Robert Challe et Rousseau : “confessions” et “professions de foi” dans la littérature clandestine
Résumé
at -il lu, comme certains de ses illustres contemporains (Diderot, Voltaire, auxquels on a déjà consacrés des journées 1) des manuscrits philosophiques clandestins ? On est toujours tentés de vouloir découvrir dans les grands écrits du siècle des Lumières de nouvelles preuves de l'influence de la pensée clandestine, une forme de filiation intellectuelle nécessaire entre les grands philosophes et leurs prédécesseurs de l'ombre qui viendrait confirmer, comme s'il était encore nécessaire, l'importance centrale de cette littérature. Mais il est évident qu'il s'agit d'un piège intellectuel dont il faut doublement se méfier. Premièrement, parce qu'il inscrirait nos recherches dans une lecture historiographique entièrement orientée, dans laquelle toute l'histoire de la pensée s'expliquerait par une série d'influences qui conduiraient nécessairement à l'état présent du monde, ce qui est, on le sait, en contradiction avec la part de contingence qui fait l'essence de l'histoire. Deuxièmement, parce que cette recherche d'une filiation nécessaire dans les oeuvres antérieures signifie, sinon nier, du moins sérieusement mettre en cause la spécificité et l'originalité des grands systèmes de pensée qui font cette même histoire. Or, il arrive aussi que, dans certains cas, les ressemblances entre les idées exposées par des auteurs que tout semble opposer son telles que la comparaison paraît s'imposer d'elle-même, moins pour chercher le lignage historique qui permettrait d'identifier une forme de préséance philosophique de l'un par rapport à l'autre, que pour comprendre comment deux consciences agissant dans des contextes différents, et parfois même à des époques différentes, ont pu aboutir à des résultats aux conséquences similaires. Et parce que la même prudence qui invite à se méfier des rapprochements trop hâtifs doit nous rappeler aussi que les influences restent malgré tout possibles, puisqu'il n'y a jamais de système de pensée essentiellement et totalement original. La question ainsi posée invite alors à préciser les termes de l'enquête que nous entreprenons dans ces pages et qui n'a pas l'aspiration d'aborder la relation de Rousseau à 1 Sur ce point, voir les dossiers thématiques « Voltaire et les manuscrits philosophiques clandestins », La Lettre clandestine n° 16 / 2008 ; « Diderot et la littérature clandestine », La Lettre clandestine n° 19 / 2011. Voir également « Approches voltairiennes des manuscrits clandestins », Revue Voltaire n° 8 / 2008.
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