A. Guerreau, L. F. Un-horizon-théorique, L. Paris, L. Sycomore-;-du-même, ?. 'avenir-d'un-passé-incertain.-quelle-histoire-du-moyen-Âge-au-xxi-e-siècle et al., comme « un découpage continu et homogène de l'espace, dont l'unité administrative de base est à l'échelle de la localité, celle de l'espace vernaculaire dans lequel s'inscrivent les pratiques religieuses et sociales des populations locales ». La métaphore est examinée par B. Merdrignac, « Introduction », dans id. et alii (dir.), La paroisse, communauté et territoire. Constitution et recomposition du maillage paroissial, Die Pfarrei in Mitteleuropa im Wandel vom Früh-zum Hochmittelalter », dans E. Bünz, G. Fouquet (dir.), Die Pfarrei im späten Mittelalter, vol.13, pp.46-47, 1980.

. Individuation, . Paris, J. Aubier, and . Baschet, Une histoire de la personne au Moyen Âge, Paris, Flammarion, 2016. 49 . A. Guerreau-Jalabert, « El sistema de parentesco medieval : sus formas (real/espiritual) y su dependencia con respecto a la organización del espacio », dans R. Pastor (dir.), Relaciones de poder, de producción y parentesco en la Edad Media y Moderna, p.100, 1990.

J. Morsel, Histoire (du Moyen Âge) est un sport de combat? Réflexions sur les finalités de l'Histoire du Moyen Âge destinées à une société dans laquelle même les étudiants d'Histoire s'interrogent, p.138, 2007.

K. S. Bader, la territorialisation à la Verdinglichung, soit le passage des droits de la personne dans ses objets -et donc une double démarcation des droits « personnels » face, à la fois, aux droits « territoriaux, Studien zur Rechtsgeschichte des mittelalterlichen Dorfes?, p.219

, qui considère que le haut Moyen Âge (notamment carolingien) se caractérise plutôt comme une « phase complexe associant des logiques personnelles et des logiques spatiales non territoriales ». Ces dernières sont précisées ailleurs comme des logiques de polarisation et d'enracinement local fin IX e -mi-XI e s., tandis que la territorialisation implique une conception plus structurée, hiérarchisée et délimitée de l'espace dominé (bref un espace qui n'est plus seulement pensé à partir du centre mais précisément comme espace, comme aire -complexe, enchevêtrée, et largement scripturale -de domination : F. Mazel, l'idée d'un passage de liens de nature personnelle au haut Moyen Âge à un Moyen Âge central « territorial » se rencontre également à propos du diocèse dans La diocesi di Bobbio?, op. cit., ce dont se démarque F. Mazel, « Diocèse et territoire? », art. cité, pp.368-370, 2013.

J. Morsel, « Comment peut-on être Parisien ? Contribution à l'histoire de la genèse de la communauté parisienne au XIII e siècle, Religion et société urbaine au Moyen Âge. Mélanges offerts à Jean-Louis Biget, pp.363-381, 2000.

, Les lignes qui suivent reprennent en partie des observations générales faites dans J. Morsel, s.v

». Communauté, C. Gauvard, and J. F. Sirinelli, Dictionnaire de l'historien, op. cit, En guise d'avant-propos : les communautés ont quand même une histoire », dans Faire communauté = Questes, vol.32, pp.1-14, 2016.

F. Tönnies, . Gemeinschaft-und-gesellschaft, . Berlin, . Communauté, P. Paris et al., Mais d'autre part, c'est aussi l'humanité de l'homme qui est en jeu dans l'exigence qu'ait existé de tout temps une forme au moins proto-sociale : comment rendre compte, sans cela, de l'essence de l'homme (dès lors qu'elle n'est plus rapportée à la Création), un homme défini par Aristote comme « animal communautaire » (koinonikon zôon) avant même que d'être un politikon zôon -c'est-à-dire moins un « animal politique » que, dans le contexte grec, un « animal proprement social » ? Cela ne signifie évidemment pas qu'il n'a existé des communautés que dans l'Occident du second Moyen Âge (schématiquement à partir du XI e -XII e s., correspondant à l'« encellulement » de R. Fossier ou au « mouvement communautaire » de P. Michaud-Quantin, qui attire pour sa part l'attention sur les réflexions théologico-juridiques permettant désormais de concevoir le principe de « personnes morales » 54 ) : simplement, l'on n'a absolument rien à gagner à se contenter d'un usage flou du mot, parce qu'il interdit précisément de saisir la spécificité des formes sociales qui résultent des processus examinés. Un tel effort de précision conceptuelle et d'historicisation pose d'ailleurs le problème classique du balancement entre vocabulaire indigène (où existent communitas et divers équivalents vernaculaires) et conceptualisation scientifique -un problème qui s'est aussi posé, Anthropology comes Part-Way Home : à un état antérieur à la société (et à l'histoire), caractérisant tout particulièrement les sociétés préindustrielles et/ou non occidentales

, À titre d'hypothèse avait donc été proposée une distinction à opérer entre communauté et ensemble/groupement sur la base de la structure des liens au sein de la forme considérée : pour qu'il y ait communauté, il faudrait qu'il y ait rapport entre les membres (de la communauté) eux-mêmes, mutuels (ou « horizontaux », sans que cela exclue cependant des inégalités de position), et non pas hiérarchisés et polarisés sur tel ou tel personnage 55 . L'entrelacement de liens entre les membres de la communauté -entrelacement plus ou moins dense, réel ou potentiel selon la taille effective du groupe -vaudrait ainsi pour des formes telles qu'une ville, un village 56 , un métier, une confrérie, etc. À l'inverse, une forme conçue structurellement comme un ensemble de liens focalisés sur une unique personne servant, elle, de truchement nécessaire à tous les membres de la forme en question, devrait être conçue comme autre chose qu'une communauté. Dans ces conditions, on devrait considérer autrement que comme une communauté, par exemple, un monastère bénédictin (dans lequel l'abbé est censé être le seul lien entre les moines, strictement juxtaposés et, au mieux, chargés de se Community Studies in Europe, l'articulation des feux correspondrait essentiellement à l'organisation productive, dont la reproduction à long terme serait assurée par la fixation accrue des populations à l'espace habité, pp.349-358, 1977.

P. Michaud-quantin, Du point de vue de la sociologie analytique allemande, wébérienne, cette distinction formelle recoupe celle entre les types de l'Anstalt (institution « verticale ») et du Verein (association « horizontale », communauté), sur laquelle je reviens lors de l'examen des rapports entre paroisse et communauté d'habitants (cf, vol.55, 1970.

, Sans préjuger ici de la morphologie du village en question : non seulement de son plan (« tas », rue, etc.) mais aussi de ce que D. Pichot appelle « village éclaté, Le village éclaté. Habitat et société dans les campagnes de l'Ouest au Moyen Âge, 2002.

. Puisque-le-terme-«-communautés, Ceci impliquerait alors d'expliquer en quoi un monastère, une familia, une paroisse ou un feu ne renvoie pas à une structure spatiale -sinon comme points/centres à partir desquels s'élaborent des pratiques spatiales. On ne veut évidemment pas dire que ces formes d'organisation sont en-dehors de l'espace, mais que leur définition par rapport à lui est distincte d'une part de celle à laquelle nous sommes accoutumés (le territoire) et d'autre part de celle qui concerne les communautés d'habitants (on va y revenir), Müller dans les textes normatifs canoniques des XII e -XV e s. : « Die Pfarrei im Normengefüge der mittelalterlichen Kirche », dans E. Bünz, G. Fouquet (dir.), vol.58, pp.74-76

C. and J. Morsel, L'approche onomasiologique a montré que le champ lexical/sémantique n'était pas nécessairement organisé autour de la notion même d'« habiter », qui soit peut renvoyer à d'autres aspects de l'appartenance sociale (comme l'habitator mauriennais étudié par M. Gelting, qui désigne un villageois nouveau venu, essentiellement par mariage, opposé à l'incola, villageois d'origine et héritier), soit passe à l'arrière-plan par rapport à d'autres notions (vecino, sasse, etc.). Le rapport social que nous voulons appeler ici « habiter », en donnant au syntagme « communauté d'habitants » un sens fort, ne se résout donc pas en mentions et pratiques d'habiter (même non réduites à « résider ») -ne serait-ce que parce que notre objet n'est pas habiter au Moyen Âge, mais le rapport social qui s'instaure à travers le phénomène communautaire et que nous décidons, faute de mieux, d'appeler « habiter » afin d'en souligner le caractère spatial. D'autres concepts seraient certainement possibles, comme le syntagme « communautés d'installés » proposé en cours de route 61 -à condition, là encore, que la question du vocabulaire ne fasse perdre de vue l'objectif : comprendre la société qui « s'encellule » ainsi. Mettre ainsi sur le même plan l'encellulement et la formation des communautés d'habitants qui nous intéressent revient à la fois à spatialiser l'encellulement (contrairement à la façon dont il était initialement présenté) et à considérer les communautés d'habitants comme des modes d'encadrement social. [32] Toutefois, il ne s'agissait pas ici de reconduire une lecture « disciplinaire » 62 analogue à celles de l'incastellamento et des diverses approches fondées sur l'intentionnalité des seigneurs -sans pour autant se contenter d'inverser cette lecture à la manière du communalisme : au lieu de tenter d'identifier un moteur mis, plus ou moins pragmatiquement (c'est-à-dire avec une visée), en marche, l'important était de comprendre ce qui se jouait localement du point de vue des rapports sociaux, c'est-àdire des rapports de domination. Car même s'il peut s'avérer qu'à long terme, les communautés d'habitants ont pu fonctionner comme le noyau d'un système politique démocratique (selon la conception de P. Blickle), cela ne suppose nullement qu'elles ont ainsi révélé ce qu'elles étaient, mais qu'elles le sont devenues -par conséquent, il 61 . Ibid. Ce syntagme est destiné à éviter les associations automatiques que nous faisons avec les mots habiter/habitant/habitat, à maintenir par le participe passé l'ambiguïté consubstantielle à la « violence douce » du rapport au lieu (s'installer ou être installé par quelqu'un) dont il va être question dans les lignes qui suivent, enfin à évoquer (par le biais de l'étymologie) l'idée de « siège » qui est le coeur morphologique de tout le vocabulaire des rapports de domination des hommes et de leur espace -qu'il s'agisse des formes latines sedes, Communautés d'installés"? », art. cité. entrecroisés et spatialité) que se trouvait le phénomène de l'habiter, sur lequel on s'est donc spécifiquement arrêté : d'une part dans une perspective onomasiologique

. Sozialdisziplinierung, disciplinement social ») à la suite de G. Oestreich : cf. W. Schulze, « Gerhard Oestreichs Begriff "Sozialdisziplinierung in der frühen Neuzeit" », Zeitschrift für historische Forschung, vol.14, pp.265-301, 1987.

S. Breuer and . Sozialdisziplinierung, Quoique cette notion ait été développée pour la période moderne, elle a aussi été employée à propos d'une ville médiévale comme Nuremberg par W. Buchholz, Anfänge der Sozialdisziplinierung im Mittelalter. Die Reichsstadt Nürnberg als Beispiel », Zeitschrift für historische Forschung, vol.18, pp.15-16, 1986.

P. Bourdieu, Le sens pratique, pp.215-223, 1980.

». and G. , ] sur la structuration de l'espace féodal européen, dont le caractère polarisé assurait la reproduction du dominium et devait donc être lui-même tendanciellement reproduit sans que les dominants, Sur le caractère strictement historique des logiques d'héritage et donc les questions fondamentales qu'engendre la prise en compte de cette historicité, pp.189-196, 2013.

A. Toutefois and . Guerreau, par l'église et le cimetièrec'est-à-dire par la paroisse, et non pas par la communauté d'habitants organisée, ce qui imposait de s'interroger sur l'articulation entre ces deux formes : communauté d'habitants et paroisse. Cette interrogation était d'autant plus nécessaire qu'en France, les paroisses passent pour avoir donné naissance aux communes, tandis qu'en Allemagne c'est le même mot qui s'est imposé pour désigner la communauté d'habitants

, mais dans tous les cas sur l'intrication des rapports de forces, au-delà d'un schématisme vertical/horizontal et de la trilogie politique/économie/religion. Il nous est en effet apparu vain de prétendre régler le problème de savoir ce que sont les communautés d'habitants et/ou comment ou pourquoi elles se sont formées : les instruments notionnels et les perspectives historiques usuels, dont nous sommes nécessairement prisonniers (au moins au départ, et encore en partie à l'arrivée), sont très puissants car ils servent en partie à définir ce que nous sommes aujourd'huil'histoire servant trop souvent (voire ontologiquement ?) à universaliser les catégories et ainsi à nier l'historicité du social. Il convenait par conséquent de faire apparaître les problèmes, suggérer des pistes de lecture, et montrer en quoi un changement d'éclairage [35] peut contribuer à une meilleure intelligibilité des textes et de la société elle-même -selon une logique en fin de compte analogue à celle mise en oeuvre par C. Wickham pour la plaine de Lucques, dont jamais il ne postule le caractère représentatif, mais heuristique. C'est pourquoi l'essentiel des textes qui suivent reposent sur l, juridique (droits communs, franchises, théories de l'universitas), morphologique (agglomération ou non), religieux (articulation avec la paroisse et le cimetière), politique (municipalité, représentation face au seigneur), scriptural (chartes de franchises, de coutumes ou de peuplement

L. Kuchenbuch, H. Noizet, and M. , Gelting) concernent la question de la spatialité des rapports sociaux correspondant au phénomène qui nous intéresse : l'habiter. Le texte de M. Gelting, par ailleurs, aborde également la question de l'enjeu que représente l'accès aux ressources du territoire pour les habitants eux-mêmes, Échappe nécessairement à ce schéma le texte formant la postface (J. Demade), qui met en oeuvre une démarche proprement réflexive sur les hypothèses de départ et les perspectives dans lesquelles le travail a été mené

P. «-rapports-de-parenté, ». Et-reproduction-sociale, and D. Id, Noblesse, parenté et reproduction sociale à la fin du Moyen Âge, pp.11-23, 2017.

A. Guerreau, « Quelques caractères spécifiques? », art. cité, pp.91-92

, Viader montre bien que les enjeux « internes » ne sont pas dissociables des enjeux de contrôle seigneurial, et les cinq derniers textes avant la postface traitent donc de la question des rapports entre les communautés d'habitants et les structures de domination, qu'il s'agisse des pouvoirs seigneuriaux, sans que les seigneurs aient à intervenir nécessairement puisque les membres des communautés se chargent de faire régner un ordre local et définissent une hiérarchie des droits, laquelle détermine en même temps l'attractivité des pleins droits. Mais R

, arrimée à un dossier, quoique plus superficiellement examiné que ceux qui suivent) ? La réponse ne peut qu'être décevante et en même temps ouverte. Le texte de Lambert est en effet étroitement contraint par une logique discursive qui correspond mal à nos attentes : dès lors en effet qu'il ne raisonne qu'en termes d'intentionnalités (de Herred, d'Arnoul), nous restons dans une interprétation du genre de l'incastellamento (qui n'implique pas qu'il y ait systématiquement création ex nihilo d'un nouveau lieu mais triage : abandon forcé de certains lieux au profit de certains autres, comme dans le cas présenté par É. Huertas), avec appropriation d'un espace au moyen d'un fossé en périmètre (comme dans le cas du fossatum Campelli à Paris, à l'arrière-plan de l'appropriation commune par le roi et l'évêque présentée par H. Noizet), renforcement du pôle en question grâce à un établissement ecclésiastique où l'on concentre les reliques (une sorte de congregatio reliquiarum?, IV. Gains Retour à Ardres : en quoi tout ceci nous permet-il de mieux comprendre le texte de Lambert présenté en ouverture (la présente Introduction étant ainsi, elle aussi

, donc d'une certaine manière plutôt des « immigrés »), mais nous savons désormais que l'usage du terme n'est pas en soi significatif -de même que la traduction par « habiter » du mot habitare dans les textes examinés par L. Kuchenbuch serait très certainement une erreur. Par ailleurs, ils sont appelés « Ardrésiens » (ou « Selnessiens ») -donc qualifiés par rapport à un toponyme, et non plus comme homines de tel seigneur, ce qui peut renvoyer à la logique de spatialisation des identités sociales qui constitue l'objet du texte d'H. Noizet et, en partie, de L. Kuchenbuch. Comme dans les situations observées par R. Viader et M. Gelting, c'est l'arrivée de nouveaux venus qui, justement, Les gens d'Ardres (comme de Selnesse) ne sont jamais expressément qualifiés d'« habitants » (les incole sont les ex-résidents des localités voisines

D. Hénin and . Et, Par conséquent, habiter à Ardres (depuis toujours ou non, puisque la question de l'ancienneté ne surgit que lors des querelles) apparaît comme une sorte de liberté -on ne saurait mieux suggérer combien les « habitants » [37] ont internalisé la logique de l'encellulement : être là comme modalité douce de fixation des populations. Les avantages dont ils bénéficient et qui définissent l'attractivité du lieu sont en effet d'une part la « protection » seigneuriale (matérialisée par le château et l'enceinte) et la « protection » spirituelle (grâce aux reliques accumulées), d'autre part la paix intérieure (grâce à la justice échevinale) et les facilités d'approvisionnement (offertes par le marché) qu'Arnoul a octroyées. Certes, on retrouve ici des clauses très voisines de celles étudiées par R. Viader, mais un écart important (outre celui des dates -à moins de ne prendre en compte que celle de la rédaction par Lambert d'Ardres, v. 1200) pourrait bien résider dans le fait qu'à Ardres il n'est visiblement fait aucune mention d'un quelconque écrit : on nous dit simplement qu'Arnoul a juré sur les évangiles et confirmé tout cela, en public et dans l'église Saint-Omer (cum duodecim Ardensis opidi paribus, vavassoribus, militibus, burgensibus et plebe, tactis sacrosanctis [evangeliis], in ecclesia sancti Audomari Ardensis iuravit et confirmavit). L'absence d'écrit n'est sans doute pas à mettre au compte d'un sous-développement scriptural des régions septentrionales, qui plus est à une date aussi ancienne (fin du XI e s.), puisque la région en question connaît précisément un recours précoce à l'écrit et au type de la charte de franchises. Le pointclé réside sans doute plutôt dans le fait que contrairement à Ardres, c'est un groupe seigneurial qui doit se stabiliser à Belpech, Molandier et Mazères : à Ardres, Arnoul est certes soumis au comte de Guînes (qui est d'ailleurs devenu seigneur d'Ardres au temps de Lambert) et a lui-même des dépendants plus ou moins aristocratiques (les vavassores et milites mentionnés) -mais Lambert ne donne pas l'impression qu'Arnoul ait à imposer localement son pouvoir face à d'autres seigneurs. Par conséquent, c'est aussi ce que Lambert ne nous dit pas qui fait sens : l'absence de charte de franchises ou de coutumes -qui nous rappelle qu'on écrit moins pour dominer les dominés que pour définir les pouvoirs des seigneurs entre eux -; la quasiabsence de la paroisse à la fin du XI e s. sauf à propos de la dîme -qui signale soit que le processus de paroissialisation n, Écluse affluèrent spontanément vers Ardres pour y établir volontairement et perpétuellement leur habitation au milieu des autres (apud Ardeam sponte confluxerunt et ad nutum eius cum Ardensibus perpetuam sibi habitationem elegerunt), tandis que les querelles entre anciens et nouveaux Ardrésiens associent extranéité et servilité (adventicios illos

, artisanale ou commerciale (sauf la mention du marché) -sans doute parce que le but de la documentation médiévale, surtout cléricale, n'est jamais de nous en parler en soi, comme s'il s'agissait d'une donnée significative et digne de mention, parce que la [38] conception de la société comme ecclesia et le recours sélectif à l'écrit ne laissent longtemps la place qu'au problème de l'articulation entre charnel et spirituel. Il faut donc attendre qu'une logique de la conversion institutionnalisée des biens (et personnes) charnels en biens (et personnes) spirituelles (par donation, consécration, attribution judiciaire, scripturalisation, etc.), laisse la place à une autre logique, qu'A. Guerreau voit apparaître à travers les controverses théologiques du XII e s., observe déjà à l'oeuvre au XIII e s. et qu'il qualifie d'« homogénéisation » (et dont précisément la « spatialisation référentielle » me semble pouvoir être une des modalités) : dans ce processus, la totalité du charnel tend à glisser du côté du spirituel (ce dont la Réformation constitue l'aboutissement involontaire) 67 , entre autres par l'internalisation des normes par les laïcs, qui se chargent à leur tour de promouvoir le respect des « valeurs chrétiennes » 68 . Dès lors, de toute mention d'activité productive rurale (sauf la mention des restes romains soulevés par la charrue)

. Id, . Stabilità, ». Le-creature-e-il-creatore-nello-spazio-medievale, D. E. Castelnuovo, and G. Sergi, montre combien la notion traditionnelle de « laïcisation » employée pour rendre compte « profane », notamment les activités productives ou marchandes, n'était plus susceptible d'échapper à l'écrit (lui-même conçu comme facteur de spiritualisation 69 ) -ce qui éclaire sans doute d'une autre manière, moins technico-rationnaliste (dans le sillage de J. Goody et de M. Clanchy 70 ), des phénomènes appelés « révolution documentaire » ou « scripturalité [39] pragmatique », mais aussi l'existence même de la documentation exploitée par J. Dumasy, M. Gelting et S. Leturcq par contraste avec le « silence » (en fait l'indicibilité) chez Lambert. Le premier gain, en fin de compte, de tout ceci n'est-il pas déjà de nous faire voir tout ce que nous ne comprenons pas, au-delà des modèles explicatifs existantspremière étape vers l'élaboration de nouveaux paradigmes, comme contribution à une approximation progressive de cette société (dans son fonctionnement comme dans sa dynamique) ? C'est en tout cas une attitude de permanente modestie par rapport à l, Arti e storia nel Medioevo, III : Del vedere : pubblici, forme e funzioni, pp.167-197, 2004.

, ) : moins qu'à un passage de l'église/Église à la ville/cité, c'est à l'infusion de la seconde par la première et à la réalisation de la première dans la seconde qu'on assiste -ce qui a permis la fondamentale continuation de ses logiques sociales (l'intégration à la communauté d'habitants et la stabilité de la main-d'oeuvre) alors même que l'institution ecclésiale voyait son magistère remis en cause, de l'intervention croissante des laïcs dans le champ du sacré et d'une substitution du politique à l'ecclésial est trompeuse et interdit de comprendre, au-delà du binôme Église/État, p.459

, XIV e s., que j'ai présentés et soumis à diverses discussions collectives (à l'Université Laval de Québec en 2012, lors de la session du CTCPSM et dans une version allemande au Frankfurter Forschungskolloquium Mittelalter en 2014, enfin à l'EHESS en 2015), dont résulte mon texte en préparation « La charte féodale comme opérateur temporel, C'est en tout cas l'une des hypothèses susceptibles de rendre compte efficacement de divers discours tenus (dans les préambules) par les chartes allemandes des XII e

J. Goody, La raison graphique. La domestication de la pensée sauvage, 1979.

M. Clanchy, From Memory to Written Record, pp.1066-1307, 1979.