, il ne cachait pas son optimisme : ?je ne parle pas des possibilit?s d'absorption en France, elles sont presque illimit?es ?51. ? la fin de l'ann?e 1927, les tensions paraissaient domin?es et les r?gles de la collaboration accept?es de tous. Pour parfaire l'embellie, la reprise de l'immigra tion se profilait, 1927.

, La suite allait le montrer, le responsable du minist?re visait l? une collabora tion active sur le terrain avec les repr?sentants et les organisations russes de fa?on ? ?viter le recours ? des services ext?rieurs53. Le message avait ?t? entendu. Alors que E. Gallati, agent du BIT ? Varsovie, rendait compte d'une proposition de collabora tion de la SGI pour l'organisation des transports, le major Johnson lui r?pondit clai rement ? on peut utiliser le service de Duhamel (repr?sentant de la SGI) si nous obtenons des contrats par son interm?diaire, mais si les contrats viennent d'autres sources (sous-entendu du minist?re de l'Agriculture), M. Paon mit cependant comme condition ? cette reprise d'activit? l'assurance d'une bonne s?lection professionnelle effectu?e sous l'?gide des bureaux locaux du BIT52

, Bulgarie) rappela ainsi que le ? recrutement ? Sofia est assist? par le correspondant ici de la Commission agricole de l'Union des zemstvos et des villes russes

M. J. Zenkoff, Europe centrale et orientale, les organisations russes ?taient devenues des collaborateurs ? part enti?re du recru tement. L'embauche se pratiquait sur la base d'une double m?diation, d'une part le BIT et le minist?re de l'Agriculture pour la gestion globale du syst?me ; d'autre part les associations russes pour l'organisation des transferts, tant sur les lieux de d?parts (s?lection, contr?le) que sur ceux d'arriv?es o? la Commission agricole du Zemgor avait ses agents dans les services d?partementaux de main-d' uvre. Les r?fugi?s concern?s s'en remettaient ? leurs autorit?s ? naturelles ?. La pr?sence de celles-ci att?nuait la relative duret? des conditions de ? triage ? (selon l'expression en vigueur), ?tablissait un climat de confiance renforc? par la garantie d'un accueil ? l'arriv?e. Les r?fugi?s jouissaient ainsi, qui est en m?me temps pr?sident du comit? d'aide aux cosaques et poss?de en cette qualit? plus de 100 repr?sentants dans le pays ?55. Il faut recon na?tre qu'? cette ?poque-l?, dans la plupart des pays d

, En Bulgarie au contraire, le sous-d?l?gu? fournit des candidatures de r?fu gi?s de formation sup?rieure, par exemple celle d'un certain M. Ivanoff ? lui-m?me agronome de profession et de pratique, qui a ?t? au service de l'?tat bulgare pendant plusieurs ann?es, dirigeant une ferme d'?tat du sud de la Bulgarie ?57. Certains correspondants locaux insistaient sur l'important potentiel de main d' uvre, d'autres sur la qualification des candidats et l'incidence de ces choix se ressentit dans les r?sultats. De fait, c'est avec Sofia que les transferts vers le Sud Ouest fran?ais furent les plus importants et les Russes de Bulgarie furent bient?t consid?r?s comme les meilleures recrues58. Ils devaient surtout cette r?putation ? la strat?gie adopt?e par l'agent de Sofia, M. Serafimoff. Les tr?s faibles recrutements effectu?s en Pologne pouvaient de la m?me mani?re ?tre imput?s au responsable local qui fit tr?s t?t valoir que les r?fugi?s dans ce pays ?taient particuli?rement d?munis et inorganis?s, d?courageant d'avance toute initiative d'envergure59. Une g?ographie pr?f?rentielle des recrutements fut ainsi clairement visible lors de la reprise de l'immigration, Quels en ?taient les b?n?ficiaires ? Les rapports effectu?s par les sous-d?l?gu?s ? Belgrade, Sofia, Varsovie mettent en ?vidence des profils tr?s contrast?s selon les pays. En Yougoslavie, les candidats ?taient pour la plupart des cosaques peu instruits

F. Asdn, Les m?tayers russes install?s en France commen?aient ? solliciter des contrats de travail ? la ferme pour leurs compatriotes rest?s en Europe centrale et balkanique60. Un recrutement ? interne ? s'esquissait. Jamais les conditions de r?alisation du projet n'avaient sembl? aussi optimales. Pourtant, sous l'apparence d'un enthousiasme partag?, les relations entre le minist?re et le BIT, ou plus pr?ci 56, La reprise de l'immigration fut ?galement ? l'origine d'un ph?nom?ne nouveau et prometteur

F. Asdn,

F. Asdn, Rr 412/110/22/3). Il y eut cependant des plaintes concernant certains r?fugi?s s?lectionn?s jug?, La r?putation acquise par la main-d' uvre russe de Bulgarie est surtout perceptible dans les correspondances adress?es au BIT par le chef du d?p?t de Marseille

F. Asdn, R 405/2/22/1, Rapports de Gallati du 11 juin 1926, du 13 juillet 1926, etc. De fait, les recrutements de Pologne furent tr?s faibles en g?n?, ral et en particulier lors de la reprise de l'immigration fin, 1927.

F. Asdn, R?ponses de M. Serafimoff aux demandes de contrats

M. Paon and J. Le-major, commen?aient ? singuli?rement se d?t? riorer. L'examen d'un projet de ferme mod?le, qui allait exiger beaucoup d'?nergie des diff?rentes parties, r?v?la l'ampleur du diff?rend

, Apog?e et abandon de la colonisation agricole

, apprentissage : un grand nombre de r?fugi?s pourraient y s?journer avant de prendre une ferme en m?tayage. Le projet ?tait ambitieux. Certes, il visait ? assurer une formation technique (qui n?cessitait l'emploi de plusieurs ing?nieurs agronomes russes), mais il englobait ?galement une formation linguistique et une initiation aux pratiques administratives fran?aises. Cette id?e fit rapidement son chemin aupr?s des partenaires. Le major Johnson manifesta d'autant plus d'int?r?t que le BIT se trouvait alors ?cart? des op?rations de placement. Apr?s un accueil positif, M. Paon, tr?s absorb? par ses fonctions, marqua un certain d?couragement, mais il r?activa le projet avec l'essor de la colonisation d?, Dans son programme de janvier 1927, la Commission agricole du Zemgor avait propos? la cr?ation d'une grande exploitation dans le Sud-Ouest, con?ue comme un centre d

. Sud-ouest and . Concr, Apr?s avoir rappel? que le projet n?cessitait l'assentiment obligatoire du minist?re, il poursuivait : il est ?vident, que si la SGI doit recevoir une avance de 1 250 000 francs pour le capital d'exploitation et que si, d'autre part, elle absorbe pour frais de gestion tous les b?n?fices de l'exploitation et l'int?r?t du capital engag? en s'abstenant par ailleurs de payer les salaires aux ouvriers s?, sa r?ponse, N. Avksentieff souligna ? qu'une uvre de ce gerne ne peut pas ?tre orga nis?e par une soci?t? commerciale priv?e comme la SGI ?, il pr?cisait que seul le HCR, l'?tat fran?ais et les organisations russes ? ?taient susceptibles d'inspirer la confiance de l'opinion publique russe ?62. La r?ponse de M. Paon fut encore plus radicale

J. Cela-ne-dissuada-pas-le-major, Un mois plus tard, il confiait son enthou siasme au responsable de la SGI qui ?tait en pourparlers avec le propri?taire du 61. ASDN, FMN, C 1453 Rr 412/5/22/2, Lettre du major Johnson ? M. Paon du 16 mai 1928. En fin de courrier, l'auteur pr?cisait qu'il avait ?galement communiqu? la proposition pour examen ? la Commission agricole du Zemgor ? Paris. 62. Ibid., Lettre de N

, Une fois de plus, M. Paon r?agit en soulignant que ? des pr?cautions sp?ciales seraient n?cessaires si vous acceptiez de confier la gestion d'un centre ? la SGI ?65. L'implication des diff?rents partenaires dans la recherche de l'exploitation prenait une tournure singuli?re

M. Paon and . Lui, consacrait les premiers jours de ses ? vacances ? un voyage dans le Sud-Ouest en vue de rechercher l'exploitation agricole destin?e ? recevoir le centre d'adaptation ?66. ? croire que le projet devenait une affaire personnelle ! D?s la fin du mois

J. Le, Tandis que le projet de centre de r??ducation agricole vacillait dans ce jeu st?rile, la Commission agricole se concentrait sur la pr?paration du premier congr?s de m?tayers russes. Dans l'esprit du Zemgor, la mobilisation des acteurs locaux et la m?diatisation de l'?v?nement devaient ? permettre de lier les agriculteurs entre eux ? et donner une nouvelle impulsion ? la colonisation agricole69. Ce congr?s tenu ? la fin du mois de f?vrier 1929 ? Toulouse rassembla quelques centaines de chefs d'exploitations sur les quelque 1 500 install?s dans la r?gion dont, selon l'envoy? sp?, comme toujours dans les tractations relatives aux m?tai ries, ?tait l'une des contraintes majeures (il avait d?j? contribu? ? faire ?chouer plusieurs projets de placements). Le contrat devait ?tre imp?rativement sign? avant la fin de l'automne de fa?on ? pouvoir assurer l'ensemble du cycle de culture

, Poslednie novosti, 6 f?vrier 1929

, Poslednie novosti, 20 f?vrier 1929

, Au terme de ces trois journ?es de rencontre, Nicolas Avksentieff conclut sur une note optimiste annon?ant, notamment, l'arriv?e prochaine de r?fugi?s russes d'Estonie et la cr?a tion d'un bulletin de liaison (?dit? par la Commission agricole)72. Le congr?s, voulu comme une premi?re grande ?tape dans l'essor de la colonisation agricole, marqua en r?alit? le point d'orgue de l'activit? d?ploy?e en faveur des r?fugi?s. Dans le courant de l'ann?e 1929, de nouvelles directives limit?rent l'immigration sur contrats avant de la suspendre compl?tement l'ann?e suivante. Le bulletin de liaison ne connut que deux num?ros

, Au vu du bilan, elle raconte l'histoire d'une entreprise chaotique, fragilis?e par les al?as d'une conjonc ture ?conomique capricieuse, caract?ris?e par une extr?me personnification des r?les, une d?mesure ?vidente entre l'?nergie d?ploy?e et les r?sultats obtenus qui souligne, in fine, le bricolage d?sign? sous le terme d'action internationale. Quel bilan net peut on dresser de ces cinq ann?es d'activit? ? Il en ressort le placement dans l'agriculture de pr?s de 3 000 Russes, dont ? peine la moiti? comme exploitants, les autres comme ouvriers de ferme ; le recrutement d'une poign?e de dipl?m?s russes engag?s comme auxiliaires dans les d?partements ; enfin, l'?tablissement d'un syst?me de cr?dit. Les r?sultats, sans ?tre n?gligeables, ?taient bien en de?? de ceux escompt?s. Par ses divers param?tres, cette r?trospective se fait l'?cho d'une micro-histoire qui fournit plusieurs ?clairages, tant sur les protagonistes que sur la nature des conflits et des modes de fonctionnement de la coop?ration humanitaire. Celle-ci fut pr?figur?e par le Zemgor ? travers son r?, Comme l'ensemble des initiatives prises ? l'?gard des r?fugi?s russes, le projet de colonisation agricole appartient ? l'histoire des ann?es 1920, ? cette d?cennie du ? nouveau concert des Nations ?, port?e par l'?lan humaniste de l'apr?s ? der des ders ? mais circonscrite par le brutal revers de la crise. La r?trospective du placement des r?fugi?s dans l'agriculture offre plusieurs grilles de lectures

, Ceci peut ?tre largement imput? aux parcours des animateurs sociaux de l'exil, anciens politiciens et agents de l'Etat russe qui ont con?u leur mission dans la continuit? d'un service public au profit de la communaut? exil?e. La contribution des r?fugi?s russes ? l'organisation de leur assistance internationale constitue ainsi un ph?nom?ne remarquable. La confrontation entre les repr?sentants institutionnels du projet sur le r?le des organisations et soci?t?s priv?es est sp?cifique ? l'histoire de la colonisation agri 71. Les pr?ts pouvaient aller jusqu'? un million de francs, Il faut souligner ici la capacit? d'adaptation de l'organisation russe aux nouvelles formes de migrations et son pragmatisme dans l'action

, Les actes du congr?s furent publi?s par le Zemgor (Rossijsko-zemsko-gorodskoj komitet pomosci rossijskim grazdanam zagranicej, Komissija po trudovomu zemeVnomu ustrojstvu russkih bezencev : otcetpo sovescaniju russkih arendatorov na jugo-zapade Francii 16-18 fev. 1929g. v Tuluze

, histoire du placement un glissement des r?les et des positions, induit par l'absence de r?gles clairement ?tablies et la mise en uvre de pratiques qui, sous l'apparence de l'improvisation, cr??rent des situations de non-retour. Il en va ainsi de l'entremise de la SGI recommand?e par le repr?sen tant du minist?re du Travail, fait qui, pour cette raison, ne pouvait ?tre ouvertement d?nonc? par son homologue ? l'Agriculture quand bien m?me le recours ? cette Soci?t?

, Paon faisait valoir le b?n?fice des r?seaux russes, le major Johnson, le professionnalisme de la SGI. C'est sur le terrain pure ment technique et logistique du placement que se sont d?ploy?s les rapports de force issus de ces alliances divergentes. Les consid?rations techniques et pragmatiques ont ainsi constitu? les vecteurs privil?gi?s de la politisation du projet, r?v?lant des conceptions oppos?es de l'humanitaire : d'une part, la normalisation de la situation des r?fugi?s par leur assimilation aux pratiques en vigueur dans l'immigration, M. Paon transgressa d?s le d?but les principes adopt?s relatifs au r?le attribu? aux organisations russes. Les associations pass?es avec le secteur priv?, bien qu'ayant ?t? de nature tr?s diff?rente ? Paris et Gen?ve, ont toutes deux ?t? revendiqu?es au nom de l'efficacit? dans l'action. M

, Paon fut nomm? repr?sentant du HCR en France74. Cette promotion ne d?coula pas tant de l'investissement personnel de l'administrateur en faveur des r?fugi?s que de la n?cessit? d'assurer le suivi du syst?me d'emprunt mis en place avec le Cr?dit Agricole. Mais au-del? de cette fonction technique qui rendait incon testable la nomination de M. Paon, c'est la conception de l'action humanitaire du fonctionnaire fran?ais qui se trouvait avalis?e. Les archives ne permettent pas de pr?ciser la nature exacte de l'int?r?t port? par le major Johnson ? la coop?ration avec la SGI, mais les faits ult?rieurs la sugg?rent. Tandis que par la suite le major allait ?tre d?mis de ses fonctions, troite imbrication des int?r?ts pragmatiques et politiques d?fendus par chacun des partenaires peut ?tre observ?e ? maintes reprises au cours des quatre ann?es de coop?ration et elle s'est manifest?e tr?s explicitement au terme de la d?cennie, lorsque M

, Faute de r?sultats ? la hauteur des attentes, les r?fugi?s russes avaient au moins gagn? de leur investissement un alli?

, Cette nomination intervint suite ? l'arrangement international de 1928 qui sanctionna l'institutionnalisation des offices nationaux de r?fugi?s en les pla?ant sous la tutelle du HCR (puis de l'Office Nansen qui lui succ?da en 1930). La France signa l'Arrangement, mais exigea que cette tutelle soit exerc?e par un fonctionnaire fran?ais, nomm? par le gouvernement et agr?? par Gen?ve. Sur l'institutionnalisation des Offices de r?fugi?s, voir Catherine Gousseff, L'exil russe (1920-1939), Centre d'?tudes des mondes russe, caucasien et centre-europ?en EHESS Catherine.Gousseff@ehess.fr 74, 2006.