Les limites de la protection des consommateurs contre les clauses abusives en matière bancaire : précisions de la CJUE - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Actualité juridique Contrats d'affaires : concurrence, distribution Année : 2019

Les limites de la protection des consommateurs contre les clauses abusives en matière bancaire : précisions de la CJUE

Véronique Legrand

Résumé


Sommaire :
La directive n° 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs définit les clauses abusives en empruntant une double technique. D'une part, elle donne une définition générale des clauses abusives dans son article 3 § 1. Ainsi il faut considérer comme abusive une clause qui n'a pas fait l'objet d'une négociation individuelle et qui, en dépit de l'exigence de bonne foi, crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat. D'autre part, la directive s'appuie sur une liste non exhaustive d'exemples de clauses susceptibles d'être déclarées abusives dans une annexe.

Or, dans le cadre d'un litige opposant un emprunteur à un établissement bancaire hongrois à propos d'une clause prétendument abusive d'un contrat de prêt hypothécaire, la cour d'appel régionale de Budapest a posé à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) quatre questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 3 § 1 de la directive n° 93/13/CEE ainsi que du point 1, sous m) et q), de l'annexe de cette même directive. L'arrêt de la CJUE du 19 septembre 2019 est en réalité très riche d'enseignements. Il apporte, en effet, plusieurs précisions sur la notion de clause abusive :

Texte intégral :
« L'article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lu en combinaison avec le point 1, sous q), de l'annexe de cette directive, doit être interprété en ce sens qu'il ne qualifie pas d'abusive, de façon générale et sans examen complémentaire, une clause contractuelle n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle et ayant pour effet ou pour objet de renverser la charge de la preuve au détriment du consommateur.

L'article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13, lu en combinaison avec le point 1, sous q), de l'annexe de cette directive, doit être interprété en ce sens, d'une part, qu'il ne vise pas une clause ayant pour objet ou pour effet de laisser légitimement supposer au consommateur qu'il est tenu d'exécuter toutes ses obligations contractuelles, même s'il estime que certaines prestations ne sont pas dues, dès lors que cette clause n'altère pas la position juridique du consommateur compte tenu de la réglementation nationale applicable et, d'autre part, qu'il vise une clause ayant pour objet ou pour effet d'entraver l'exercice, par le consommateur, d'actions en justice ou des voies de recours, lorsque le montant restant dû est établi par acte notarié doté de la force probante, permettant au créancier de mettre fin au litige de manière unilatérale et définitive.

L'article 5 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu'il n'exige pas que le professionnel fournisse des informations complémentaires relatives à une clause qui est rédigée de manière claire, mais dont les effets juridiques ne peuvent être établis qu'au moyen d'une interprétation de dispositions du droit national qui ne font pas l'objet d'une jurisprudence uniforme.

L'article 3, paragraphe 3, de la directive de 93/13, lu en combinaison avec le point 1, sous m), de l'annexe de cette directive, doit être interprété en ce sens qu'il ne vise pas une clause contractuelle qui autorise le professionnel à apprécier unilatéralement si la prestation qui incombe au consommateur a été exécutée conformément au contrat ».

Demandeur : Ottìlia Lovasné Tòth
Défendeur : Erste Bank Hungary Zrt.
Texte(s) appliqué(s) :
Directive n° 93/13/CEE du 05-04-1993 - art. 3, § 1er et § 3
Directive n° 93/13/CEE du 05-04-1993 - art. 5 § 1er

À retenir :
La portée de cette décision doit être mesurée à l'aune des dispositions du code de la consommation qui transposent la directive n° 93/13/CEE. En effet, les clauses figurant dans la liste noire (C. consom., art. R. 212-1) comme celle dont l'objet est de renverser la charge de la preuve au détriment du consommateur ne suscitent pas d'autre examen à la lumière des critères généraux de qualification des clauses abusives. En revanche, s'agissant des clauses dont l'objet est de restreindre le droit du consommateur d'agir en justice, lesquelles figurent dans la liste grise de l'article R. 212-2 du code de la consommation, leur caractère abusif tient à ce qu'elles placent le consommateur dans une position moins favorable que celle prévue par le droit interne en vigueur. Dès lors, une clause qui se contente de refléter les dispositions du droit interne ne saurait être considérée comme abusive. Parallèlement, il faut noter que si les clauses contractuelles doivent être rédigées de manière claire et transparente, l'article 5 de la directive n° 93/13/CEE ne saurait exiger du professionnel qu'il fasse état de la jurisprudence afférente à des dispositions légales du droit de l'État du consommateur reprises dans le contrat. Enfin, la clause selon laquelle le professionnel apprécie unilatéralement si la chose livrée ou le service fourni est conforme aux stipulations du contrat est, certes, une clause irréfragablement abusive, mais cette hypothèse ne vise pas la clause qui permet au professionnel d'apprécier unilatéralement si le consommateur a parfaitement exécuté ses propres obligations.
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-02450926 , version 1 (23-01-2020)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-02450926 , version 1

Citer

Véronique Legrand. Les limites de la protection des consommateurs contre les clauses abusives en matière bancaire : précisions de la CJUE : décision rendue par Cour de justice de l'Union européenne 19-09-2019, n° C-34/18. Actualité juridique Contrats d'affaires : concurrence, distribution, 2019, 11, pp.493. ⟨halshs-02450926⟩
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