Les perspectives de la déclaration judiciaire de délaissement parental unilatérale - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Recueil Dalloz Année : 2019

Les perspectives de la déclaration judiciaire de délaissement parental unilatérale

Fanny Rogue

Résumé

[Avis 19-06-2019 19-70.008].
La déclaration judiciaire d'abandon, devenue déclaration judiciaire de délaissement parental (DJDP), ne concerne que quelques centaines d'enfants chaque année sur les près de 300 000 suivis en protection de l'enfance. Toutefois, malgré sa dernière réforme par la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016, elle continue de susciter controverses et interrogations. Rappelons, à ce titre, que l'ancien article 350 du code civil avait fait l'objet de cinq modifications, avant d'être abrogé par la loi précitée, et remplacé par son succédané, aux articles 381-1 et 381-2 du code civil. L'objectif de ces différentes réformes était de faciliter le prononcé par le tribunal de grande instance (TGI) de déclarations judiciaires d'abandon, et de contrer ainsi l'interprétation jurisprudentielle qui imposait que le désintérêt des parents soit volontaire. C'est également l'objet de la nouvelle définition du délaissement parental, l'enfant étant « considéré comme délaissé lorsque ses parents n'ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l'année qui précède l'introduction de la requête ». Néanmoins, l'adoption d'un amendement lors de la discussion devant le Sénat a sans doute ruiné cette volonté initiale d'objectiver la notion de délaissement parental puisque l'article 381-1 du code civil ajoute in fine : « sans que ces derniers en aient été empêchés par quelque cause que ce soit ».

L'une des innovations, introduite par la loi du 14 mars 2016, est d'avoir déplacé cette procédure du droit de la filiation vers le droit de l'autorité parentale. La volonté du législateur était de séparer plus nettement le délaissement parental de l'adoption : si la déclaration d'abandon de l'enfant peut être conçue comme « l'antichambre de l'adoption », le projet d'adoption de l'enfant abandonné ne doit pas être une condition, ni un préalable à cette déclaration. La finalité de la DJDP n'est pas - ou plus seulement - de faire en sorte que l'enfant soit adoptable, mais de lui permettre de bénéficier d'un statut plus protecteur que celui dans lequel il est enfermé (assistance éducative, mesure administrative provisoire, enfant confié temporairement à un tiers...) et, plus précisément, celui de pupille de l'État. L'autre innovation notable de la loi nouvelle est d'avoir prévu que la DJDP peut être prononcée à l'égard d'un seul des deux parents, ce que la jurisprudence avait explicitement refusé en application de l'ancien article 350 du code civil. Par là même, le législateur a répondu aux appels des professionnels de la protection de l'enfance qui critiquaient ce frein aux prononcés de déclarations d'abandon, pourtant nécessaires dans certaines situations particulières. C'est à propos de cette nouvelle disposition que la première chambre civile a apporté d'utiles précisions dans deux importants avis du 19 juin 2019. Dans ces deux affaires, la demande a été formulée par le TGI de Cherbourg qui a posé une question principale et huit questions subsidiaires quant au domaine d'application et aux effets de la DJDP unilatérale.

La question principale était simple : la déclaration judiciaire de délaissement parental unilatérale ne peut-elle être prononcée à l'égard d'un parent que si l'autre parent n'est plus titulaire de l'autorité parentale ou a remis volontairement l'enfant à l'aide sociale à l'enfance (ASE) en vue de son admission en qualité de pupille de l'État ? La Cour de cassation répond par la négative, énonçant, après avoir rappelé la teneur des articles 381-1 et 381-2 du code civil, que ces textes ne prévoient pas de conditions particulières pour la DJDP unilatérale. Imposer que le parent non défaillant au sens des textes ait perdu l'autorité parentale ou ait remis volontairement l'enfant à l'ASE serait ajouter des conditions à la loi. Ce qui nous intéressera ici plus particulièrement sont les réponses aux questions subsidiaires apportées par la première chambre civile, quant au statut de l'enfant et à son adoptabilité (I) et quant à la délégation de l'autorité parentale (II). La possibilité de prononcer un délaissement parental à l'égard d'un seul des deux parents participe du changement de finalité de cette procédure particulière : l'objectif n'est plus tant de favoriser l'adoption de l'enfant mais de conduire à une meilleure protection de ce dernier. L'extension du champ d'application du délaissement parental laisse une certaine marge de manœuvre aux professionnels de la protection de l'enfance, ce dont on peut se satisfaire ; néanmoins, toutes les interrogations ne sont pas levées (III).
Fichier non déposé

Dates et versions

halshs-02450236 , version 1 (22-01-2020)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-02450236 , version 1

Citer

Fanny Rogue. Les perspectives de la déclaration judiciaire de délaissement parental unilatérale. Recueil Dalloz, 2019, 33, pp.1876. ⟨halshs-02450236⟩
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