, Ce point mériterait de plus amples développements à une époque où il semble qu'il n'y ait plus d'extériorité à la digitalisation de la vie, y compris militante. Les possibilités d'échapper à ce phénomène ne sont pour l'instant pas clairement perceptibles, en tout cas en Russie. Pour conclure, je dirais que la pratique et la compagnie des images ne donnent pas simplement au chercheur à voir et à penser des aspects précieux des activités étudiées et sa relation avec les enquêtés. Elles assurent une sorte de « va-et-vient » permanent entre milieu et observateur, travail de terrain et analyse, à l'aide de formes d'immersion et de prise de distance autres que le déplacement physique d'entrée et de sortie du terrain. Les images rendent possible un voyage expérientiel qui réveille certaines potentialités de mémoire et d'imagination et encourage un retour réflexif sur les expériences. Comprendre finement les réalités et les personnes qu'il étudie implique pour le chercheur de dénaturaliser les formes établies de sa propre expérience, pour saisir les actes de la constitution de celle-ci et celle des autres, au cours des activités pratiques. La caméra s'est révélée une formidable école d'observation et d'expérimentation, de rigueur empirique et de modestie. Dans ma recherche, la lecture répétée des images dans des mondes sociaux et des pays différents ont nourri la réflexivité. Dans des réalités peu familières et peu étudiées par l'ethnographie comme celle de la Russie contemporaine, tous les moyens sont bons pour accumuler de l'expérience et du sens. Les liens avec le réel entretenus par les images constituent plusieurs garde-fous qui évitent la projection abusive du point de vue du chercheur tout comme l'adhésion directe à celui des personnes enquêtées, la réception des images qui sont produites par un petit nombre de militants via Internet s'accompagne souvent d'une sorte de fascination de l'image pour l'image, vol.16, 2011.

D. Cardon, L'enquête ethnographique comme écriture, l'écriture ethnographique comme enquête. Écrire en sciences sociales, Vertus démocratiques de l'Internet ». La Vie des idées, 1902.

F. Erickson, Ethnographic microanalysis of interaction. The Handbook of Qualitative Research in Education, pp.201-225, 1992.

B. Ganne, La sociologie au risque du film : une autre façon de chercher, une autre façon de documenter, AldineTransaction. Goffman, Erving. 1974. Les rites d'interaction, 1967.

E. Goffman, Comment se conduire dans les lieux publics. Notes sur l'organisation sociale des rassemblements. Céfaï, Daniel, trad. Paris: Economica. Goldman-Segall, Gottdiener. 1979. Field Research and Video Tape, vol.4, pp.59-66, 1963.

C. Heath, J. Hindmarsh, and P. Luff, Video in Qualitative Research, 2010.

C. Lallier, Une catégorie de l'enquête ethnographique, L'Homme, vol.198, issue.2, pp.105-130, 2011.

H. Lomax and N. Casey, Recording Social Life: Reflexivity and Video Methodology, Sociological Research Online, vol.3, issue.2, 1998.

S. Pink, . Pink, L. Sarah, K. Mackley, and R. Moro?anu, Doing Visual Ethnography : Images, Media and Representation in Research, Researching in Atmospheres: Video and the 'Feel' of the Mundane, vol.14, pp.351-369, 2001.

J. Postill, Digital Politics and Political engagement, Digital Anthropology, 2012.

, Quand les manifestants s'emparent de la vidéo à Moscou: communiquer ou faire participer, Participations, vol.7, pp.73-96, 2013.

M. Relieu, Du tableau statistique à l'image audiovisuelle. Lieux et pratiques de la représentation en sciences sociales, Réseaux, vol.17, issue.94, pp.49-86, 1999.

A. Schütz, Site web An Interview With Frederick Wiseman, pp.1947-51, 1970.