture

. Sonner-le-glas-de-cette-langue-vieille-de-siècles, tout en la considérant massivement comme le symbole le plus parlant de la tradition valdôtaine, et que les locuteurs francoprovençaux avouent leur impuissance face à l'avancée des grandes langues de communication. Malgré ce recul indéniable, une étude anthropologique prudente recouvre tout son sens face à un

, Conclusion : de quoi meurent les langues ?

, Il y a d'abord le cas dramatique, mais toujours réel, des langues qui disparaissent avec les populations qu'on extermine. Ici, le linguiste laisse le pas à l'homme pour une protestation véhémente

, Soit en masse par la misère, soit par unités quand il faut trouver des ressources -mais les unités peuvent devenir très nombreuses. Cette fois, souhaitons qu'il y ait moins de morts

. Dans-le-«-nouveau-monde, le plus souvent dans la banlieue des villes où l'habitat est moins cher, l'immigré n'oubliera pas sa langue. Mais la vraie question, c'est la transmission aux enfants

, où un bilinguisme entre un parler régional et une langue nationale, né au siècle précédent, recule et disparaît au profit d'une seule langue, « la plus grande ». En réalité c'est la langue qui permet de continuer de comprendre quand on change d'endroit. Cet écrasement par le haut de la superposition des langues, dans un plurilinguisme stratifié qui a été longtemps vivant, C'est aussi la question centrale dans tous ces cas, très nombreux depuis le XX e siècle

. Au-xxie-siècle, quand elle n'est pas vendue avec les apparences d'une liberté sous l'adjectif « nomade », n'est le plus souvent qu'une contrainte liée au travail. Cette nouvelle forme de la migration laborieuse présente les parlers locaux comme sympathiques, mais retardataires : soit comme nostalgie rétro

. Vincennes, , vol.18, 2018.

, Le terme avait été créé par William Marçais dans sa description de l'arabe en 1930. La diglossie est une stratification tronquée : il s'agit de la superposition d'une langue parlée locale et d'une langue normée écrite. La langue parlée est transmise par la famille ou le milieu social, tandis que la norme écrite n'est pas une langue parlée courante, et reste le plus souvent écrite -l'enjeu étant que la langue « supérieure » est un outil d'élévation sociale (qui a d'ailleurs un sens différent dans les Etats-Unis de Ferguson et dans les populations arabophones dont parle Marçais). La diglossie n'est distincte du bilinguisme que si la « variété haute, Les collègues linguistes seront peut-être surpris qu'à aucun moment je n'aie employé le terme de « diglossie », défini par Charles Ferguson en 1959 dans un article devenu célèbre à un moment où la linguistique conquérait une renommée considérable dans les sciences sociales

, et il n'a pas nécessairement les implications de « variété haute / variété basse » qui hantent les sociologues américains plus européens qui ont souvent le souci de la fracture sociale. Les langues rares disparaissent non pas parce qu'elles sont un dialecte dévalué ou socialement mal noté, mais parce qu'elles sont liées à des cultures locales dont les pratiques ont disparu, et écrasées par le poids de langues de plus grande diffusion qui se présentent comme modernes et efficaces. Ce n'est en général nullement la langue qui est en question, ni la « manière de parler » qui serait considérée comme vulgaire ou basse. La « stratification » dont je parle est une superposition où, Ce que je décris ci-dessus (et ailleurs) sous le nom de « mode stratifié » est un bi-ou pluri-linguisme

J. , simplement parce que ce dernier, dont je ne nie pas l'utilité dans certains cas, me paraît réducteur, ou peu adapté. Les langues dont je parle ne sont pas entachées par une « évaluation » positive ou négative, ni au « regard social » générateur de vanité ou de honte. Hormis les cas de massacres des populations, ou d'exils, la disparition des langues rares est due à la combinaison de (1) la disparition du mode de vie dont elles permettaient l'expression de façon exemplaire