D. Contrairement, Français moyen ») qui serait de ce simple fait et en soi doté d'une représentativité remarquable, l'intelligibilité de l'ensemble n'est possible qu'à l'aide (également) des cas-limites. Ce qui compte est donc de faire apparaître les disparités et variations dans toute leur diversité, au lieu de les raboter : le passage à une échelle plus petite (pour des objets plus gros, ou plus nombreux) ne doit pas avoir pour finalité d'éliminer le « bruit », ou tout ce qui « dépasse », mais de voir autre chose. Pour autant, prendre au sérieux les cas-limites, ou aberrants, ne signifie nullement sacrifier à un culte de la diversité pour elle-même, ou des petits objets parce qu'ils sont petits. Non seulement, on l'a vu, l'intérêt des petits objets n'existe que par rapport aux objets plus massifs -chacun d'eux ayant au moins comme intérêt de casser les évidences entourant l'autre -mais surtout

, Malgré le singulier du sous-titre (« la commune rurale »), en effet, C. Wickham rejette l'approche idéal-typique des historiens du droit et de beaucoup d'historiens qui se focalisent sur un schéma théorique à partir duquel ils jaugent le degré ou le rythme d'accomplissement d'un objet historique (en fait, historien : la commune, la ville, la noblesse, etc.). À l'inverse, selon lui, c'est le principe de variation qu'il faut expliquer : non pas les prétendues ressemblances ou continuités, mais la logique des écarts, des différences, c'est-àdire aussi du changement (puisqu'il se perçoit en premier lieu par un écart entre deux états temporels). Pour ce faire, ce sont bien des cas particuliers qu'il faut étudier empiriquement, à partir desquels dégager un nombre relativement limité de facteurs qui permettent de construire ce qu'il appelle une « matrice explicative ». Chaque cas est ensuite susceptible d'être expliqué par la combinaison de tout ou partie de ces facteurs, ce qui assure ainsi une explication à deux niveaux : la matrice explicative [146] fonctionne à l'échelle générale, tandis qu'à l'échelle locale il convient de s'interroger sur les raisons de la variance

. Payre, Une sociologie historique prospective des sciences du gouvernement, Les institutionnalisations improbables
URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00569299

. Pratiques and P. Paris, et le volume Penser par cas?, op. cit., dirigé par un sociologue et un historien, qui mentionne sur ce point les travaux de P. Bourdieu, Ch. Tilly, M. Offerlé), pp.69-86, 2009.

C. Wickham, Communautés et clientèles en Toscane au XII e siècle. Les origines de la commune rurale dans la région de Lucques, (1991-1995) trad. fr. Rennes, Association d'histoire des sociétés rurales, 2001. Figure 5. Changement ou continuité ? Source : maison Homan, 2018.

, Cette position, qui consiste à expliquer la différence plutôt qu'à partir de l'idée d'une différence ontologiquement donnée, me paraît correspondre parfaitement à la façon dont Marc Bloch définissait en 1937 l'histoire : « la science d'un changement et, à bien des égards, une science des différences » 35 ; on pourrait encore la rapprocher de la façon dont Alain Guerreau conçoit l'histoire (médiévale), à savoir comme la science du changement social (médiéval) 36 -donc une science

, qu'il donne de l'extrême diversité des situations locales médiévales, à savoir qu'elle n'est pas le résultat d'un système social absurde mais qu'au contraire elle est parfaitement signifiante puisque c'est justement ce que le système devait produire et que les variantes ellesmêmes n'étaient pas significatives par rapport à la logique de variation 37 (ici synchronique, spatiale). La matrice explicative n

M. Bloch, Que demander à l'histoire ? », rééd. in Mélanges historiques, t. 1, p.8, 1937.

A. Guerreau, 301 : « l'histoire médiévale est la science de l'évolution de la société de l'Europe médiévale, 2001.

A. Guerreau, Neithard Bulst, Robert Descimon et Alain Guerreau (dir.), L'État ou le roi. Les fondations de la modernité monarchique en France (XIV e -XVII e siècles), pp.91-92, 1996.