C. De-son and L. Juge, Si le tribunal veut condamner, ce n'est pas votre texte qui l'en empêchera ; il lui suffira de déclarer que d'après les circonstances de la cause, l'état de nécessité n'est pas suffisamment justifié » 35 . Quant à la décision du tribunal de Château-Thierry, il s'agit d' « une manifestation politico-socialiste qui n'a rien de commun avec la justice » 36 . Certes, en l'espèce, Jolly pense que la relaxe de la mère de famille s'imposait ; il n'en critique pas moins les attendus de ce jugement « qui stigmatisent notre organisation sociale et condamnent sévèrement, sans circonstances atténuantes, la société » 37 ! Pis, si l'article 64 visait expressément l'état de nécessité, une telle disposition ne manquerait pas d'apparaître comme « un encouragement au vol pour toute une catégorie de gens que l'on appelle précisément les nécessiteux ! ». « Ces individus, hélas ! trop nombreux, ajoute le magistrat, il faut les assister et les secourir quand ils le méritent? ; mais est-il bien nécessaire de leur dire qu'ils peuvent voler des aliments s'ils ont faim, ou des vêtements s'ils n'en ont pas ? » 38 . Larnaude, professeur à la Faculté de droit Paris, une telle modification « n'ajoutera rien et ne retranchera rien au pouvoir d'appréciation des tribunaux, pouvoir qu'il faut maintenir intact

, Henri Robert s'y rallie affirmant : « le texte le plus simple et le plus bref me semble le meilleur » 39 ; « plus un texte est concis, mieux il vaut », déclare pour sa part Maurice, président du tribunal de Tours 40 . Le Poitevin, professeur de droit à la Faculté de Paris, est également « persuadé qu'il faut ajouter quelque chose à l'art. 64 » 41 . Il rappelle par ailleurs qu'une simple circulaire ministérielle invitant le parquet à ne pas poursuivre ne saurait suffire. Fin connaisseur de la procédure pénale, Le Poitevin observe que la partie lésée peut également mettre elle-même en mouvement l'action, La plupart se rangent à la thèse de Garçon désirant introduire dans le Code pénal une formulation générale sur l'état de nécessité. L'avocat

. Ibid,

J. Un-autre-universitaire and . Cauvière, Ce professeur de droit à l'Institut catholique de Paris déclare en outre : « Les théologiens, saint Thomas en particulier, estiment que l'homme qui meurt de faim, s'il saisit une miche de pain chez un boulanger, n'est pas simplement innocenté par l'abolition du libre arbitre : il agit dans la plénitude de son droit, il fait ce qu'il est absolument maître de faire. La raison en est que, dans le cas d'extrême détresse, la propriété cesse d'être individuelle pour devenir commune » 43 . Fort de ce raisonnement, Cauvière ne craint pas d'ajouter : « L'homme affamé qui appréhende le modique objet de sa convoitise peut prétendre à l'impunité, car il n'a violé aucun droit, est « ambigu et équivoque, ou, pour mieux dire, incomplet » 42

«. Juridiquement, de prêcher et de recommander la charité, le sacrifice. Que chacun reste dans son domaine, p.45

C. Attaqué and . Rétorque,

, Ainsi Mourral, vice-président du tribunal de Dijon, la considère trop générale et partant dangereuse. Et d'expliquer que les magistrats sont surtout des civilistes « habitués à ne juger que des abstractions juridiques ». À l'inverse, ils négligent trop souvent « le côté subjectif » propre à la matière criminelle 48 . Dès lors, si la reconnaissance de l'état de nécessité apparaît seulement comme une faculté, ils n'en useront pas, Cette formulation laconique est assez proche de celle proposée par Garçon : « il n'y a ni crime ni délit lorsque l'auteur du fait n'a agi que sous l'empire de la nécessité

. Mais, il ne craint pas que les juges n'en fassent pas usage mais plutôt que certains s'en servent à des fins politiques, du moins dans l'avenir. Et Roux de s'interroger sur les idées des magistrats de demain. « Savez-vous, lancent-ils à ses confrères, s'ils seront aussi réservés, aussi prudents

, Notons par ailleurs que Jules Cauvière publiera en 1907 une brochure intitulée Le bon juge. Étude de moeurs contemporaines, p.76

. Ibid,