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Chapitre d'ouvrage Année : 2019

Ego sum vermis : De l’insecte né de la pourriture, à la conception du Christ sans accouplement. Un exemple de naturalisme exégétique médiéval

Résumé

The medieval texts examined here illustrate the encounter of natural science and spirituality regarding the spontaneous mode of procreation of "vermin". This scientific information has been accepted and popularized since antiquity, repeated without discussion during the Middle Ages and revived during the golden age of medieval encyclopedicism in the first half of the 13th century, before being discussed at length by Albert the Great on new Aristotelian and Avicennian scientific bases. From then on, the "worm" diversified into various ringworms, whose modes of reproduction and generation were increasingly specified and defined, thanks to new philosophical material which also fed university education from about 1240 onwards. In the Christian tradition, the pattern of the conception of the worm, an imperfect animal, gave also rise to a positive exegesis related to the son of God, Christ. To be possible, this interpretation carried by the first Fathers of the Latin Church had to be based on a shift in value: leaving the corrupted humidity, the abject insect was born clean from the "pure earth" assimilated to the Virgin (in Maximus of Turin and in Augustine, taken over by Cassiodore). Between "cursus rerum" and "natura rerum", the miracle took place and associated spontaneous generation, human generation, creation and divine incarnation. Without being the predominant tradition, this patristic tradition found an illustrious Carolingian defender in Jean Scot, and was disseminated by the Glossa ordinaria, then relayed by Peter the Lombard in the twelfth century. However, it remained in competition with the less flattering naturalistic interpretation, which allowed the insect to appear in human or earthly fertile corruption.
Christus… vermis dicitur tribus modis, dit le cistercien Baudouin de Cantorbéry dans le "De sacramento altaris", son ouvrage sur la liturgie de l'Eucharistie rédigé entre 1161 et 1181. En effet, trois passages bibliques de l'Ancien Testament évoquent un insecte non spécifique et sont mis, dans leur postérité patristique et médiévale, en rapport de similitude avec le Christ. L'un d'entre eux illustre pleinement le croisement entre naturalisme et exégèse qui s'intensifie aux XIIe et XIIIe siècles : il s'agit du verset 7 du psaume 21, disant "Ego autem sum vermis et non homo". Il est mis en rapport chez certains auteurs médiévaux avec la naissance dans l'humidité de la terre, attribuée dans la littérature naturaliste à la vermine, aux "vers", c'est-à-dire aux insectes et aux "rampants". En effet, ceux-ci, considérés depuis Aristote comme des animaux imparfaits, c'est-à-dire inachevés, sont dotés d'une génération spécifique puisqu'ils ne naissent pas de leurs semblables mais d'un milieu naturel distinct. Partir de l'interprétation naturaliste de ce locus biblique permet de montrer, à travers des témoignages significatifs depuis la patristique jusqu'au milieu du XIIIe siècle, l'influence du savoir biologique sur le choix des corrélations exégétiques. En effet, suite à un subtil glissement d'environnement de la procréation entomologique, passée de la pourriture humide à la "terre pure", cette association entre le "ver" né sans accouplement et le fils de Dieu généré sans semence ira même jusqu'à servir d'argument théologique dans les débats portant sur la virginité de la mère du Christ, au moment de l'essor conjoint de la littérature mariale et de l'encyclopédisme latin. Je propose de reconstituer les grandes lignes de ce pont lancé entre exégèse et mode de génération du ver, en montrant des évolutions et filiations entre divers extraits de la littérature médiévale. Seront d'abord examinés les trois lieux vétéro-testamentaires rapportés au Christ, avant d'éclairer la connaissance médiévale en matière de mode de reproduction non sexuée des insectes. Seront ensuite mises successivement en valeur les deux polarités opposées du ver, vil car né de la corruption des humeurs, mais aussi pur car engendré sans union corporelle. Quelques pistes conclusives montrent à la fois l'utilisation modérée de ce thème dans la littérature des sermons et l'augmentation des "loci biblici" mis en oeuvre sur le thème du ver rapporté aux vertus christiques.
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Citer

Isabelle Draelants. Ego sum vermis : De l’insecte né de la pourriture, à la conception du Christ sans accouplement. Un exemple de naturalisme exégétique médiéval. Brigitte GAUVIN – Marie-Agnès LUCAS-AVENEL (éd.). Inter litteras et scientias. Recueil d’études en l’honneur de Catherine Jacquemard, Presses Universitaires de Caen, pp.151-184, 2019, Miscellanea, 978-2-84133-938-9. ⟨halshs-02368255⟩
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Dernière date de mise à jour le 28/04/2024
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