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Article dans une revue Recueil Dalloz Année : 2018

L'EIRL en surendettement : première leçon pratique

Véronique Legrand

Résumé

En instaurant l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), la loi Novelli du 15 juin 2010 a totalement bouleversé le dogme jusqu'alors établi de l'unicité du patrimoine. En effet, désormais, un entrepreneur individuel allait pouvoir affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel sans création d'une personne morale .

Les commentaires, positifs ou plus souvent critiques, n'ont pas manqué, certains n'hésitant pas à dénoncer le lancement d'une bombe juridique.

Quoi qu'il en soit, l'objectif évident de cette nouvelle technique entrepreneuriale était de minimiser les risques encourus par l'entrepreneur en cas de difficulté, en évitant qu'un état de cessation des paiements de l'entrepreneur ne rejaillisse sur son patrimoine domestique et réciproquement qu'un endettement irrémédiable sur le plan privé ne mette en danger l'entreprise. Or il faut avouer que le législateur n'a pas voulu commettre une nouvelle fois l'erreur qu'il avait faite avec la déclaration notariée d'insaisissabilité créée en 2003 en laissant le justiciable dans l'ignorance du destin de l'insaisissabilité face à une procédure collective. Ainsi, dans les six mois qui ont suivi la promulgation de la loi instituant l'EIRL, l'ordonnance du 9 décembre 2010 a introduit dans le code de commerce et dans le code de la consommation des dispositions permettant d'adapter le droit des entreprises en difficulté et des procédures de traitement des situations de surendettement à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

Malheureusement, autant les dispositions relatives à l'adaptation du livre VI du code de commerce furent soignées, autant l'adaptation du droit du surendettement s'est traduite par un seul article au sein du code de la consommation, l'article L. 333-7, scindé en deux lors de la recodification du code par l'ordonnance du 14 mars 2016 (art. L. 711-7 et L. 711-8 c. consom.).

En résumant, il résulte de ce texte que « le débiteur qui a procédé à une déclaration d'affectation conformément à l'article L. 526-7 du code de commerce » est éligible à une procédure de surendettement, que cette procédure ne concerne que son patrimoine privé, et que, dans l'hypothèse où, parallèlement, une procédure collective est ouverte à l'encontre de ce débiteur dans le cadre de son activité professionnelle, il doit en avertir la commission de surendettement, que ce soit au stade du dépôt de sa demande ou, plus en aval, lors de la procédure.

Voilà qui est bien laconique. Au lendemain de la promulgation de l'ordonnance, on n'a pas manqué de s'interroger sur les problèmes d'interprétation qui allaient se poser.

L'arrêt du 27 septembre 2018 illustre parfaitement les questions qui peuvent être soulevées face à un EIRL en surendettement, et les réponses qu'il apporte sont loin de tout résoudre.

En l'espèce, l'exploitante d'une entreprise de location de mobiles homes sous le statut d'EIRL s'est retrouvée en difficulté dans le cadre de son patrimoine privé. Elle a ainsi sollicité des mesures de traitement de sa situation auprès d'une commission de surendettement des particuliers, laquelle avait déclaré son dossier recevable. La caisse de crédit municipal de Toulon a alors formé un recours contre cette décision devant le tribunal d'instance de Draguignan. Ce dernier a considéré que le dossier de surendettement de la débitrice était irrecevable. D'une part, celle-ci relève des procédures commerciales de traitement des difficultés des entreprises puisqu'elle exerce son activité professionnelle sous le statut de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée. Et, d'autre part, elle ne serait pas de bonne foi dans la mesure où sa déclaration d'affectation produite aux débats fait état de deux mobiles homes, alors que, dans son dossier de surendettement, elle ne les avait pas déclarés. Elle aurait ainsi sciemment caché la réalité de sa situation patrimoniale.

La censure de la Cour de cassation était inévitable. En effet, « les dispositions régissant le traitement des situations de surendettement sont applicables au débiteur qui a procédé à une déclaration de constitution de patrimoine affecté conformément à l'article L. 526-7 du code de commerce », selon l'article L. 333-7, devenu L. 711-7, du code de la consommation, et la situation de surendettement ne s'apprécie qu'au regard du patrimoine non affecté. Donc, avant de conclure à la mauvaise foi de la débitrice, il aurait fallu vérifier que les éléments d'actifs qu'on lui reprochait de ne pas avoir déclarés à la procédure de surendettement n'étaient pas affectés au patrimoine professionnel.

La Cour de cassation rappelle ainsi, dans l'esprit de la loi Novelli, la possibilité de l'EIRL de bénéficier d'une procédure de surendettement conformément à l'article L. 333-7 du code de la consommation, ce qui implique de déroger au principe traditionnel d'interdiction du cumul de procédures (I). Parallèlement, elle revient aussi sur la condition de bonne foi exigée pour accéder aux procédures de surendettement, qu'il convient d'apprécier sous le seul angle du patrimoine privé de l'EIRL (II).

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Droit
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Dates et versions

halshs-02216414, version 1 (31-07-2019)

Identifiants

  • HAL Id : halshs-02216414 , version 1

Citer

Véronique Legrand. L'EIRL en surendettement : première leçon pratique. Recueil Dalloz, 2018, 37, pp.2071. ⟨halshs-02216414⟩
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Dernière date de mise à jour le 07/04/2024
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