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Communication dans un congrès Année : 2019

Quels critères retenir pour l’évaluation de l’interaction orale en langue étrangère ?

Résumé

Le discours-en-interaction est par essence co-construit, ce qui pose immédiatement la question de l’évaluation des individus : comment isoler un discours produit en interaction pour en mesurer la valeur ou le noter ? Et que peut-on, ou doit-on prendre en compte ? Avant de tenter d’apporter des éléments de réponse à ces questions, cette présentation s’attachera à caractériser le discours-en-interaction en langue étrangère en milieu institutionnel. L’évaluation des interactions est, en effet, réalisée en France selon des modalités variables : professeur-élève pour le baccalauréat par exemple, ou étudiant-étudiant pour le CLES notamment. Quant aux modalités dans la classe de langue, celles-ci peuvent varier. Dans le premier cas, enseignant-apprenant (modalité 1), l’évaluateur est également partie-prenante de l’interaction, ce qui introduit potentiellement un biais dans un échange qui est, par nature, co-construit. Ce format a effectivement montré ses limites dans de nombreuses études. Van Compernolle (2011) s’est intéressé aux Entretiens de Niveau (Learner Profeciency Interviews) mis en place pour évaluer les apprenants dans le cadre universitaire aux Etats-Unis et a montré que ceux-ci se caractérisent par une organisation dominée par les paires adjacentes du type question/réponse. Cela conduit les évaluateurs à concentrer leur attention sur la pertinence des réponses des apprenants et sur le contenu uniquement. C’est-à-dire que seule la dimension «réponse-à-la-question» est envisagée, sans tenir compte du fait que, comme dans une conversation « naturelle » le co- locuteur a la possibilité de rejeter la demande ou de changer de topique pour en aborder un autre. Ainsi les apprenants ne sont évalués que sur leur capacité à répondre à des questions et non pas sur leur compétence interactionnelle. Cette analyse vient ainsi confirmer l’étude de Johnson (2000, 2001) qui qualifie ces interviews d’art de la non-conversation. Plusieurs recherches (Ross & Berwick, 1992; Young & Milanovic, 1992) ont montré que l’asymétrie professeur-élève n’est pas sans incidence sur l’interaction proprement dite, en termes de finalités et de modalités, mais aussi en termes de pouvoir. A l’inverse, Saville & Hargreaves (1999) soulignent l’aspect dédramatisant de l’évaluation entre pairs et l’effet positif qui en découle. Cette modalité qui permet à deux apprenants (modalité 2) de mener ensemble un discours-en-interaction se caractérise généralement par une plus grande symétrie de statut, qui a tendance à réduire le niveau d’anxiété en situation d’évaluation. Norton (2005), en particulier, analyse les performances de candidats aux examens de Cambridge et relève l’impact positif de certains facteurs sur la performance. Le fait d’être placé en situation d’interaction orale avec un ami ou avec un interlocuteur de niveau supérieur est un facteur qui place le candidat en situation favorable. Une fois ces deux modalités bien distinguées, de même que leur impact potentiel sur les attitudes des participants ainsi que sur le type de discours qu’ils sont amenés à produire, il est alors possible de s’interroger sur l’essence même de la notion d’interaction. Pour Kerbrat-Orecchioni, cela implique que « le destinataire soit en mesure d’influencer et d’infléchir le comportement du locuteur de manière imprévisible alors même qu’il est engagé dans la construction de son discours » (2011, p. 16). Ainsi, dans le cadre de l’évaluation, c’est-à-dire, la mesure de la compétence d’interaction, il ne s’agit plus seulement de repérer les sujets abordés et les réponses fournies mais, de manière plus fine, de s’interroger sur l’alternance de tours de parole, sur le développement ou les changements de sujets (topiques) (Galaczi, 2013), sur l’engagement du locuteur et du co-locuteur (marques d’acquiescement, gestion des pauses), sur les types d’intervention (Ducasse & Brown, 2009; May, 2011), sur les stratégies de réussites mises en place par les interactants (Nakatani, 2010) ou encore sur les moyens déployés pour gérer les problèmes de communication. Ce sont ces éléments, relevant de la pragmatique du discours, qui sont au centre de l’analyse pour établir des critères d’évaluation de l’interaction orale. Cette présentation s’appuie sur une recherche-action (Narcy-Combes, 2005) qui s’inscrit dans un cadre socio-interactionniste (Pekarek Doehler, 2013). L’étude a été menée dans quatre classes d’anglais au collège où 48 élèves ont été suivis sur une année. Ceux-ci ont été évalués par des enseignants selon les deux modalités présentées ci-dessus, d’abord entre pairs, puis après deux semaines, en interaction avec un enseignant. Dans les deux cas, un jeu de rôle a été proposé aux participants qui devaient organiser des activités sur deux jours lors d’un séjour à l’étranger. Les échanges ont été filmées puis transcrits sous CLAN (MacWhinney, 2000) afin d’identifier les caractéristiques des interactions selon les deux modalités et faire émerger les éléments de performance susceptibles d’être évalués. L’étude repose à la fois sur des aspects quantitatifs mais également sur des aspects qualitatifs, qui sont analysés avec les outils de l’Analyse Conversationnelle permettant d’étudier les « méthodes par lesquelles les membres d’une société accomplissent de façon ordonnée et reconnaissable les activités sociales dans lesquelles ils sont engagés » (Garfinkel, 1967). Un certain nombre des critères qui sont susceptibles d’être pris en compte pour mesurer la compétence d’interaction orale seront présentés. On peut d’ores-et-déjà retenir que la communication orale en présence (les communications à distance, par téléphone notamment, sont différentes) étant par nature multimodale, les aspects verbaux mais également vocaux et gestuels seront retenus pour apprécier la conduite des interactions. Par ailleurs, la question de la variabilité sera également abordée pour expliquer certaines performances. Tarone (1983) a en effet montré que les apprenants variaient dans leur utilisation de la langue selon le type d’activité dans lequel ils sont engagés. L’expérimentation montre que certains participants sont davantage tournés vers la forme (les enseignants) tandis que les élèves visent principalement le sens. Nous montrerons que ces différentes orientations sont susceptibles d’influer sur la performance et donc sur les résultats de l’évaluation.
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Dates et versions

halshs-02357580, version 1 (10-11-2019)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-02357580 , version 1

Citer

Pascale Manoïlov. Quels critères retenir pour l’évaluation de l’interaction orale en langue étrangère ?. Colloque international "Évaluation des acquisitions langagières : du formatif au certificatif", Oct 2019, Grenoble, France. ⟨halshs-02357580⟩
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Dernière date de mise à jour le 07/04/2024
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