Scientifique, pourquoi pas toi ? Sociogenèse des identifications et aspirations scientifiques pendant l’enfance.
Résumé
Fortes d’une haute valeur d’échange scolaire et sociale, les disciplines et carrières scientifiques (mathématiques, informatique, ingénierie, sciences de la nature et de la matière…) sont inégalement accessibles. Les groupes sociaux dominés – notamment les femmes, les classes populaires et les personnes ethno-racisés – y sont largement sous-représentés. Il y a par exemple moins de 30 % de femmes dans les formations en sciences fondamentales ou en ingénierie à l’université, et seuls 10 % des jeunes issus des classes populaires accèdent au prestigieux baccalauréat scientifique – contre 40 % des jeunes issus des classes favorisées (Blanchard Orange et Pierrel 2016 ; Ichou, 2016).
Cette communication propose d’interroger la sociogenèse des identifications aux sciences, c’est-à-dire les catégorisations précoces des enfants comme aimant et pratiquant – ou non – les sciences et pouvant – ou non – y réussir scolairement et professionnellement. Plus spécifiquement, on montrera comment les socialisations aux sciences des filles et des enfants issus des classes populaires et de l’immigration les catégorisent majoritairement comme « non-scientifiques ». Le propos s’intéressera aux processus de classement de multiples instances de socialisations (l’école, la famille, les pairs, les contenus et objets culturels) et distinguera plusieurs agents en leur sein (enseignant·es et médiateur·ices scientifiques ; parents et membres de la fratrie, etc.). Il s’agira aussi de mettre en évidence les auto-identifications (Brubaker, 2001), c’est-à-dire les processus par lesquels les enfants se conçoivent eux-mêmes comme étant ou non de potentiels scientifiques.
Ce travail repose sur une enquête de terrain longitudinale menée entre 2013 et 2017 auprès d’enfants scolarisés dans un quartier populaire de Lyon. La communication s’appuiera sur les données obtenues dans le cadre de quatre années d’observation participante d’ateliers scientifiques hebdomadaires co-organisés par des enseignant·es et une association de vulgarisation scientifique locale (CM1-5e). Le matériau d’enquête comprend aussi des entretiens individuels avec une cinquantaine d’enfants rencontrés une première fois en fin de CM2 (2015) et une seconde fois en fin de 5e (2017). J’ai également interviewé une quinzaine d’adultes (familles des enfants, médiateur·rices scientifiques, enseignant·es). Les entretiens portent principalement sur les contextes scolaires et familiaux, les dimensions scientifiques des pratiques culturelles et les représentations des sciences.
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Références
Archer L. et al. (2016). Understanding Young People’s Science Aspirations: How students form ideas about ‘becoming a scientist’, London, Routledge.
Blanchard M., S. Orange et A. Pierrel (2016). Filles + sciences = une équation insoluble ? - Enquête sur les classes préparatoires scientifiques, Paris, Éditions rue d’Ulm.
Brubaker R. (2001). « Au-delà de l’“identité” », Actes de la recherche en sciences sociales, 4(139): 66 85.
Gilbert J. (2001). « Science and its “Other”: Looking underneath “woman” and “science” for new directions in research on gender and science education », Gender and Education, 13(3): 291 305.
Ichou M. (2016). Comment l’école amplifie les inégalités sociales et migratoires ? Évolution des inégalités au lycée : origine sociale et filières, Paris, Conseil national d’évaluation du système scolaire.
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