, Nous comprenons ainsi mieux l'habitude constante de Sieyès de refuser les places qu'on lui propose, ou, en cas de contrainte absolue, d'assurer ses fonctions autres que celles de législateur avec le plus de discrétion possible, en usant aussi du motif de sa faible constitution physique, et de ses maladies chroniques. Ne confiera-t-il pas à son ami allemand Humboldt, son aversion pour toute politique pendant le Directoire dans la mesure où « cela ne servait à rien, que chacun suivait sa passion, et non sa raison » 60 ! Au « parlage oblique » (encore un néologisme?) de « la société mondaine », qui relève d'un « jeu assez piquant quoique de mauvaise foi », Sieyès oppose donc son « amour du vrai » source d'un constant sentiment d'inquiétude d'inspiration leibnizienne. Mais il vient alors à s'opposer à la quasi-totalité des intellectuel(le)s de son époque, à considérer qu' « il n'y avait, dans tous les livres français, pas même seulement deux lignes de saine morale » 61 . Il s'agit bien sur d'abord des philosophes français, plus particulièrement des Idéologues. Si Sieyès considère quelques amis proches, et tout particulièrement Cabanis et Destutt de Tracy, comme « des hommes d'esprit », et leur concède donc une appartenance aux « hommes à intelligence », il précise, lors d'une rencontre avec Humboldt à une séance de l'Institut le 21 mai 1798, que, pour la plupart, « ce sont de ces littérateurs en philosophie, de ces philosophes pour les femmes » et il ajoute « Ils n'ont pas l'esprit philosophique ici » 62 . Il comprend ainsi dans « les gens du monde qui parlent avec mépris de l'analyse métaphysique, En disant vrai en toutes circonstances, Sieyès veut résister à la duperie des autres dans le but de conserver son intégrité morale et la constance de sa pensée novatrice. Il se heurte à des intrigants de toutes sortes qui dupent en permanence leurs interlocuteurs (ici principalement les députés) sur les intérêts de la nation en les confondant avec leurs propres intérêts, se dupant ainsi euxmême en cachant leur ignorance du véritable art social, et de la science en général, souhaitant alors que les autres soient tout aussi dupes d'eux-mêmes pour les avoir dans leur jeu, p.57, 2001.