, Elle l'est un peu moins, ou un peu moins longtemps, pour ce qui regarde la presse périodique cinématographique de Shanghai qui, par définition, n'aurait pas pu naître sans le transfert des techniques occidentales -venues avec l'ouverture des ports chinois aux colonisateurs étrangers, après les traités de Nankin en 1842 -, ni sans les transformations structurelles profondes d'un système éditorial devenu mécanisé et capitaliste 11 . Il y a pourtant, entre ces deux mondes que tout oppose, des similitudes qui sont intéressantes et qui, de fait, tranchent sur les pratiques anciennes de l'échoppe et de l'anonymat ; par exemple le recours aux étudiants des Beaux-Arts qui prêtent leur jeune talent, ici à la couverture d'un magazine, là-bas à la cause communiste ; ou encore, mais les choses sont liées, ces artistes qui signent leurs toiles et leurs dessins, commandés en vue d'être reproduits en masse, afin de se faire connaître et, plus profondément, d'asseoir leur statut 12 . Dans sa contribution, Nora Taylor montre comment, après la Deuxième Guerre mondiale, certains étudiants à l'École des Beaux-Arts d'Indochine ont rejoint la résistance communiste, puis, une fois ralliés, comment ils sont devenus les porte-pinceaux du Parti qui, par le biais de ses cellules, leur faisait passer des commandes très ciblées. Tel est le cas du document qu'elle présente, à savoir une série liée de treize dessins militants, anticoloniaux, et plus précisément tournés à la fois contre la Sûreté française et vers la population pauvre des campagnes. Cette série s'apparente à une bande dessinée -davantage d'ailleurs par l'image que par le texte -qui n'est pas sans rapport avec celles qu'ont pu lire et étudier les artistes avant-guerre, comme Les Pieds Nickelés. La coexistence de dessins et de commentaires s'éclairant les uns les autres, qui était loin d'être nouvelle, n'en constituait pas moins un excellent vecteur de propagande à destination des villageois peu alphabétisés. Une fois le régime établi, la pratique a dû être jugée potentiellement trop subversive, Ces imprimés, populaires par excellence, eurent avant tout une fonction « médiatique » et utilitaire. Ils furent dans certains cas l'objet d'une production massive : le cas de l'acteur fétiche Danjºr} VIII qui se donna la mort en 1854 entraîna la production de plusieurs centaines de gravures différentes. Les cas de figure présentés par Francesca Dal Lago et Anne Kerlan prennent place dans la Chine de la première moitié du xx e siècle 10

, Puis son territoire fut partagé entre les Seigneurs de la Guerre (1916-1928) et les sphères d'influence étrangères, avant que ne débute la « décennie de Nankin » (1928-1937) de Chiang Kai-shek et l'opposition communiste (le Parti est fondé en 1921). Les Japonais, qui avaient occupé des territoires depuis la Première Guerre mondiale, 1937.

, Sur la transformation des procédés d'impression et du système de diffusion et d'édition en Chine au tournant du xx e siècle, pp.1876-1937, 2004.

, Un aperçu sur les artistes enrôlés par les maisons d'édition et l'industrie publicitaire est présenté dans l'ouvrage d'Ellen Johnston Laing, Selling Happiness. Calendar Posters and Visual Culture in Early-Twentieth-Century Shanghai, 2004.