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Article dans une revue Actualité juridique Contrat Année : 2020

Les leçons de la CJUE sur les clauses d'indexation des prêts hypothécaires : exigence de transparence et office du juge lors du constat du caractère abusif

Véronique Legrand

Résumé


Sommaire :
Le système de protection mis en place par la directive n° 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs repose sur le postulat qu'un consommateur est dans une situation d'infériorité par rapport au professionnel quant à son niveau d'information et son pouvoir de négociation. Dès lors, l'objectif du législateur européen est de rétablir au moins un équilibre contractuel en éradiquant du contrat les clauses qui créent au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat (Dir. n° 93/13/CEE, art. 6 § 1). Toutefois, la directive concernant les clauses abusives a précisé son champ d'application. Ainsi, son article 1er § 2 exclut les clauses qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives. En outre, l'article 4 § 2 prévoit que l'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation entre le prix et la rémunération et le bien ou le service fourni en contrepartie, à condition que ces clauses soient rédigées de manière claire et compréhensible.

À cet égard, le tribunal de première instance de Barcelone, saisi d'un litige opposant un emprunteur à un établissement de crédit local à propos du caractère prétendument abusif d'une clause d'indexation d'un contrat de prêt hypothécaire, a posé trois questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui tendent à préciser la portée de l'exception prévue à l'article 1er, § 2, l'étendue et le contenu du contrôle de la transparence de la clause litigieuse, et les conséquences de la constatation du caractère abusif de ladite clause.

Or, selon la CJUE :


Texte intégral :
« L'article 1er, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que relève du champ d'application de cette directive la clause d'un contrat de prêt hypothécaire conclu entre un consommateur et un professionnel, qui prévoit que le taux d'intérêt applicable au prêt est fondé sur l'un des indices de référence officiels prévus par la réglementation nationale susceptibles d'être appliqués par les établissements de crédit aux prêts hypothécaires, lorsque cette réglementation ne prévoit ni l'application impérative de cet indice indépendamment du choix de ces parties, ni son application supplétive en l'absence d'un arrangement différent entre ces mêmes parties.

La directive 93/13, et notamment son article 4, paragraphe 2, et son article 8, doit être interprétée en ce sens qu'une juridiction d'un État membre est tenue de contrôler le caractère clair et compréhensible d'une clause contractuelle portant sur l'objet principal du contrat, et ce indépendamment d'une transposition de l'article 4, paragraphe 2, de cette directive dans l'ordre juridique de cet État membre.

La directive 93/13, et notamment son article 4, paragraphe 2, et son article 5, doit être interprétée en ce sens que, aux fins de respecter l'exigence de transparence d'une clause contractuelle fixant un taux d'intérêt variable, dans le cadre d'un contrat de prêt hypothécaire, cette clause doit non seulement être intelligible sur les plans formel et grammatical, mais également permettre qu'un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, soit mis en mesure de comprendre le fonctionnement concret du mode de calcul de ce taux et d'évaluer ainsi, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques, potentiellement significatives, d'une telle clause sur ses obligations financières. Constituent des éléments particulièrement pertinents aux fins de l'appréciation que le juge national doit effectuer à cet égard, d'une part, la circonstance que les éléments principaux relatifs au calcul de ce taux sont aisément accessibles à toute personne envisageant de contracter un prêt hypothécaire, en raison de la publication du mode de calcul dudit taux ainsi que, d'autre part, la fourniture d'informations sur l'évolution passée de l'indice sur la base duquel est calculé ce même taux.

L'article 6, paragraphe 1, et l'article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à ce que, en cas de nullité d'une clause contractuelle abusive fixant un indice de référence pour le calcul des intérêts variables d'un prêt, le juge national substitue à cet indice un indice légal, applicable en l'absence d'accord contraire des parties au contrat, pour autant que le contrat de prêt hypothécaire concerné ne puisse subsister en cas de suppression de ladite clause abusive, et que l'annulation de ce contrat dans son ensemble exposerait le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables ».

Demandeur : Marc Gomez del Moral
Défendeur : Bankia SA.
Texte(s) appliqué(s) :
Directive n° 93/13/CEE du 05-04-1993 - art. 1 - art. 4 - art. 6 - art. 7 - art. 8

À retenir :
Une clause qui reflète une disposition qui s'impose obligatoirement ou par défaut aux parties ne peut pas être soumise au contrôle des clauses abusives. Tel n'est pas le cas d'une clause d'indexation qui utilise un indice officiel non imposé par le législateur national. S'agissant de la France, la portée de ce principe est moindre puisque le législateur de 2005 n'a pas introduit cette exception au contrôle des clauses abusives.

Parallèlement, les juridictions de tout État membre sont tenues de vérifier qu'une clause contractuelle portant sur l'objet principal du contrat est claire et compréhensible, indépendamment du fait de savoir si l'État concerné a transposé l'article 4 § 2 de la directive du 25 avril 1993 sur les clauses abusives qui exclut que l'appréciation du caractère abusif d'une clause puisse porter sur la définition de l'objet principal du contrat si cette clause est claire et compréhensible.

Enfin, la CJUE rappelle que l'exception à la suppression pure et simple de la clause jugée abusive est uniquement permise lorsque le contrat ne peut pas subsister sans cette clause et que les conséquences de cette annulation sont préjudiciables au consommateur. Dans ce cas, en effet, le juge pourra substituer à la clause litigieuse une disposition supplétive de son droit interne.

Domaines

Droit
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Dates et versions

halshs-02594869, version 1 (15-05-2020)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-02594869 , version 1

Citer

Véronique Legrand. Les leçons de la CJUE sur les clauses d'indexation des prêts hypothécaires : exigence de transparence et office du juge lors du constat du caractère abusif : décision rendue par Cour de justice de l'Union européenne du 03-03-2020 n° C-125/18. Actualité juridique Contrat, 2020, 05, pp.242. ⟨halshs-02594869⟩
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Dernière date de mise à jour le 07/04/2024
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