P. C'est-là-que, Ricoeur introduit l'utopie : l'utopie de la communication chez J. Habermas fonctionnerait comme une représentation permettant d'éviter la rationalité instrumentale dont le sens est absent. En d'autres termes, la critique de l'idéologie est bâtie sur l'utopie d

. P. L'utopie-vient-donc-offrir-le-cadre-du-jugement-de-l'idéologie, Ce sont le conflit et le croisement de l'idéologie et de l'utopie qui donnent à chacune d'entre elles tout son sens » 42 . Dans les deux cas, il se réfère à K. Mannheim, qui souligne qu'idéologie et utopie ont en commun d'être en désaccord avec la réalité mais que là où l'idéologie défend l'ordre établi, l'utopie le conteste. Ce serait donc toujours au nom d'une utopie qu'il est possible de critiquer une idéologie. L'utopie permet ainsi de révéler ce qui semble aller de soi comme critiquable. C'est parce qu'elle énonce quelque chose d'étrange qui peut d'ailleurs apparaître fantaisiste qu'elle permet de douter de la représentation figée par l'idéologie. K. Mannheim combat ainsi ceux qui se réjouissent de la fin des utopies

, Il est donc tout aussi difficile d'échapper à l'idéologie qu'à l'utopie qui mettent toutes deux en avant l'importance de l'imagination comme étant son pouvoir pathologique d'où le double mouvement « idéologie -utopie » où les représentations idéologiques permettent de juger des pathologiques de l'utopie et les positions de l'utopie permettent de réduire les rigidités de l'idéologie, mais aussi de donner un autre contenu à l'image et à la métaphore. Rappelons aussi, en référence à l'autre ouvrage de P, Ricoeur, vol.43

P. Ricoeur, Comme le souligne E. Chiapello 44 , « l'idéologie dans sa fonction d'intégration du groupe donne un sens à l'organisation sociale et politique d'une société donnée, à l'ordre social. C'est dire aussi que la place privilégiée de la pensée idéologique se situe dans l'ordre du politique (sur ce point, Paul Ricoeur rejoint la définition de Jean Baechler ou de Lénine), est en quête d'une manière d'unifier les perspectives de politisation et de « sociologisation » du concept d'idéologie

, il faut le penser en termes d'organisation. La fonction d'intégration institue cet ordre-là

P. Ricoeur, , 2005.

P. Ricoeur, La métaphore vive, 1975.

E. Chiapello,

, Politisation et « sociologisation » des concepts d'utopie et d'idéologie viennent donc construire une oscillation dont il est difficile de sortir. L'utopie et l'idéologie ne peuvent être à la fois un masque à critiquer radicalement et une logique d'efficacité crédible. Si l'on considère l'utopie et l'idéologie comme des processus (c'est-à-dire un ensemble d'idées « faits » et d'idées « propositions » venant « faire système ») et compte tenu des catégories mises en évidence ci-dessus, il semble possible d'ajouter une troisième perspective, celle de la justification mimétique. Celle-ci s'applique particulièrement bien à la masse, Avec la légitimation, on va pointer les raisons qui forcent les croyances et avec la légitimité, on va venir pointer les raisons qui fondent le droit, les règles, l'autorité

, Girard étant sorti ici de sa perspective de compréhension du monde judéo-chrétien. « Il n'y a rien ou presque, dans les comportements humains, qui ne soit appris, et tout apprentissage se ramène à l'imitation. Si les hommes tout à coup cessaient d'imiter, toutes les formes culturelles s'évanouiraient » 47 écrit-il. Mais en même temps, l'imitation est réprimée volontairement, principalement pour éviter la violence liée au désir d'un objet convoité par un autre. L'imitation est donc à la fois ciment et menace pour la cohésion sociale, d'où le fait de la canaliser par le rite (reproduction d'un conflit passé pour le vider de toute violence) et l'interdit (des éléments donnant lieu au désir mimétique introduisant une rivalité), vol.46

G. Tarde, Les lois de l'imitation, Kimé, collection « Vues critiques, p.1890, 1993.

R. Girard, Des choses cachées depuis la fondation du monde, Grasset, 1978.

R. Girard and O. , , p.15