, emploi des jeunes, ceux-ci n'équilibreraient pas le surcoût de ce type d'embauche parce que les véritables motivations seraient ailleurs : dans une logique de responsabilité sociale de l'entreprise (RSE), de promotion de la diversité ou encore dans la mission sociale attachée à toute entité relevant du secteur public

R. Lorsqu'elle-est-présentée-selon-la-logique-de-la, Mais dans tous les cas, et conformément à la philosophie implicite ou explicite de la RSE, c'est le bénéfice pour l'entreprise qui est visée « en dernière instance » par ce type de pratiques. Certes, le recrutement des jeunes est « risqué et coûteux », mais, comme le dit très explicitement la responsable RSE d'une fondation d'entreprise, « la RSE sert le business ». Il s'agit alors de sensibiliser les employeurs à l'intérêt qu'ils trouveraient à diversifier leur recrutement vers le bas de l'échelle des âges. Le « levier » d'une loyauté et d'une motivation plus forte chez ceux auxquels on ne donne ordinairement pas leur chance peut être activé, comme on l'a déjà signalé. L'idée que la diversité serait dotée d'une « valeur intrinsèque », forcément positive dans une perspective managériale, peut aussi être invoquée : « [?] parce que parfois, ils se retrouvent toujours avec les mêmes qui reviennent, et ils ont envie effectivement d'un peu de diversité, la logique conduisant à recruter des jeunes est pensée comme une contribution à un effort d'insertion de jeunes générations mal préparées à faire face aux exigences du monde du travail -relayant, consciemment ou pas, la logique de l'action publique

, Cet effort peut parfois se dire dans les mots de la justice intergénérationnelle : il s'agit de permettre aux nouvelles générations de recevoir autant que ce qu'ont reçu les anciennes au moment de leur entrée dans la vie. C'est alors en tant qu'« ancien jeune », qui a « reçu », qu'il doit donner à son tour, comme l'explique un responsable de recrutement d'une ville moyenne, rappelant que, « à un moment

L. Dans-cette, comme dans la logique de la discrimination positive. Pour autant, ces pratiques ne sont jamais décrites dans le langage de l'antidiscrimination. Celle-ci semble s'évanouir, diluée dans le registre de l'insertion, c'est-à-dire des politiques où le droit à l'antidiscrimination s'efface au profit de pratiques et de dispositifs où les « victimes » (qui, du même coup, perdent ce statut) doivent se positionner comme les premiers acteurs de la solution à « leur, on retrouve le paradoxe associé à la discrimination positive en direction des jeunes : il s'agit bel et bien de compenser un handicap pour rétablir un droit, 2015.

, La diversité constitue un second registre au travers duquel le recrutement des jeunes est décrit comme un acte civique

. Cependant, est pas en tant qu'elle-même que la jeunesse émarge dans les propos des enquêtés

. Au-contraire, biographie entachée d'une expérience minoritaire autre que celle de la jeunesse : origine immigrée ou autodidaxie? Ainsi de ce responsable d'une société de courtage, pour lequel « l'âge et l'origine » finissent par se « signifier » mutuellement : « Chaque année, on a un stagiaire, puisqu'on trouve que c'est sympa aussi de faire découvrir un métier à quelqu'un, et? moi j'ai été victime aussi de? c'est très dur de trouver un stage, je trouve, aujourd'hui. Et un stage intéressant, pas un stage photocopie et comme je trouve ça très dur étant jeune, nous on s'est dit : on donne cette chance à des jeunes. Et on voit plutôt des jeunes issus de la minorité, pour être très précis avec vous. Parce que je trouve qu'en France, il y a quand même des dérives, c'est encore un avis personnel, mais je trouve que tout le monde a le droit d'avoir sa chance. Et pour être issu d'un lieu, quartier difficile, avec un nom pas forcément français et? (Rires) un visage et autre, avec des traits bien marqués, j'ai toujours eu beaucoup de mal à trouver des stages. Donc je trouve qu'aujourd'hui, c'est un peu rendre un petit peu à mon petit niveau, rendre la pareille à un jeune qui a beaucoup de mal. Là on a eu quelqu'un pendant trois semaines qui était d'origine irakienne, elle en était à 80 demandes de stage. Et c'est un ami qui nous a dit : "Écoutez, ça serait lui rendre service parce que si elle n'a pas de stage, elle ne peut pas valider sa formation, une sorte de signifiant général de toutes les conditions minoritaires. Dans plusieurs cas rencontrés, c'est d'ailleurs la biographie du recruteur qui est présentée comme la clé d'une sorte de croisade personnelle

, Le recrutement est inclusif comme il peut l'être à raison de l'origine ou du genre, et c'est même plutôt l'origine qui est « signifiée » dans l'évocation des candidats jeunes, comme le montre le témoignage cite à l'instant 18 . Ici, encore la jeunesse est absente : elle n'est présente que comme « mot

. Enfin, un conseil régional ou une ville sont des services publics qu'ils auraient naturellement vocation à se préoccuper de l'insertion des jeunes dans leurs propres pratiques de recrutement et de gestion de leur main-d'oeuvre. Cet « esprit de service public », sorte d'équivalent de la RSE dans le secteur public, peut conduire, par exemple, à distancer les dispositifs utilisés dans leur vocation à insérer, comme dans le cas de cette ville du sudouest de la France, où l'assistante RH explique que, lorsqu'elle mobilise des contrats aidés, elle tient un monitoring de suivi du devenir des jeunes, ce qu'aucune administration de tutelle ne lui demande, affirmant de la sorte un « esprit de service public » qui surclasse l'usage « réellement existant » : « Tous les contrats aidés, je les ai suivis ici, tout a commencé, ça remonte à 88, les premiers contrats, j'ai tout suivi au CCAS 19 [] et j'ai fait le bilan une fois, j'ai fait un bilan pour aller défendre des dossiers à la direction du travail à l'époque, maintenant, ça s'appelle la DIRECCTE 20 . À l'époque, j'allais défendre mes dossiers et j'avais amené un bilan, ils ont halluciné. Enfin, quand même, on gère des fonds publics, puisqu'on reçoit des aides de l'État, je trouve normal qu'on puisse nous demander

, Dans tous les cas, la jeunesse ne constitue pas le critère d'intérêt général qui oriente l'action. Elle disparaît derrière l'insertion, les « minorités », ou « l'esprit de service public

, Comme l'avait déjà aperçu, il y a déjà près de 20 ans, 2000.

, Centre communal d'action sociale

, Direction régionale des entreprises, de la concurrence

, Travail d'utilité collective

, Certificats of advanced studies" sont des certificats en formation continue qui se déclinent en différentes spécialités. s'accumulent avec l'expérience, la jeunesse s'en trouve particulièrement valorisée dès lors qu'il s'agit de produire une main-d'oeuvre dotée de traits comportements et de compétences techniques attachées de façon singulière à la « culture », aux usages

. L'ouverture-de-la-jeunesse-n'ayant-encore-subi-aucun-«-formatage-»-constitue-une-«-qualité, Comme toute typisation, cette caractérisation de la jeunesse fonctionne dans un jeu d'opposition par rapport à un envers incarné par la séniorité. Il existerait une sorte de « routinisation des compétences » avec l'accumulation d'expérience qui, dans bien des cas, constituerait une entrave lorsque les process de travail exigent de savoir s'adapter, de transgresser les frontières des métiers, de mobiliser des savoir-faire collatéraux à son « coeur de métier » etc. C'est ce qui inquiète le responsable de production audiovisuelle déjà cité au sujet d'une candidature « séniore » qu'il venait d'étudier avant de nous recevoir : « C'est-à-dire que je redoute que, de par son parcours, elle fasse partie des monteurs très traditionnels qui savent extrêmement bien raconter une histoire, s'emparer de rushs pour donner un peu plus de sens, accompagner un récit, mais qui, techniquement, dès qu'il va y avoir un truc va dire, Quand on est plus jeune, on est plus l'esprit ouvert, on a plus de volonté de faire des choses où là où on est plus vieux, plus expérimenté, on va plus rester dans un carcan

, Cette disponibilité à l'acquisition de savoir-faire, de compétences et de codes culturels nouveaux positionne les jeunes comme une sorte de matière brute permettant de produire du « capital humain maison 23 », transformant un esprit et un corps (mal) formé par le système éducatif en un professionnel

. «-l', avantage moi que je trouve à avoir des jeunes à former, c'est qu'on les forme à nos techniques à nous, à notre image à nous d'entreprise. Il ne vient pas avec des idées arrêtées

, Cet avantage de pouvoir former des esprits « vierges » aux techniques et aux usages propres d'une entreprise explique aussi l'intérêt de l'alternance et des partenariats avec des organismes de formation

«. Ça, est un vrai tremplin pour le jeune, mais aussi pour l'entreprise, parce que si l'entreprise est clean dans sa démarche, elle provisionne pour créer le poste du jeune qui fait son alternance, donc c'est une très bonne chose

«. Le-capital-humain-d'un-individu-se and . Définit, Ces connaissances et compétences se sont accumulées tout au long de la scolarité, au cours des diverses formations suivies et à l'occasion des expériences vécues ». La littérature managériale distingue le « capital humain général, capital humain spécifique à la firme, capital humain spécifique à une tâche ». Si ces trois formes peuvent être évoquées par nos recruteurs (la première se déclinant souvent dans les langages des « codes de l'entreprises » et des aptitudes comportementales génériques requises par le monde du travail), ce sont les deux autres qui reviennent le plus souvent, ce qui nous autorise à parler de « capital humain maison, les connaissances et compétences que ce dernier maîtrise, 2010.

, Plus marginal dans notre corpus mais significatif, malgré tout, de la logique décrite ici, cette « malléabilité » des candidats jeunes présente un intérêt particulier lorsque l'entreprise développe une rhétorique forte en termes de « culture » et « d'identité ». Dans la stratégie de recrutement de la SSII cité à l'instant, cette dimension est centrale : « On préférera des profils qui correspondent plus à notre philosophie, à l'éthique de notre entreprise, qui sont peut-être moins compétents, mais que l'on pourra faire évoluer en compétences, Ou plus simplement : « En stage, vous les formez, et s'ils restent chez vous c'est gagné quoi

. D'où-la-centralité-de-cette-malléabilité and . De-cette-ouverture-permettant-de-s'engager-dans-un-processus, On recrute des personnes qui, en plus, ont une courbe d'évolution chez nous, donc dès qu'ils rentrent, ils ont l'impression d'être beaucoup plus vite embarqués que quelqu'un qui est très sûr de lui, qui a "tout vu, tout fait". La personne qui aura peut-être moins de compétences techniques va très vite avoir une courbe de progression et va se rendre compte que son choix de venir nous rejoindre est prolifique, 1) parce qu'il a changé de vie, de cadre et que pour beaucoup, ça compte énormément, et 2) parce qu'en peu de temps, au final, il est embarqué dans une espèce de torrent qui le fait évoluer, qui lui apprend des choses. Donc même en deux ou trois mois, il a vraiment une courbe d'évolution qui est assez violente

, Encore une fois, ce type d'exigence exclut les profils de type « très sûr de lui qui a

, L'alternant « que l'on forme en même temps » présente a contrario un profil idéal. § Jeunesse et modernité managériale

, Le monde du logiciel et de l'internet « libres » matiné de l'esprit « libertaire » des pionniers, ayant pour partie redéfini l'espace de cette critique, c'est aussi, dans les années les plus récentes, du côté de ces modèles que les pratiques managériales puisent désormais de nouveaux cadres prescriptifs. L'un des résultats les plus centraux de notre enquête est l'étroite solidarité qui semble se nouer entre cet affinement toujours plus avancé de technologies managériales fondées sur la souplesse organisationnelle, l'aplatissement des hiérarchies 24 , la capacité d'adaptation des collectifs de travail à des processus itératifs et faiblement planifiés 25 d'un côté, La façon dont les théories managériales reprennent à leur compte les principes de la critique du capitalisme popularisés dans les années 1960-1970 a fait l'objet d'études approfondies et n'a cessé de se renforcer ces dernières années

, Sur un site internet vantant les mérites du modèle de « l'entreprise libérée », les auteurs soulignent dès leur propos introductif qu'il s'agit « d'un programme très séduisant pour les générations Y et Z 26 ». Les employeurs que nous avons rencontrés ont régulièrement développé des propos assez proches

I. C'est-ce-modèle-que-propose-l'ouvrage-À-succès, B. M. Getz, and . Carney, Liberté & Cie : Quand la liberté des salariés fait le succès des entreprises, 2012.

, basé sur l'itération adaptative à l'intérieur de projets mouvants en interlocution directe avec le client, par opposition aux approches traditionnelles plus prédictives et séquentielles. 26 www.manager-go.com, consulté le 07/10/08. associée au goût pour le changement, à la faculté d'adaptation, à l'appétence pour la transversalité, l'organisation faiblement hiérarchisée, la souplesse dans les horaires et les temps de travail, l'attachement à une dimension « ludique

, En premier lieu parce qu'ils apportent un regard neuf, ils aident au décentrement, ils facilitent l'élaboration d'un recul réflexif sur les formes établies du travail et des méthodes permettant de mieux les questionner : « Le fait qu'un jeune découvre certaines choses et peut donner son avis, c'est-à-dire avoir un oeil neuf. Quelqu'un de jeune a toujours un regard à aiguiser aussi, mais avec sa jeunesse, mais avec son esprit à lui de jeune. » (Entreprise d'intérim.) De même, porteurs d'attentes nouvelles, ils invitent à repenser les formes d'organisation du travail

. Enfin, ils seraient de potentiels agents d'acculturation des salariés des anciennes générations. C'est le cas dans cette entreprise de grande distribution XX où l'afflux de nouveaux collaborateurs porteurs d'attentes plus proches du modèle de « l'entreprise libérée » (liberté d'action, de gestion de son temps, en contrepartie d'une plus forte responsabilisation à l'égard des résultats du travail) est censé avoir un effet d'entrainement sur les plus anciens : Et c'est? est-ce que ça a un effet sur les autres générations qui travaillent là ? Parce que si c'est pas inscrit dans les habitudes, par exemple le télétravail, et que ça se développe par le bas, c'est-à-dire enfin par les nouvelles générations, j'imagine que c'est? ça fait réagir ceux qui sont là de 8 h à 17 heures

, Chez nous c'est très présentiel, parce qu'il faut être là. Après, là je parle pour le siège, après en magasin c'est encore autre chose. C'est plus compliqué pour eux de trouver un équilibre, à mon avis, mais si nous déjà au siège on peut donner l'exemple, et en tout cas le réadapter après en magasin, ou en entrepôt d'ailleurs, ça peut être que bénéfique, mais c'est là qu'on pourra attirer? De toute façon voilà je pense que c'est surtout de la communication, qu'on soit aussi transparent envers nos candidats et collaborateurs, sur ce qu'il est possible de faire, et en tout cas trouver un arrangement. Ça vient des magasins justement cette culture-là

, Les jeunes peuvent ainsi être perçus comme des agents de modernisation des pratiques managériales

L. Désormais and . Travail, Ainsi, une responsable du siège d'un grand groupe de travail temporaire observe que « des start-up par exemple [?] aiment bien avoir plutôt des jeunes dans ces structures parce que ça demande beaucoup d'agilité » (Entreprise d'intérim). C'est le cas dans la société de courtage déjà mentionnée, le gérant associe très directement sa jeunesse, celle de ses associés et le modèle de « l'entreprise libérée » qu'il souhaite réaliser : « Moi je suis jeune aussi, donc je les comprends, parce que j'ai 31 ans aussi donc? je me considère jeune? je ne vois pas d'autres inconvénients? c'est des gens? ça se passe bien avec eux. Donc on essaie de créer une bonne ambiance aussi, donc on fait des sorties avec leurs conjoints tous les six mois ; tous les vendredis, on va au restaurant ensemble, on essaie de créer une alchimie entre eux, une entraide pour que derrière, quand ils viennent le matin, ils soient contents de revenir, si vous voulez. Donc là, en plus, ouais il y a un bouquin qui nous va bien, c'est L'entreprise libérée. On leur proposait d'arriver non plus à une heure précise le matin, mais d'arriver entre 8 h 30 et 9 h 30. Ils arrivent quand ils veulent pour leur laisser un peu de flexibilité, un peu d'autonomie. Et je pense que ce sont des choses qui marchent aujourd'hui. Chez nous, il n'y a pas forcément d'horaire de sortie. S'ils veulent demain, par exemple, quitter vendredi à 16 h, ils peuvent partir quand le travail est fait, nous ça nous va. Le jour où ce n'est pas fait, là par contre, ça sera différent. Aujourd'hui, nous on fonctionne en toute confiance avec eux, ils nous donnent, Ils peuvent aussi être décrits par certains employeurs et certains observateurs comme les destinataires et les praticiens naturels de ces nouvelles pratiques. Dans ce cas, c'est l'ensemble de la politique de recrutement d'une entité qui va valoriser les jeunes générations, à partir de la conviction qu'elles sont « naturellement » destinées à porter ces modèles censés organiser

, Au siège du groupe de grande distribution que nous avons visité, la question n'est pas seulement celle de la performance ou de la valeur intrinsèque de l'entreprise « agile ». Elle est plus prosaïquement celle d'une nécessaire adaptation à ce qui est perçu comme une contrainte nouvelle du marché du travail, que les recrues potentielles exigeraient : « Quand on voit les nouvelles entreprises comme Google, c'est ça qui plaît aux jeunes un petit peu, donc le but de notre entreprise, c'est un peu aussi de rajeunir son image et montrer que nous aussi on peut proposer du télétravail, et nous aussi on peut donner de la flexibilité, Cette équivalence entre jeunesse et « agilité » comporte cependant une part d'ambiguïté, car si les jeunes font figure, dans les représentations des employeurs rencontrés, d'incarnation de la modernité managériale, ils représentent aussi ceux qui imposent cette modernité, indépendamment de toute appréciation sur sa valeur

, Cette ambigüité apparait plus nettement encore dans le témoignage d'un responsable d'agence d'une société de service à la personne. La « modernité » des modes de vie des jeunes générations s'impose à lui sans lui inspirer d'enthousiasme débordant

, Je pense qu'il va falloir être prêt à ce que le monde du travail, demain, soit d'accord qu'en entretien il peut y avoir plusieurs personnes qui accompagnent une seule. [?] je pense que socialement il y a quelque chose qui est vraiment en train de se mettre en route, le téléphone portable est une partie intégrante aujourd'hui de l'humain, donc il va falloir s'adapter à ce que? voilà. Aujourd'hui quand on reçoit en entretien, qu'il y ait un téléphone portable, on ne soit plus choqué. Voilà. » Plus encore, ce sont, selon lui, des comportements qui paraissent déviants aujourd'hui, mais qui vont Conclusion Les préoccupations des citoyens en matière d'égalité de traitement, de justice et d'emploi (comment les entreprises privées et les collectivités, en tant qu'employeurs, s'organisent-elles pour mieux répondre aux attentes de la population « jeune » ?) font de ces questions des enjeux sociétaux, ainsi qu'en atteste régulièrement l'actualité politique et médiatique. Que cela soit au moment du recrutement ou dans la gestion des carrières, des risques discriminatoires existent dans le monde de l'emploi et ce

, Les employeurs publics et privés rencontrés dans nos différentes recherches éprouvent le besoin d'évaluer l'état de leurs politiques de gestion des ressources humaines en matière d'égalité en vue de faire évoluer leurs pratiques vers une égalité effective dans le recrutement et la carrière des agents

, S'interroger sur l'influence des injonctions nationales à la diversité, saisir et comprendre les effets, les ressorts et les enjeux sociopolitiques de l'usage des politiques d'emploi ciblées « jeunes » et les logiques discriminatoires liées à l'âge contribuent à créer des outils concrets pour neutraliser les processus. Ainsi, mettre au jour des logiques de traitement différentiel, en comprendre la source et les stratégies d'actions

, Faut-il alors exclure l'existence de pratiques discriminatoires à la source de ces difficultés « propres aux jeunes, Les ambiguïtés soulignées à l'instant (la minoration des politiques de discriminations

. En, interdit de penser que les discriminations envers les jeunes « existent » bel et bien et que les mesures d'aides à l'emploi les combattent indirectement, sans cependant se « penser » comme telles, de même qu'elles représentent, pour les employeurs, une ressource pour améliorer la « diversité » dans leur recrutement. Ainsi, on peut penser qu'il existerait une non-reconnaissance des discriminations dont les jeunes sont victimes en raison de leur « jeunesse

, qui se donne pour objectif de « lutter contre le chômage des jeunes des quartiers et contre les discriminations qu'ils subissent lorsqu'ils recherchent un emploi ». Aborder la question de la discrimination des jeunes dans l'accès à l'emploi implique donc de prendre en compte d'emblée cette ambiguïté : celle-ci n'est pas forcément traitée comme telle par des dispositifs d'action publique d'aide à l'insertion des jeunes

, L'insertion dans l'emploi des jeunes dits vulnérables en raison d'un défaut de diplôme, d'expérience ou d'un surplus « d'origine » (migration, classe et quartier populaires) est ainsi l'objet de nombreuses politiques publiques envers les entreprises privés et les collectivités publiques. L'objectif de cette

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, Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP), service à compétence nationale/DJEPVA 95 avenue de France

, Alors que le chômage des jeunes reste élevé et leur entrée dans l'emploi problématique, le critère d'âge n'a été que récemment introduit dans les critères de discrimination. Peut on dire alors que la variable du jeune âge interfère dans les décisions des recruteurs ? Les jeunes reçoivent-ils un traitement différentiel durant les processus derecrutement en raison de leur âge ? Si la jeunesse est un enjeu pour la structuration des équipes de travail au regard de la performance collective d'une organisation, quelles sont les catégorisations qui

, Basé sur une enquête de terrain auprès d'acteurs du recrutement dans des entreprises et des collectivités territoriales réparties dans cinq secteurs d'activité et quatre régions

, dans le monde du travail et de l'entreprise. Ensuite, la variable du jeune âge dans les pratiques des ressources humaines (RH) de recrutement s'organise d'emblée autour d'une dualité qui se traduit par une présence/absence du critère âge en fonction du type de scène, formelle ou informelle, du recrutement. Enfin, cette enquête de terrain montre qu'il existe des situations de discriminations négatives de la part de recruteurs qui ont vécu des échecs de recrutement et qui, par conséquent, anticipent d'éventuels nouveaux risques en refusant l'entrée de certains jeunes candidats. Enfin, si la ou les jeunesse(s) reste une catégorie le plus souvent impensée et qu'elle est difficilement appréhendée par les acteurs du recrutement, embaucher des jeunes relève bel et bien d'une stratégie d'adaptation à des contraintes de marché, de logiques de gestion prévisionnelle de la main-d'oeuvre, de politiques managériales ou encore de logiques « civiques, Tout d'abord, les « jeunes » ne forment pas une catégorie homogène : cette étude démontre l'existence de formes de catégorisation négatives et positives de la « jeunesse » en lien avec les définitions des problèmes et/ou atouts qu'elle pose aux recruteurs confrontés parfois aux changements qui la touchent dans la société et, plus particulièrement