, Et que le Ciel sanglant nos cris funebres oye. Les obseques faisons de Troye, et que les bois D'Ide malencontreuse entendent nostre voix 41, Pourquoy cessent vos pleurs, et pourquoy cessez-vous D'ouvrir vostre poitrine et la plomber de coups ? Pleurons nostre Ilion, ô filles, pleurons Troye

R. Garnier, .. Porcie, and . Ternaux, , p.116, 1945.

. Ibid, , p.117, 1965.

. Ibid, , p.118, 1993.

V. Sénèque, L. Troyennes, É. F. Dans-tragédies, O. .-r.-chaumartin, and P. Sers, Certaines expressions sont directement traduites, par exemple, concernant les vers cités, « c'est assez pour luy » traduit « satis Hector habet, Les Belles Lettres, vol.130, p.478, 2013.

R. Garnier, L. Troade, and O. , , p.389

V. Dupuis, L. Tragique, and . Le-féminin, Essai sur la poétique française de la tragédie, pp.99-120, 2015.

G. Jondorf, Robert Garnier and the Themes of Political Tragedy in the Sixteenth Century, pp.144-145, 1969.

, Si le dénouement est ainsi « ensanglanté 55 », il augmente le nombre de personnages touchés par le renversement sur la scène. Le « choeur de filles » qui entre en scène à l'acte V s'exclame alors : Choeur. Jamais pauvre Cité Ne trouveras-tu fin à ta calamité 56 ? §35 La même analyse est possible pour Cornélie : Cicéron augmente d'emblée la portée du renversement en regrettant la « civile fureur » qui ravage Rome 57 . Plus tard, lorsque Cornélie se lamente auprès de lui de la mort de Pompée, le philosophe lui indique que « le desastre est commun », et précise : « Il n'est presque celuy qui de son parentage / Ne lamente quelqu'un en ce publique orage 58 ». Le choeur semble alors se souvenir des propos de celui de Porcie : Choeur. Jamais y eut-il ville où la calamité Fit si cruel sejour qu'ore en cette cité 59 ? §36 Dans ces pièces, si le choeur de femmes se lamente, ce n'est donc pas seulement pour le sort d'un autre, On peut citer à ce sujet ces mots de Jean Emelina : « Ce qui meurt d'abord chez Garnier et qui va fournir d'acte en acte matière à d'amples déplorations lyriques, c'est un pays, c'est un peuple, p.322, 1983.

L. Dans-la-troade, ce phénomène est peut-être encore amplifié, comme l'expriment les Juifves lorsqu'elles se lamentent de la mort de l'époux d'Amital : 54 R. Garnier, Porcie, op. cit, Juifves, vol.60, p.58

. Ibid and . Argument, , p.43

. Ibid, , p.112

R. Garnier and . Cornélie, Voir aussi l'acte III, où Cicéron fait de la « cité » la victime du renversement de fortune, ibid, vol.49, pp.82-85

. Ibid, , p.63

. Ibid, , p.136

, Elle montre que ces deux tragédies étaient caractérisées par une importance plus grande donnée au collectif ainsi que par une « thématisation de la plainte, Théâtre et musique : dramaturgie de l'insertion musicale dans le théâtre français, pp.199-212, 2002.

, Me vienne voir chetive, ô Troye ! et vienne voir En cendres la grandeur que tu soulois avoir : Nous vienne voir, ô Troye ! ô Troye ! et qu'il contemple L'instable changement du monde, à nostre exemple 63 . §38 Le passage du « je » au « nous » témoigne de l'implication du choeur, qui évoque lui-même « [ses] longues calamitez 64, Choeur. Las sa mort fut la nostre, et depuis, les miseres, Renaissant coup sur coup, nous furent ordinaires

. §39-le and . Fortune, §40 Dès lors, nous pouvons envisager à nouveau le cas de La Troade, qui se distingue par l'absence de communauté des pleurs au moment du dénouement. Dans cette pièce, le choeur de femmes est déterminant dans le déroulement de l'intrigue. C'est lui qui ramène à Hécube le corps de Polyxène, à l'acte IV, et qui, en le lavant dans la mer, découvre le cadavre de son frère Polydore. Mieux encore, le choeur aide Hécube à se venger de Polymestor, et les femmes paraissent moins agir sous les ordres d'Hécube qu'en accord avec elle 66 . Là où bien des personnages secondaires auraient tenté de détourner la reine de la vengeance, La collectivité du « desastre » est un élément essentiel de l'interprétation du spectacle tragique de Garnier : les choeurs de pleureuses témoignent alors de l'élargissement du malheur en temps de guerres civiles, p.65

R. Garnier and L. Juives, Sur le rôle structurant du choeur dans la pièce, on consultera Trevor Peach, More on Les Juifves : the function of the chorus, vol.294, p.4, 1998.

R. Garnier, L. Troade, and O. , Garnier suit ici Sénèque, p.385

. Ibid, , p.439, 1197.

. Ibid, , p.440

, Voir notamment ibid, pp.499-501

L. Choeur, . Tyran, and . Ici, Nous pourrons feintement l'attirer en nos tentes Sous espoir de proffit : nous vous serons aidantes 67 . §41 Durant la réalisation du crime, le choeur se divise : une partie aide Hécube et l'autre, peut-être un coryphée, commente l'action. Ainsi, lorsqu'Hécube rapporte la vengeance, elle n'utilise pas le singulier mais le pluriel : Ce sont là de nos faitcs, ce sont de nos proüesses, Ce sont marques de nous et de nostre vertu : Nous avons de tels jeux Polydore esbatu 68 . §42 Polymestor lui-même reconnaît le rôle des femmes : Hecube ceste vieille, et le troupeau captif Des filles d'Ilion, m'ont ainsi fait chetif 69 . §43 Il évoque plus loin les « Troades captives » qui l'ont reçu dans la tente 70 : c'est bien au moment de la réalisation du crime que le titre prend son sens, que le collectif de femmes accomplit peut-être « la troade », son propre exploit épique. Or, au-delà des commentaires misogynes de Polymestor 71, car sçachant la nouvelle De nostre sac Troyen, est venu l'infidelle Aux obseques de Troye, à fin de butiner Et d'offrir son secours pour nous exterminer

. Ibid, , pp.486-487

. Ibid, , p.496, 2488.

. Ibid, , p.498

. Ibid, , p.500, 2572.

». «-o-l'execrable-sexe and I. , , p.495

. Ibid, Hécube détourne ici la topique auprès de Polymestor, et, en ajoutant l'idée des gémissements, forme la moins aboutie du deuil 74 , Garnier détourne le procédé qu'il a employé jusqu'ici : pour une fois, la tragédie ne s'achèvera précisément pas avec les lamentations des pleureuses. L'ironie d'Hécube résonne donc tout singulièrement si l'on songe à l'ensemble des pièces de Garnier. Enfin, la reine reste sur scène pour se lamenter et pour s'indigner une dernière fois : Hec. Et vous, Dieux, le sçavez et vous n'en faites cas ! Et vous, Dieux, le voyez, et ne nous vengez pas ! Ce seul Roy, le loyer de ses cruautez porte, Ce qui fait toutefois que je me reconforte, Et m'allaitte d'espoir, que quelques-uns encor Pourront estre punis comme Polymestor 75 . §45 La tragédie s'achève sur un futur : « plus qu'un avertissement aux Achéens, il pourrait s'agir d'une nouvelle et sévère Remonstrance au peuple de France » 76 , pour Jean-Dominique Beaudin, §44 Chez Euripide, c'est Polymestor qui demande à Hécube si les tentes sont « vides de mâles » ; ce n'est donc pas elle qui utilise le lieu commun à ses fins mais lui qui sous-estime la force féminine 73, p.494, 2436.

. Voir-euripide, .. L. Hécube, N. Méridier-revue-par, F. Loraux, and P. Rey, Chez Bochetel, qui traduit Euripide en 1550, la réponse d'Hécube est également moins nette : « Polymnestor. Est ce lieu asseuré ? n'y a il aucuns hommes ? / Hecuba. Nul des Grecs, entre nous y sommes seulement ». La reine ne ment pas, mais utilise la confiance de Polymestor dans le lieu commun : pour lui, s'il n'y a « aucuns hommes, Euripide nommée Hecuba, p.61, 1550.

N. Voir and . Loraux, La voix endeuillée. Essai sur la tragédie grecque, p.90, 1999.

. Ibid, Comme l'a montré Marie-Madeleine Mouflard, l'acte V de la Troade est inspiré des Troyennes d'Euripide, mais la plainte finale d'Hécube remplace la malédiction de Polymestor. Cette plainte reprend un thème des Troyennes qu'Hécube développait plus tôt, celui de l'opposition du bonheur passé au malheur présent, mais elle ne présente pas de considération équivalente d'après nos recherches. Voir Euripide, Les Troyennes, pp.48-49

R. Garnier, L. Troade, and O. , note sur les vers 2663-2666, p.219

, Voir les analyses de Nicole Loraux qui évoque le passage « de la douleur à la colère » de certaines