, « Arthur n'est jamais un roi souverain, un véritable roi ; il est toujours le symbole d'un État féodal représenté comme un garant d'un ordre humain parfait et proposé comme tel », écrit Kölher 23 . Jean Flori, quant à lui, voit avant tout dans les romans de Chrétien de Troyes « un hymne à la chevalerie aristocratique dont ils contribuent à forger l'éthique en portant l'attention sur la femme et sur l'amour qu'elle inspire, source de dépassement de soi » 24 . De fait, le fin'amor 25 conçu par Guillaume IX d'Aquitaine et largement diffusé par sa petite-fille Aliénor constitue l'une des valeurs essentielles dont la littérature arthurienne s'est emparée pour mieux affirmer le caractère éminemment élitiste d'une chevalerie toujours en quête de gloire. En effet, il s'agit une fois encore de réaliser une prouesse de nature à faire rejaillir le mérite de celui qui l'accomplit. Mais ici le guerrier intrépide ne doit pas enlever une forteresse ou occire un redoutable ennemi, mais conquérir une dame de haut rang. La mission n'en est pas moins tout aussi difficile car la belle est d'autant plus inaccessible qu'elle est mariée avec un puissant personnage, parfois le propre seigneur du chevalier 26 . Car l'être aimé et son amant, en dépit de leurs différences sociales, appartiennent au même monde : celui de l'aristocratie. Un tel sentiment ne saurait en revanche être éprouvé vis-à-vis d'une femme émanant de la bourgeoisie fut-elle particulièrement aisée ni a fortiori pour une bergère en compagnie de laquelle un chevalier peut, Par ailleurs, si le Capétien gouverne à grand conseil, il ne saurait être un primus inter pares à l'image d'Arthur. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le roman courtois est très apprécié par les maisons princières de Blois, de Champagne et de Flandre en conflit avec une monarchie française qui le goûte en revanche fort peu

. Empreint-de-délicatesse and . De-retenue, est cependant pas d'ordre platonique mais vise l'union charnelle. Le véritable amour n'existe pas dans le mariage perçu comme une contrainte sociale. « L'amour courtois oppose une fidélité indépendante du mariage légal et fondée sur le seul amour. Il en vient même à déclarer que l'amour et le mariage ne sont pas compatibles », observe Denis de Rougemont 27, p.26

C. Chevaliers and . Au-moyen-Âge, Voir également sur l'éthique chevaleresque chez Chrétien de Troyes : J. Flori, « La notion de chevalerie dans les romans de Chrétien de Troyes, Romania, t, vol.114, pp.289-315, 1996.

, « Pour désigner l'art d'aimer qu'ils mirent à la mode, les troubadours usaient d'expressions comme verai amors, bon'amors et surtout fin'amors, Rappelons que les termes « amour courtois » étaient à peu près ignorés au Moyen Âge, p.4, 1973.

, qu'il supplanta dès la seconde moitié du XII e siècle avec une étonnante rapidité ? En ceci qu'il donne à la femme le rôle qui revenait précédemment au suzerain. Le chevalier breton, tout comme le troubadour méridional, se reconnaît le vassal d'une Dame élue. Mais en fait, il demeure le vassal d'un seigneur. D'où naîtront des conflits de droit, Bibliothèques, vol.10, p.34, 1972.

, Les amants s'accordent toute chose réciproquement et gratuitement, sans aucune obligation de nécessité, tandis que apparaît dès la seconde moitié du XII e siècle dans l'oeuvre de Chrétien de Troyes mais également dans le De Amore d'André le Chapelain ou encore les lais de Marie de France 28 , conduit à l'adultère et encourt en cela les foudres de l'Église et du droit canon. Partant, cette forme d'éthique chevaleresque opère une rupture avec la morale chrétienne qui la sous-tendait jusqu'alors. Dans une certaine mesure, la civilisation courtoise participe aussi à l'émergence d'un esprit laïc. * * * Forgé lentement, l'idéal chevaleresque se présente d'abord comme la promotion d'une militia dont l'Église souhaite canaliser la violence intrinsèque au service du bien. Cette élite militaire se trouve par ailleurs enserrée dans une dépendance honorable sous la forme du vasselage. Aussi les chansons de geste mettent-elles en exergue le caractère héroïque de guerriers prêts à tout sacrifier pour servir Dieu et plus encore leur seigneur, ce que la réalité sociale et juridique traduit très imparfaitement. Quant au roman courtois, il reflète l'idéologie profondément conservatrice d'une caste menacée par l'évolution d'un pouvoir royal et d'une société en profonde mutation. Dès lors, la littérature médiévale renvoie une image flatteuse d'une chevalerie onirique dont l'éthique ne peut être véritablement ni définie ni sanctionnée par le droit. Mais qui s'en plaindra ? Didier Veillon Maitre de conférences à l'Université de Poitiers les époux sont tenus par devoir à toutes les volontés l'un de l'autre. Que ce jugement que nous prononçons avec une extrême maturité, après avoir ouï plusieurs nobles dames, Par la teneur des présentes, nous disons et soutenons que l'amour ne peut étendre ses droits entre mari et femme, p.357

J. Flori, . Mariage, and F. Dans-les-lais-de-marie-de, Bien Dire et Bien Apprendre, vol.8, pp.17-34, 1990.